Categories: Utile

Celles qui restent craquent : l’urgence criante dans les soins dentaires du CHU de Nantes

En ce matin d’automne à Nantes, alors que les feuilles tombent lentement sur les quais de la Loire, une tension sourde monte dans les couloirs de l’Hôtel-Dieu. Le service d’odontologie du CHU, lieu de soins essentiel pour des milliers de patients chaque année, est secoué par une grève inédite. Ce n’est pas le corps médical qui manifeste, ni les dentistes, mais celles et ceux qui, chaque jour, font tourner l’administration : les assistantes médico-administratives. Derrière leur mouvement, une réalité criante : un système surchargé, sous-dimensionné, au bord de l’implosion. Et des patients pris en otage d’un dysfonctionnement structurel.

Pourquoi les assistantes du CHU de Nantes se mettent-elles en grève ?

Le 8 octobre, Claire Toumelin, assistante médico-administrative depuis douze ans, a décidé de poser un acte fort. Elle et ses collègues ont cessé le travail, non par caprice, mais par nécessité. Leur message est clair : ils ne peuvent plus assurer un service de qualité avec des effectifs insuffisants. On nous demande de faire plus avec moins, et à un moment, le corps et l’esprit lâchent , confie-t-elle, les traits tirés, dans une salle de pause déserte. Depuis plusieurs mois, les conditions de travail se sont dégradées. La suppression de postes en contrat à durée déterminée, combinée à la mise en place d’un nouveau système d’accueil centralisé – le guichet unique –, a créé un goulot d’étranglement.

Le guichet unique, censé simplifier les démarches, a eu l’effet inverse. Concrètement, les assistantes doivent désormais gérer à la fois l’accueil physique, les appels téléphoniques, la gestion des dossiers, les prises et annulations de rendez-vous, et la coordination avec les praticiens. Une tâche colossale, que deux postes en sous-effectif ne peuvent absorber. On est passées de simples gestionnaires à véritables chefs d’orchestre, mais sans le bâton ni le pupitre , ironise Élodie Renard, une collègue de Claire. On a l’impression d’être sur un bateau qui prend l’eau, et on nous demande de ramer plus vite.

Quelle est la conséquence de cette surcharge administrative ?

La surcharge de travail se traduit par des conséquences concrètes, directement ressenties par les patients. Le chiffre le plus alarmant ? Mille courriels non lus. Mille demandes, mille personnes qui attendent une réponse, une date, une solution à leur douleur , souligne Claire Toumelin. Parmi ces messages, des urgences dentaires, des demandes de renouvellement de traitements, des questions sur les délais d’attente. Toutes restent sans réponse, faute de temps.

Le manque de prise en charge administrative a aussi des répercussions sur l’organisation des soins. Les dentistes se retrouvent avec des créneaux vides, car les rendez-vous n’ont pas été attribués. C’est frustrant, on veut soigner, mais on perd du temps à chercher des patients à programmer , témoigne le docteur Julien Vasseur, chirurgien-dentiste au CHU. On a l’impression de gaspiller des ressources, alors qu’il y a une liste d’attente interminable.

De son côté, la patiente Sophie Lemaire, 52 ans, a appelé à trois reprises pour annuler un rendez-vous suite à une infection. Je n’ai jamais eu de réponse. Quand je suis arrivée, on m’a dit que ma place avait été donnée à quelqu’un d’autre. J’ai dû repartir avec ma douleur. Son témoignage n’est pas isolé. De nombreux patients, souvent vulnérables – personnes âgées, précaires, sans accès facile aux outils numériques – se retrouvent exclus du système, non pas par choix, mais par oubli.

Quel est le rôle de la CGT dans ce mouvement ?

Le syndicat CGT est aux côtés des assistantes depuis le début du conflit. Pour eux, ce n’est pas une simple grève de fonctionnaires mécontents, mais une alerte lancée sur un dysfonctionnement institutionnel. Ce n’est pas une revendication salariale, c’est une question de dignité au travail et de qualité des soins , affirme Karim Bensaïd, délégué syndical. On ne parle pas de confort, on parle de survie du service.

La CGT pointe du doigt deux décisions qu’elle juge désastreuses : d’abord, la suppression de postes CDD sans remplacement, puis l’implémentation précipitée du guichet unique, sans accompagnement ni formation. On a changé le système sans former les équipes, sans mesurer l’impact. C’est du management par le vide , déplore Karim Bensaïd. Le syndicat exige le rétablissement des postes supprimés et une réévaluation du système d’accueil, avec une concertation réelle avec les agents.

Comment la direction du CHU réagit-elle à cette crise ?

La direction du CHU reconnaît des difficultés d’ajustement liées à la mise en place du nouveau logiciel de gestion, censé moderniser les procédures. Ce logiciel devait faciliter les démarches des patients et des professionnels, mais il n’a pas produit les effets attendus , admet un porte-parole. En réponse, la direction affirme avoir engagé des mesures correctives, notamment le recrutement en cours d’une personne supplémentaire pour un second guichet d’admission.

Pourtant, cette annonce ne convainc pas les grévistes. Un seul poste en plus ? C’est une goutte d’eau dans l’océan , s’insurge Élodie Renard. On nous parle de solutions temporaires alors qu’on a besoin d’un plan de moyen terme. Selon elle, la direction sous-estime la charge de travail réelle. On ne compte plus les heures sup’, les week-ends travaillés, les appels en dehors des heures. On est en mode survie, pas en mode organisation.

Quel impact cette grève a-t-elle sur les patients ?

