Chercheuse Bretone Revolutionne Prevision Epidemies
Chaque année, le prix L’Oréal-Unesco Pour les femmes et la science met en lumière des parcours scientifiques exemplaires, portés par des femmes engagées dans des domaines souvent dominés par les hommes. En 2024, Léa Douchet, doctorante de 29 ans, fait partie des 34 lauréates sélectionnées parmi près de 700 candidates. Son travail, à l’intersection des mathématiques appliquées, de la santé publique et de l’environnement, illustre une nouvelle génération de chercheuses qui repensent les sciences pour relever les défis du XXIe siècle. À travers son témoignage, c’est toute une réflexion sur l’égalité des genres, les modèles féminins dans la recherche, et l’urgence climatique qui s’impose.
Le prix L’Oréal-Unesco Jeunes talents pour les femmes et la science n’est pas qu’une reconnaissance académique : il incarne un levier de transformation. Pour Léa Douchet, il représente un engagement dans les sciences et la recherche qui prend enfin forme. Ce prix, doté de 15 000 euros pour les doctorantes, est loin d’être symbolique. Il permet de financer des formations spécialisées, de participer à des conférences internationales, ou encore de publier des articles dans des revues scientifiques à fort impact. Autant d’opportunités qui, sans soutien, restent inaccessibles à de nombreux jeunes chercheurs.
Plus profondément, ce prix met en lumière la place des femmes dans les sciences. Selon l’Unesco, elles ne représentent encore que 29,7 % des chercheurs en France. Ce déséquilibre n’est pas seulement statistique : il reflète un manque criant de modèles féminins, surtout dans des disciplines comme les mathématiques ou l’ingénierie. Léa Douchet souligne que, durant son parcours, elle a rarement croisé de femmes en poste d’encadrement scientifique. Quand on est jeune et qu’on hésite entre plusieurs voies, voir des femmes occupant des rôles de leadership, c’est rassurant, c’est inspirant , confie-t-elle.
Les travaux de Léa Douchet s’inscrivent dans une démarche interdisciplinaire ambitieuse : utiliser les mathématiques appliquées pour anticiper les épidémies liées au changement climatique. Je récolte des données climatiques et de santé, explique-t-elle. Mon objectif est d’identifier les facteurs de risque environnementaux — température, humidité, précipitations — et de les intégrer dans des modèles prédictifs.
Concrètement, cela signifie qu’à partir de séries temporelles de données météorologiques et d’incidences de maladies infectieuses, elle développe des algorithmes capables de détecter des corrélations. Ces modèles alimentent des systèmes d’alerte précoce, qui pourraient un jour permettre aux autorités sanitaires de prévenir des flambées épidémiques avant qu’elles ne surviennent. Prenons l’exemple de la dengue ou du chikungunya, illustre-t-elle. Ces maladies, transmises par des moustiques, se propagent plus facilement avec l’élévation des températures. En modélisant ces liens, on peut anticiper les zones à risque et mobiliser les ressources de santé publique en amont.
Léa Douchet mène ses recherches à l’Institut de recherche pour le développement (IRD) en Nouvelle-Calédonie, un choix stratégique. Ce territoire est un laboratoire naturel, dit-elle. Il subit déjà fortement les effets du changement climatique — montée des eaux, augmentation des températures, événements météorologiques extrêmes — et connaît des épisodes épidémiques récurrents. Travailler ici, c’est être au plus près des réalités que l’on cherche à modéliser.
Elle collabore étroitement avec des épidémiologistes locaux, des agents de santé et des collectivités territoriales. Ce n’est pas une recherche en tour d’ivoire. Elle doit servir les populations. Un exemple marquant : lors d’un projet pilote dans une commune côtière, son modèle a permis d’alerter les autorités d’une probable recrudescence de cas de leptospirose après de fortes pluies. Des campagnes de prévention ont été lancées en amont, et l’impact sanitaire a été limité.
Le parcours de Léa Douchet est emblématique des obstacles que peuvent rencontrer les femmes dans les sciences. J’ai toujours aimé les maths, mais pendant longtemps, je ne savais pas quoi en faire , raconte-t-elle. Jusqu’au lycée, la recherche n’était pour elle qu’un mot flou, presque abstrait. Ce n’est qu’en intégrant la licence de biologie-mathématiques à Roscoff qu’elle a découvert une voie qui lui parlait : celle des mathématiques appliquées à des problématiques concrètes, comme la santé ou l’environnement.
Les maths théoriques, je ne les sentais pas. Mais appliquer des équations différentielles à la propagation d’un virus ? Là, j’étais passionnée. Ce déclic a orienté sa suite de parcours : école d’ingénieurs à Lyon, puis un poste d’ingénieure en recherche appliquée, avant d’entamer sa thèse.
Pourtant, même avec un parcours sans faute, Léa Douchet a dû composer avec des préjugés. On me disait souvent : “Les maths, c’est pour les garçons.” Ou pire : “Tu es douée, mais tu devrais plutôt faire quelque chose de plus… humain.” Elle se souvient d’un professeur qui, en terminale, lui a suggéré de se tourner vers la psychologie plutôt que vers les sciences dures. Je n’étais pas vexée, mais ça m’a marquée. Pourquoi devrait-on choisir entre l’intelligence et l’empathie ?
