Géopolitique : Spiderweb, le Canada et le Groenland bouleversent les équilibres mondiaux

Les bouleversements géopolitiques actuels redessinent les cartes du pouvoir mondial, où chaque mouvement tactique, chaque alliance et chaque innovation technologique peut changer la donne. De l’audace de l’opération Spiderweb aux manœuvres discrètes du Canada, en passant par les ambitions arctiques des États-Unis et les succès industriels israédo-suédois, le monde assiste à une reconfiguration majeure des équilibres stratégiques. Plongée dans un paysage où l’imprévisible devient la norme.

Comment l’opération Spiderweb a-t-elle secoué les certitudes de l’US Air Force ?

L’opération Spiderweb, menée par les forces spéciales ukrainiennes, a frappé comme un coup de tonnerre. En ciblant des bases aériennes russes clés, elle a révélé des failles béantes dans ce qui était perçu comme un système impénétrable. « On pensait que les infrastructures russes étaient blindées. Spiderweb a été une douche froide », confie Éloi Vartan, analyste en défense basé à Bruxelles.

Les dégâts estimés – entre 10 % et 30 % de la flotte de bombardiers stratégiques russes atteints – ont forcé l’US Air Force à revoir sa doctrine. Des exercices de simulation de vulnérabilité ont été lancés dans l’urgence, tandis que les budgets alloués à la cyberdéfense des bases ont grimpé de 40 % en trois mois.

Pourquoi le Canada joue-t-il la carte européenne face aux États-Unis ?

Las d’être perçu comme le « petit frère » de Washington, Ottawa multiplie les signaux d’autonomie. La signature d’un partenariat de défense avec l’Allemagne et la France, incluant des transferts de technologie, a marqué un tournant. « C’est une manière de dire : nous avons d’autres options », explique Livia Cormier, experte en relations transatlantiques.

Ce repositionnement s’incarne dans le parcours de Karim Belhocine, colonel canadien formé à Saint-Cyr : « Nos soldats doivent pouvoir opérer avec tous nos alliés, pas seulement ceux choisis par Washington. » Une philosophie qui se concrétise par des exercices militaires conjoints avec l’UE, une première depuis la Guerre froide.

Groenland : comment les États-Unis ont-ils forcé la main au Danemark ?

L’annonce du rattachement du Groenland au commandement américain Nordcom a fait l’effet d’une bombe. Sans consultation préalable de Copenhague, Washington a brandi des « impératifs de sécurité arctique » pour justifier ce coup de force. « C’est un jeu dangereux, prévient Solveig Nørgaard, politologue danoise. La souveraineté devient négociable dès qu’il y a des ressources stratégiques en jeu. »

Sur place, la base de Thulé voit affluer des convois américains. « Ils parlent de ‘coopération’, mais leurs soldats ont des ordres clairs : sécuriser les routes maritimes et les gisements de terres rares », raconte Johan Peqqissusoq, un Inuit employé sur la base.

Qu’est-ce qui explique le succès du Gripen et des technologies israéliennes ?

Le contrat thaïlandais du Gripen E, volé sous le nez du F-16V, symbolise un changement d’époque. « Nous offrons une souveraineté technologique », explique Torsten Lindgren, PDG de Saab. Avec ses mises à jour logicielles rapides et son coût inférieur de 30 %, l’appareil suédois séduit les armées voulant échapper à la tutelle américaine.

Côté israélien, les drones Harop et les systèmes de cyberdéfense d’Elbit s’arrachent en Pologne et en Grèce. « Leur savoir-faire en combat réel est irremplaçable », souligne Nikos Vassilopoulos, ministre adjoint grec de la Défense. Une réussite qui doit beaucoup à des transfuges comme Dan Abramowicz, ancien de l’unité 8200, aujourd’hui à la tête d’une startup vendue 500 millions de dollars.

A retenir

Quels enseignements tirer de ces recompositions stratégiques ?

Les alliances ne sont plus gravées dans le marbre. La défense devient un marché où chaque pays cherche le meilleur rapport souveraineté/performance, souvent au détriment des partenariats historiques.

Qui sont les gagnants de cette nouvelle donne ?

Les pays maîtrisant des niches technologiques (Israël, Suède) et les États capables de jouer sur plusieurs tableaux comme le Canada. Les perdants ? Les grandes puissances trop rigides dans leurs approches.

Quelles seront les prochaines zones de friction ?

L’Arctique et le cyberespace, mais aussi les transferts de technologies sensibles, avec des pays comme l’Inde ou l’Arabie Saoudite prêts à payer cher pour s’émanciper.

Conclusion : un monde en mode tactique

Nous sommes entrés dans l’ère de la géopolitique « à la carte », où chaque acteur compose son menu d’alliances au gré des opportunités. Comme le résume Clara Mesnil, chercheuse à l’IFRI : « Personne ne croit plus aux blocs figés. La règle dorée est désormais : ‘Qui me sert aujourd’hui ?’ ». Une philosophie qui promet des recompositions aussi brutales qu’imprévisibles.