Huawei dévoile une batterie solide capable de 3 000 km d’autonomie en 2025

Alors que le monde s’oriente de plus en plus vers une mobilité décarbonée, l’un des verrous technologiques les plus attendus est en passe d’être levé : la batterie à électrolyte solide. Huawei, habituellement associé à la téléphonie et aux télécommunications, s’impose aujourd’hui comme un acteur incontournable de cette révolution silencieuse. Loin des écrans et des puces, c’est dans les laboratoires que se joue l’avenir des transports électriques — et Huawei y déploie une stratégie audacieuse, fondée sur des innovations de pointe dans la chimie des matériaux. Une technologie à base de sulfure dopé à l’azote pourrait bien redéfinir les standards de l’autonomie et de la rapidité de recharge. Mais entre promesses scientifiques, ambitions géopolitiques et contraintes industrielles, où se situe la réalité ?

Qu’est-ce que la batterie à sulfure dopé à l’azote développée par Huawei ?

Derrière le jargon technique se cache une percée potentielle majeure. Huawei a déposé un brevet décrivant une méthode de dopage d’électrolytes solides à base de sulfure de lithium, enrichis avec de l’azote. Ce procédé vise à stabiliser l’interface entre l’anode en lithium métallique et l’électrolyte, une zone critique où les réactions secondaires dégradent souvent la performance et la durée de vie des batteries. En modifiant la structure chimique à l’échelle atomique, les ingénieurs de Huawei espèrent réduire ces instabilités, permettant ainsi une circulation plus efficace des ions lithium.

Les simulations et tests préliminaires suggèrent des densités énergétiques pouvant atteindre 500 Wh/kg, voire davantage — contre environ 250 à 300 Wh/kg pour les meilleures batteries lithium-ion actuelles. Sur le terrain, cela se traduirait par une autonomie théorique de 3 000 kilomètres pour un véhicule moyen, une performance inédite. Encore plus frappant : le temps de charge. Passer de 10 % à 80 % d’autonomie en moins de cinq minutes, c’est l’équivalent d’un plein d’essence en termes d’expérience utilisateur. Pour Émilie Roux, chercheuse en électrochimie à l’Institut des Matériaux Avancés de Lyon, « ce type d’innovation, si elle est reproductible à grande échelle, pourrait faire basculer l’électromobilité dans une nouvelle ère. On ne parle plus de compromis, mais d’avantages clairs par rapport aux moteurs thermiques ».

Pourquoi Huawei, une entreprise de télécoms, s’intéresse-t-elle aux batteries ?

À première vue, le lien entre smartphones et batteries à électrolyte solide peut sembler ténu. Mais pour Huawei, cette incursion dans le stockage d’énergie est loin d’être anecdotique. Depuis plusieurs années, le géant chinois investit massivement dans les technologies de rupture, anticipant les besoins futurs de ses appareils connectés, de ses centres de données, et surtout, de ses partenariats dans l’automobile. Huawei collabore déjà avec des constructeurs comme Seres sur des véhicules intelligents, intégrant ses systèmes de conduite assistée et de connectivité embarquée.

« Nous ne fabriquons pas de voitures, mais nous en concevons l’ADN numérique », explique Liang Wei, directeur de l’innovation chez Huawei Smart Mobility, lors d’un colloque à Shenzhen. « Si nous contrôlons les composants critiques comme les batteries, nous pouvons offrir des solutions intégrées, plus performantes et plus sécurisées. » Cette stratégie verticale, similaire à celle d’Apple ou de Tesla, permet à Huawei de ne pas dépendre de fournisseurs extérieurs sur des technologies clés. En se positionnant en amont, sur les matériaux de base, l’entreprise sécurise son écosystème technologique.

La Chine domine-t-elle vraiment le marché des batteries pour véhicules électriques ?

La réponse est sans appel : oui, et de manière croissante. Selon les données de BloombergNEF, la Chine produit aujourd’hui plus de 70 % des batteries lithium-ion mondiales. Des entreprises comme CATL, BYD ou Gotion High-Tech dominent la chaîne de valeur, de l’extraction des matières premières à l’assemblage final. Mais le pays ne se contente pas de produire — il innove. CATL a annoncé en 2024 un projet de production pilote de batteries hybrides à électrolyte solide d’ici 2027, tandis que plusieurs start-ups comme WeLion explorent des solutions semi-solides déjà commercialisées dans des bus urbains.

À Pékin, Zhao Lin, analyste à l’Académie des Sciences de Chine, souligne que « la suprématie chinoise ne repose pas seulement sur la production, mais sur une politique industrielle volontariste, des investissements massifs en R&D, et un contrôle stratégique des ressources critiques comme le cobalt, le lithium et le graphite ». En 2023, la Chine a déposé plus de 12 000 brevets liés aux batteries, contre 2 500 aux États-Unis et 1 800 en Europe. Ce leadership technologique s’inscrit dans une vision plus large : devenir le leader incontesté de la mobilité électrique, des composants aux infrastructures.

Quels sont les obstacles à la production de masse de ces nouvelles batteries ?

Pour toutes leurs promesses, les batteries à électrolyte solide restent fragiles à l’échelle industrielle. Les électrolytes à base de sulfure, bien que conducteurs, sont sensibles à l’humidité et difficiles à manipuler en environnement de production classique. Le dopage à l’azote, bien que prometteur, nécessite des procédés de fabrication ultra-précis, hors de portée des lignes d’assemblage actuelles. De plus, le coût des matériaux reste élevé : une batterie solide pourrait coûter jusqu’à deux fois plus cher qu’une batterie lithium-ion standard.