Elle insiste sur l’importance d’un environnement bienveillant. J’ai eu la chance d’être entourée de personnes qui m’ont encouragée. Sans cela, j’aurais pu douter, abandonner. Aujourd’hui, elle s’efforce de jouer ce rôle auprès des jeunes filles qu’elle croise, notamment lors d’ateliers dans les lycées.
Le prix L’Oréal-Unesco fait partie des initiatives qui, lentement, changent la donne. Depuis sa création en 2005, plus de 350 femmes ont été récompensées en France. Chaque lauréate devient à son tour un modèle, une preuve vivante que les carrières scientifiques ne sont pas réservées à une seule moitié de l’humanité.
Le jury de cette 19e édition, composé de plus de 30 membres de l’Académie des sciences, a fait preuve d’une exigence rigoureuse. Les 34 lauréates ont été sélectionnées non pas sur la base de quotas, mais sur la qualité de leurs projets. Ce prix ne récompense pas la parité, il récompense l’excellence. Et il se trouve que cette excellence est portée par des femmes , souligne Léa Douchet.
Elle va plus loin : selon elle, la diversité dans les équipes de recherche n’est pas un objectif en soi, mais un levier d’innovation. Quand on a des profils variés, on pose des questions différentes, on trouve des solutions inattendues. Elle cite l’exemple d’une collègue, Camille Thévenot, biologiste spécialisée dans les écosystèmes coralliens, qui a intégré des savoirs traditionnels kanaks dans ses modèles de résilience face au réchauffement. Ce croisement entre science occidentale et savoirs autochtones, c’est ce que nous devons encourager.
Le travail de Léa Douchet illustre une mutation profonde des sciences : les mathématiques ne sont plus seulement une discipline abstraite, mais un outil au service de la santé publique. On parle souvent de data science ou d’intelligence artificielle, mais derrière, il y a des mathématiques pures. Des équations, des statistiques, des modèles dynamiques.
Elle prend l’exemple du modèle SIR (Susceptible-Infecté-Recouvré), utilisé depuis des décennies en épidémiologie. En l’adaptant aux données climatiques, on peut prédire non seulement la propagation d’un virus, mais aussi comment elle évoluera avec le temps.
Léa Douchet imagine un futur où ces systèmes d’alerte précoce seront déployés à grande échelle, notamment dans les régions vulnérables. Dans le Pacifique Sud, certaines îles n’ont qu’un seul hôpital. Si une épidémie survient sans prévenir, c’est la catastrophe. Avec un bon modèle, on peut anticiper, préparer, sauver des vies.
Elle travaille actuellement à une version open source de son modèle, qu’elle espère rendre accessible aux chercheurs du Sud global. La science ne doit pas être un luxe réservé aux pays riches. Elle doit être un bien commun.
Le parcours de Léa Douchet incarne une nouvelle génération de scientifiques : engagée, interdisciplinaire, soucieuse de l’impact social de ses recherches. Son prix L’Oréal-Unesco n’est pas seulement une récompense personnelle, mais un signal envoyé à toutes les jeunes filles qui, comme elle, s’interrogent sur leur place dans les sciences. En mêlant rigueur mathématique et sens du terrain, elle montre que la recherche peut être à la fois exigeante et utile. Et que les femmes ont non seulement leur place dans les laboratoires, mais aussi un rôle clé à jouer dans la construction d’un avenir plus résilient.
Léa Douchet est une doctorante de 29 ans spécialisée en mathématiques appliquées. Elle travaille à l’Institut de recherche pour le développement (IRD) en Nouvelle-Calédonie, où elle développe des modèles prédictifs liant climat et épidémies. Lauréate du prix L’Oréal-Unesco Jeunes talents pour les femmes et la science en 2024, elle est reconnue pour l’excellence de ses travaux et son engagement en faveur de la santé publique.
Elle cherche à identifier les liens entre les changements climatiques et l’émergence de maladies infectieuses. À partir de données environnementales et sanitaires, elle construit des modèles mathématiques permettant d’anticiper les risques épidémiques et de renforcer les systèmes d’alerte précoce dans les régions vulnérables.
Il valorise l’excellence féminine dans des domaines encore trop masculins, comme les mathématiques ou l’ingénierie. En offrant un soutien financier et une visibilité médiatique, il encourage les jeunes femmes à poursuivre des carrières scientifiques et sert de tremplin pour des projets innovants.
Les stéréotypes de genre, le manque de modèles féminins, et parfois un environnement peu encourageant. Léa Douchet souligne que ces barrières invisibles peuvent dissuader des jeunes filles talentueuses, même si elles ne font pas face à des discriminations directes.
En croisant les données et en développant des outils prédictifs, les chercheurs peuvent anticiper les risques et proposer des solutions concrètes. La recherche de Léa Douchet montre que les mathématiques, souvent perçues comme abstraites, sont en réalité essentielles pour protéger les populations face aux défis du XXIe siècle.
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