Categories: Utile

La vitesse passe à 90 km/h dans l’Eure en 2025 : ce que cela change pour vous

La vitesse sur les routes départementales françaises n’est plus seulement une question d’aiguille sur le compteur. Elle est devenue un sujet de tensions, d’attentes et d’ajustements. Depuis la mise en place de la limitation à 80 km/h en 2018, les conducteurs, les élus et les experts ont été pris dans un débat sans fin : cette mesure a-t-elle réellement sauvé des vies ? A-t-elle été adaptée aux réalités du terrain ? Et surtout, peut-on concilier sécurité routière et fluidité du trafic sans sacrifier l’un à l’autre ? Aujourd’hui, une nouvelle page semble s’écrire, portée par des territoires comme l’Eure, qui réintroduisent progressivement le 90 km/h sur certains axes. Ce n’est pas un retour en arrière, mais une évolution mesurée, fondée sur des données locales et une volonté de mieux répondre aux usages. Loin des polémiques, une nouvelle approche émerge : celle d’une vitesse adaptée, plutôt qu’imposée.

La mesure à 80 km/h a-t-elle tenu ses promesses ?

Lorsque le gouvernement a annoncé en 2018 la généralisation de la limitation de vitesse à 80 km/h sur les routes bidirectionnelles sans séparateur central, l’objectif était clair : réduire la mortalité routière d’environ 400 vies par an. Une promesse ambitieuse, portée par des chiffres et des études. Pourtant, les effets sur le terrain se sont révélés bien plus complexes que prévu. Dans les campagnes de l’Eure, comme ailleurs, les automobilistes ont rapidement perçu cette mesure comme une contrainte supplémentaire, sans bénéfice évident sur leur sécurité quotidienne.

Camille Ferrand, enseignante à Évreux, parcourt chaque jour une quinzaine de kilomètres sur la D915 pour rejoindre son collège. « J’ai l’impression de perdre du temps pour rien, confie-t-elle. La route est droite, bien entretenue, et je ne vois pas de différence dans la conduite des autres. Parfois, je me demande si on nous prend au sérieux. » Son témoignage résonne auprès de nombreux usagers, qui ont vu leurs trajets s’allonger sans constater de baisse notable des comportements à risque.

Les chiffres officiels ont alimenté la controverse. Si une baisse marginale du nombre d’accidents a été enregistrée dans certains départements, d’autres, comme l’Eure, ont constaté une stagnation de la mortalité routière. Thierry Plouvier, président du conseil départemental, a été l’un des premiers à remettre en question l’uniformité de la mesure. « Nous avons des routes très différentes, explique-t-il. Imposer 80 km/h partout, c’est ignorer la réalité du terrain. Cela crée de la frustration, et pire : une perte de crédibilité des règles. »

Cette frustration s’est transformée en doute. Les conducteurs ont commencé à se demander si la limitation servait vraiment la sécurité ou si elle relevait davantage d’un coup médiatique. Le manque de communication claire, la signalisation parfois tardive et l’absence de campagne de sensibilisation ciblée ont amplifié ce sentiment. Le 80 km/h, conçu comme un outil de prévention, est devenu, pour certains, un symbole de déconnexion entre les décideurs et les usagers.

Pourquoi revenir à 90 km/h sur certains tronçons ?

Le retour à 90 km/h n’est pas un rejet pur et simple de la mesure précédente. Il s’agit plutôt d’un ajustement, porté par une logique de bon sens et d’adaptation locale. Dans l’Eure, cette décision s’inscrit dans une stratégie plus globale : identifier les axes où le relèvement de vitesse peut être réalisé sans compromettre la sécurité. Le critère principal ? La réalité du terrain.