À Changsha, dans un laboratoire de R&D partagé entre Huawei et un fournisseur local, l’ingénieure Chen Yu supervise des tests de cyclage sur des cellules expérimentales. « Nous avons réussi à stabiliser la cellule pendant 800 cycles sans perte significative de capacité, mais chaque lot présente des variations. La reproductibilité est notre plus grand défi », confie-t-elle. Les experts s’accordent à dire que même avec des avancées rapides, une commercialisation à grande échelle n’interviendra pas avant 2030. « Il ne s’agit pas seulement de chimie, mais d’ingénierie de processus, de chaîne logistique, de recyclage », ajoute Thomas Keller, consultant en stockage d’énergie basé à Munich.

Quel impact ces batteries pourraient-elles avoir sur l’industrie automobile ?

Si les batteries à sulfure dopé à l’azote sortent des laboratoires, elles pourraient redéfinir les attentes des consommateurs. Une autonomie de 3 000 km éliminerait l’anxiété liée à la recharge, rendant obsolètes les réseaux d’autoroutes électriques actuels. Des constructeurs comme NIO ou Zeekr, marques chinoises haut de gamme, pourraient intégrer ces batteries dans leurs prochains modèles, créant un avantage concurrentiel majeur face aux marques occidentales encore ancrées dans les technologies lithium-ion classiques.

En France, le concessionnaire Marc Dubois, qui vend à la fois des Tesla et des modèles chinois, observe un changement de discours chez ses clients. « Avant, on me demandait : “Combien de km puis-je faire ?” Maintenant, ils me disent : “Quand est-ce que je pourrai charger comme à la pompe ?” » Ce changement d’attente montre que le marché évolue vers une norme de praticité, que seule une rupture technologique comme celle promise par Huawei peut combler.

Par ailleurs, ces batteries pourraient avoir un impact bien au-delà de l’automobile. Stockage d’énergie renouvelable, drones de livraison longue distance, aviation électrique — les applications sont multiples. Huawei, en se positionnant sur cette technologie, ne vise pas seulement à équiper des voitures, mais à devenir un fournisseur d’énergie pour l’ensemble de l’écosystème numérique.

Quelles sont les alternatives et concurrents mondiaux ?

La course aux batteries solides est loin d’être un monopole chinois. Toyota, par exemple, a annoncé investir 1,5 trillion de yens (environ 10 milliards d’euros) dans la recherche sur les batteries à électrolyte solide, avec un objectif de commercialisation d’ici 2027-2028. Panasonic, partenaire historique de Tesla, développe également des prototypes utilisant des électrolytes sulfureux, bien que moins performants que ceux décrits par Huawei.

En Europe, des projets comme Solid Power (partenariat BMW, Ford) ou Blue Solutions (groupe Bolloré) explorent des solutions à base de polymères ou d’oxydes, mais avec des densités énergétiques moindres. « La Chine a pris une longueur d’avance sur les matériaux inorganiques comme le sulfure, tandis que nous sommes plus forts sur les polymères, mais c’est un choix de technologie qui a des limites », reconnaît Sophie Lefebvre, chercheuse au CNRS.

Le Japon et la Corée du Sud misent sur des solutions hybrides, combinant électrolyte solide et liquide, pour accélérer la transition. Mais si Huawei parvient à surmonter les défis de production, il pourrait offrir aux constructeurs une solution clé en main, intégrée à ses systèmes intelligents — une combinaison redoutable.

A retenir

Quelle autonomie promettent les nouvelles batteries de Huawei ?

Les projections théoriques annoncent une autonomie pouvant atteindre 3 000 kilomètres pour un véhicule électrique, bien au-delà des 600 à 800 km actuellement disponibles sur le marché. Cette performance dépend toutefois de la validation en conditions réelles et de la mise au point de l’infrastructure de charge adaptée.

Combien de temps faut-il pour charger ces batteries ?

Les brevets de Huawei suggèrent la possibilité de charger la batterie de 10 % à 80 % en moins de cinq minutes, grâce à une meilleure conductivité ionique et une gestion thermique optimisée. Ce temps de charge ultra-rapide resterait conditionné à la disponibilité de bornes capables de délivrer des puissances extrêmement élevées.

Quand ces batteries seront-elles disponibles sur le marché ?

Bien que les premiers prototypes soient prometteurs, une commercialisation à grande échelle n’est pas attendue avant 2028-2030. Les principaux freins sont la reproductibilité industrielle, le coût de fabrication et la nécessité de nouvelles normes de sécurité.

Huawei fabrique-t-il des batteries lui-même ?

Non, Huawei ne produit pas directement de batteries. L’entreprise se concentre sur la recherche et le développement de matériaux clés, qu’elle pourrait ensuite licencier à des fabricants spécialisés ou intégrer via des partenariats avec des constructeurs automobiles.

La Chine est-elle en avance sur les autres pays dans ce domaine ?

Oui, la Chine dispose d’un avantage significatif, tant en termes de production que d’innovation. Grâce à un écosystème intégré, des investissements massifs et un nombre record de brevets, elle est bien positionnée pour dominer le marché futur des batteries à électrolyte solide, notamment si elle parvient à industrialiser rapidement les technologies émergentes.