Les patients sont les premières victimes collatérales de ce bras de fer. Léa Dubois, 28 ans, souffre d’un abcès dentaire depuis deux semaines. J’ai appelé cinq fois, envoyé deux mails. Rien. Je ne sais même pas si j’ai un rendez-vous ou pas. Son cas illustre le paradoxe du système : un service public censé être accessible à tous, mais dont l’accès est devenu aléatoire.

Le docteur Vasseur confirme : On a des patients qui attendent des mois pour une extraction ou un traitement. Et quand ils appellent, ils tombent sur une boîte vocale ou un silence. C’est insoutenable.

Le risque, selon les professionnels, est une aggravation des pathologies dentaires, poussant les patients vers des urgences coûteuses ou des soins en dehors du parcours de soins coordonné. On soigne des douleurs, mais aussi des inégalités. Et là, on creuse les inégalités , alerte Claire Toumelin.

Quelles solutions sont envisagées pour sortir de cette crise ?

Les assistantes grévistes ne demandent pas la lune : des effectifs adaptés, un système d’information fiable, et une reconnaissance de leur rôle central dans la chaîne de soins. On n’est pas des machines à paperasse. On est des professionnelles de santé, à part entière , insiste Élodie Renard. Elle rappelle que ces assistantes sont souvent la première et parfois la seule interface entre le patient et le système de santé.

Leur plan d’action inclut une mobilisation auprès de l’Agence régionale de santé (ARS), financeur du CHU. C’est à l’ARS de prendre ses responsabilités , affirme Karim Bensaïd. On ne peut pas continuer à faire des économies sur le dos des agents et des patients.

Des solutions existent : recruter des agents dédiés à l’accueil, revoir l’organisation du guichet unique, investir dans la formation au nouveau logiciel, et surtout, instaurer un dialogue social réel. On ne veut pas bloquer le service, on veut le sauver , résume Claire Toumelin.

Quel avenir pour l’odontologie au CHU de Nantes ?

Le mouvement des assistantes médico-administratives révèle une crise plus large : celle des services publics de santé, tiraillés entre modernisation, réduction des coûts et exigence de qualité. À Nantes, comme ailleurs, les agents de terrain sont de plus en plus nombreux à tirer la sonnette d’alarme. Leur grève n’est pas un caprice, mais un cri d’alerte.

Le docteur Vasseur conclut : Si on perd ces femmes, on perd tout. Elles sont le ciment du service. Sans elles, plus rien ne tient.

Conclusion

La grève des assistantes du CHU de Nantes n’est pas un simple conflit social. C’est un miroir tendu à un système de santé en tension. Derrière les chiffres – mille courriels non lus, postes supprimés, créneaux vides – se cachent des visages, des douleurs, des vies affectées. Claire Toumelin, Élodie Renard, Karim Bensaïd, le docteur Vasseur, Sophie Lemaire, Léa Dubois : tous racontent la même histoire, celle d’un service public qui peine à respirer. La solution ne passe pas par un simple recrutement, mais par une reconnaissance du travail invisible, celui qui fait que les hôpitaux fonctionnent, jour après jour. Sans cela, même les meilleurs dentistes ne pourront rien contre la carie du système.

A retenir

Quelle est la cause principale de la grève des assistantes du CHU de Nantes ?

La grève est principalement due à la surcharge de travail provoquée par la suppression de postes en contrat à durée déterminée et la mise en place mal préparée du guichet unique, qui a accru les tâches administratives sans renforts humains.

Quel est l’impact sur les patients ?

Les patients subissent des délais d’attente plus longs, des rendez-vous non confirmés ou annulés, et une impossibilité de joindre le service. Certains, notamment les plus vulnérables, sont exclus du parcours de soins faute de réponse.

Combien de courriels sont en attente de traitement ?

Environ 1 000 courriels n’ont pas été ouverts faute de temps, contenant probablement des demandes de rendez-vous, d’annulation ou d’urgence dentaire.

Quelle est la position de la direction du CHU ?

La direction reconnaît que le nouveau logiciel de gestion n’a pas fonctionné comme prévu et annonce le recrutement d’un agent supplémentaire pour un second guichet d’admission, une mesure jugée insuffisante par les grévistes.

Quelles revendications les assistantes portent-elles ?

Elles demandent le rétablissement des postes supprimés, une réorganisation du guichet unique, une meilleure prise en charge de leur charge de travail, et une concertation avec la direction et l’Agence régionale de santé.

Anita

Recent Posts

Artemis II : ce que l’on sait sur la prochaine mission lunaire de la Nasa en 2026

En février 2026, quatre astronautes embarqueront pour un tour de la Lune lors de la…

8 heures ago

L’astrophysicien Jean-Charles Cuillandre livre ses conseils pour observer le ciel ce week-end

Une passion née de livres, d’images stellaires et de rêves d’enfance. Jean-Charles Cuillandre incarne une…

8 heures ago

Un traqueur GPS à moins de 17 € menace la domination de l’AirTag d’Apple

Un traqueur GPS pas cher et ultra-efficace pour ne plus perdre ses affaires ? Le…

8 heures ago

Un médecin à portée de main : le dispositif qui révolutionne l’accès aux soins en Bretagne

En Bretagne, deux villages testent un nouveau dispositif pour lutter contre les déserts médicaux :…

8 heures ago

Des molécules essentielles à la vie détectées sur une lune de Saturne

Des molécules organiques complexes, précurseurs de la vie, détectées dans les geysers d’Encelade grâce à…

8 heures ago

Une université normande crée du cartilage humain à partir d’une pomme

Des chercheurs français ont créé du cartilage humain fonctionnel à partir de pommes décellularisées, une…

8 heures ago