Sur la D317, entre Pont-Audemer et Bourg-Achard, la route traverse des zones peu peuplées, avec peu d’intersections et une visibilité excellente. « Ici, le 80 km/h n’avait pas de sens, affirme Élodie Levasseur, ingénieure en sécurité routière au conseil départemental. Les conducteurs ralentissaient rarement, et les contrôles étaient mal perçus. En passant à 90 km/h, nous alignons la règle sur le comportement réel, tout en maintenant une vigilance. »

Cette approche ciblée permet aussi de mieux utiliser les ressources. Plutôt que de contrôler des routes où la vitesse est déjà modérée, les forces de l’ordre peuvent se concentrer sur les axes à risque. « Nous gagnons en efficacité, souligne le capitaine Julien Mercier, en charge des patrouilles routières dans le nord de l’Eure. Quand les usagers comprennent pourquoi une règle existe, ils y adhèrent davantage. »

Le retour à 90 km/h s’accompagne aussi d’une modernisation des outils d’information. Les applications comme Google Maps intègrent désormais des alertes précises sur les zones de changement de vitesse. « Je suis prévenu à l’avance, je peux adapter mon allure sans stress, témoigne Marc Tissier, transporteur routier. C’est plus fluide, et surtout, plus sûr. »

Comment choisir les routes concernées ?

Le processus de basculement vers 90 km/h n’est pas laissé au hasard. Dans l’Eure, 420 itinéraires départementaux ont fait l’objet d’une analyse fine. Chaque tronçon est évalué selon des critères objectifs : fréquentation, historique des accidents, visibilité, nombre d’accès privés, état de la chaussée et présence d’éléments de danger. Seuls ceux qui répondent à un cahier des charges strict sont éligibles.

« Nous ne prenons pas de risque, insiste Thierry Plouvier. Si un tronçon a connu plusieurs accidents mortels ces cinq dernières années, il reste à 80 km/h. Point final. » Cette rigueur rassure les élus locaux, comme Sophie Rambert, maire d’un village traversé par la D57. « Nous avons demandé une étude spécifique. Le relèvement n’a été appliqué que sur une section de trois kilomètres, bien dégagée. Le reste reste à 80. C’est cohérent. »

Les mairies sont désormais étroitement associées à la décision. Cette collaboration renforce l’adhésion des populations. « Quand les maires sont impliqués, les habitants comprennent mieux, observe Élodie Levasseur. Ils voient que ce n’est pas une décision top-down, mais une réponse locale à un problème local. »

Le coût de cette adaptation n’est pas négligeable : près de 200 000 euros pour la mise à jour de la signalisation dans l’Eure. Mais pour les élus, c’est un investissement justifié. « Cela vaut mieux que de perdre la confiance des usagers », estime Thierry Plouvier. Des aménagements complémentaires, comme des ralentisseurs ou des panneaux d’alerte, peuvent être ajoutés selon les besoins.

Quel équilibre entre sécurité et fluidité ?

Le défi principal reste de concilier deux impératifs parfois contradictoires : protéger les usagers et garantir la fluidité du trafic. Le 80 km/h a souvent été perçu comme une priorité donnée à la sécurité au détriment du confort de conduite. Le nouveau modèle cherche à rétablir cet équilibre, sans sacrifier la prévention.

Sur la D983, axe stratégique entre Bernay et Lisieux, le passage à 90 km/h a été accompagné d’une campagne de sensibilisation. Des panneaux explicatifs ont été installés, rappelant que ce relèvement s’inscrit dans un contexte de sécurité renforcée. « Nous avons vu une baisse des excès de vitesse, contre-intuitive mais réelle, note le capitaine Mercier. Les gens roulent plus vite, mais plus régulièrement. Moins de freinages brusques, moins de stress. »

Cette stabilité du comportement est un gain en soi. La sécurité routière ne dépend pas seulement de la vitesse maximale autorisée, mais aussi de la régularité de la circulation, de la prévisibilité des comportements et de la qualité de la signalisation. En adaptant la vitesse à l’environnement, on améliore la lisibilité des règles — et donc, la compliance.

Le suivi des effets est également renforcé. Des indicateurs clairs — nombre d’accidents, taux d’infraction, feedback des usagers — seront mesurés régulièrement. « Nous ne figeons rien, précise Élodie Levasseur. Si un tronçon à 90 km/h montre une dégradation de la sécurité, nous reviendrons à 80. La méthode prime sur l’idéologie. »

Quel avenir pour la gestion locale de la vitesse ?

L’exemple de l’Eure pourrait inspirer d’autres départements. Plusieurs collectivités ont déjà entamé des réflexions similaires, comme la Manche ou la Charente. Le mouvement traduit une volonté croissante de décentraliser la gestion de la sécurité routière, en s’appuyant sur des données locales et une expertise terrain.

« Ce n’est pas une mode, c’est une évolution nécessaire », estime Thierry Plouvier. La route n’est pas un espace uniforme. Elle varie selon les territoires, les usages, les saisons. Adapter la vitesse, c’est reconnaître cette diversité. C’est aussi redonner du sens aux règles, en les ancrant dans la réalité vécue.

Camille Ferrand, qui a longtemps critiqué le 80 km/h, constate un changement d’attitude. « Maintenant, je comprends pourquoi certaines routes sont à 90 et d’autres non. C’est plus logique. J’adhère davantage. » Ce regain de légitimité est peut-être le plus grand succès de cette nouvelle approche.

A retenir

Le retour à 90 km/h est-il un retour en arrière ?

Non. Il s’agit d’un ajustement fondé sur une analyse locale des risques et des usages. Ce n’est pas un rejet du 80 km/h, mais une reconnaissance que la vitesse doit être adaptée au contexte de chaque tronçon.

Quels critères déterminent le passage à 90 km/h ?

Les décisions s’appuient sur des données objectives : fréquentation, accidentologie, visibilité, nombre d’accès, état de la chaussée. Seuls les axes répondant à des critères de sécurité stricts sont éligibles.

Les conducteurs respecteront-ils mieux la règle ?

Oui, selon les premiers retours. Lorsque les usagers perçoivent une règle comme cohérente avec le terrain, ils y adhèrent davantage. La lisibilité et la pédagogie renforcées contribuent aussi à une meilleure compliance.

Le coût de cette adaptation est-il justifié ?

Oui. Les investissements dans la signalisation et les études sont compensés par une meilleure efficacité des contrôles, une moindre frustration des usagers et un regain de crédibilité des règles de circulation.

Et si un tronçon à 90 km/h devient dangereux ?

Le système prévoit un suivi régulier. Si les indicateurs de sécurité se dégradent, une réévaluation sera menée, et le retour à 80 km/h sera envisagé. La flexibilité fait partie de la méthode.

Anita

Recent Posts

Retraite : un nouvel abattement fiscal en 2025 menace le pouvoir d’achat des classes moyennes

Un nouvel abattement fiscal à partir de 2025 cible les retraités au-delà de 24 000…

14 secondes ago

Supprimer deux jours fériés en 2025 : pourquoi cette mesure divise les Français

Supprimer deux jours fériés pour économiser 4,2 milliards soulève un vif débat : mémoire, famille…

16 secondes ago

Le prince Harry quitte Sentebale en 2025 et annonce un nouvel engagement pour les enfants vulnérables

Le prince Harry quitte Sentebale après un conflit interne ayant entaché l’ONG. Désormais, il s’engage…

5 minutes ago

À Nice, une commerçante utilise l’IA pour piéger les voleurs en 2025

À Nice, une commerçante utilise l'IA pour créer des caricatures humoristiques des voleurs de son…

5 minutes ago

Retrait du permis : la France prépare un contrôle médical tous les 15 ans en 2025

La France envisage des contrôles médicaux pour les conducteurs, dans un débat entre sécurité routière…

5 minutes ago

Un miracle en forêt : des oiseaux rares pondent en milieu sauvage en 2025

Des oiseaux de la liste rouge pondent en forêt de Harapan, un événement rare observé…

5 minutes ago