Des vendeurs revendent des vêtements neufs comme d’occasion sur Vinted : la supercherie qui prend de l’ampleur en 2025

Les marketplaces de mode d’occasion, comme Vinted, ont révolutionné la manière dont nous consommons, en proposant une alternative plus durable et accessible à la fast-fashion. Pourtant, derrière l’image vertueuse de la seconde main, une pratique trouble s’installe : des vendeurs achètent massivement des vêtements neufs sur des sites à bas coût comme Shein ou Temu, pour les revendre comme s’ils étaient authentiquement portés, à des prix parfois triplés. Ce phénomène, de plus en plus visible, brouille les frontières entre commerce éthique et spéculation, et remet en question la confiance des utilisateurs. Qui sont ces nouveaux revendeurs ? Quels sont les risques pour les acheteurs ? Et surtout, comment les plateformes et les consommateurs peuvent-ils se protéger ?

Qui sont ces revendeurs de seconde main… qui n’ont jamais porté les vêtements ?

Camille Lefebvre, 28 ans, travaille dans une agence de communication à Lyon. Elle raconte avoir découvert par hasard que plusieurs de ses récentes commandes Vinted venaient en réalité… de Shein. « J’ai reçu une robe taille 36, encore étiquetée, avec une odeur de plastique caractéristique. Intriguée, j’ai fait une recherche d’image inversée. Résultat : le même modèle, identique, était en vente sur Shein pour 12 euros. Je l’avais payée 38 euros, avec la mention “jamais portée mais trop petite” », raconte-t-elle, amère. Ce type de situation n’est pas isolé. De nombreux acheteurs rapportent des expériences similaires, souvent avec des vêtements aux coupes tendance, mais à des prix démesurés par rapport à leur origine.

Derrière ces annonces, on trouve souvent des individus qui ont transformé cette pratique en micro-business. Certains, comme Enzo Rivière, un étudiant en économie à Bordeaux, reconnaissent utiliser cette méthode pour compléter leurs revenus. « Je commande des pièces à moins de 10 euros, je les photographie dans un cadre plus “authentique”, parfois avec un fond de chambre ou un miroir, et je les revends entre 25 et 50 euros. C’est rentable, rapide, et personne ne me pose de questions », explique-t-il, sans masquer une certaine fierté. Pourtant, cette logique de profit s’oppose directement à l’esprit initial de la seconde main : une consommation responsable, circulaire, et éloignée de la surproduction.

Comment ces vendeurs trompent-ils les acheteurs ?

La supercherie ne se limite pas à une simple revente. Certains revendeurs utilisent des techniques de plus en plus sophistiquées pour donner l’illusion de l’authenticité. C’est le cas de Margot Blanchet, une jeune femme de 24 ans qui a découvert une vidéo instructive sur TikTok, où un créateur de contenu expliquait comment “faire passer un vêtement neuf pour vintage”. « Il montrait comment froisser légèrement les tissus, ajouter des faux défauts, ou même utiliser des outils d’intelligence artificielle pour générer des photos de “mise en situation” dans des intérieurs rétro », décrit-elle. Ces visuels, souvent crédibles, sont ensuite utilisés sur Vinted pour accréditer une fausse narration : “pièce rare”, “trouvée dans une brocante”, ou “cadeau non utilisé”.

La détection devient alors un véritable défi pour l’acheteur moyen. Les descriptions sont soigneusement rédigées, les photos esthétiques, et les prix, bien que élevés, restent dans les clous du marché de la mode vintage ou tendance. Le piège est d’autant plus efficace que les plateformes ne vérifient pas l’origine des produits, laissant aux utilisateurs la responsabilité de la vigilance.

Pourquoi cette pratique prospère-t-elle sur les réseaux sociaux ?

Loin d’être condamnée, cette stratégie est parfois glorifiée. Sur TikTok, des hashtags comme #VintedTips ou #ReventeFacile rassemblent des millions de vues. Des influenceurs comme Léa Kessler, suivie par plus de 300 000 abonnés, partagent des tutoriels détaillés sur “comment gagner 500 euros par mois sans rien faire”. « J’achète des pièces à 8 euros sur Temu, je les revends 30 à 40 euros sur Vinted. En 30 minutes par jour, je fais mon chiffre », affirme-t-elle dans une vidéo vue plus de 400 000 fois. Ces contenus, souvent ludiques et motivants, présentent la revente comme un hack économique, voire un moyen d’émancipation financière.

Cependant, cette normalisation inquiète des observateurs comme Johan Reboul, créateur de contenu engagé et militant pour une consommation responsable. « Ce qu’on voit, c’est une banalisation de la tromperie. On vend de la nouveauté en se faisant passer pour un donateur de mode circulaire. C’est le contraire de l’éthique que prône le vintage », dénonce-t-il. Pour lui, les influenceurs ont une responsabilité morale : « Ils ne vendent pas juste des vêtements, ils vendent une idée fausse de la durabilité. »

Quelle est la position de Vinted face à ces pratiques ?

Vinted, confrontée à ce fléau croissant, affirme maintenir une politique stricte contre les activités commerciales. « La vente à but lucratif, le dropshipping ou la revente de marchandises achetées en gros sont interdits par nos conditions d’utilisation », précise un porte-parole de la plateforme. En théorie, les comptes identifiés comme professionnels peuvent être suspendus, et les annonces retirées. Pourtant, en pratique, la détection reste limitée. Les algorithmes de modération ne croisent pas les données de provenance, et les signalements dépendent presque entièrement des utilisateurs.

La plateforme encourage toutefois les acheteurs à utiliser des outils comme la recherche d’image inversée via Google Images ou TinEye. « Si une photo correspond à un produit neuf sur un site de fast-fashion, c’est un signal d’alerte », souligne-t-elle. Certains utilisateurs, comme Thomas Ménard, un développeur web à Rennes, ont même créé des groupes d’entraide sur Discord pour croiser les infos et identifier les vendeurs récurrents. « On a listé plus de 60 comptes suspects en deux mois. On les signale en masse, mais ils reviennent souvent sous de nouveaux pseudos », explique-t-il, déçu par l’efficacité des mesures.

Quels sont les risques pour les consommateurs ?

Au-delà de la déception, les consommateurs s’exposent à des risques concrets. Premièrement, ils paient un prix bien supérieur à la valeur réelle du produit. Deuxièmement, ils peuvent recevoir des vêtements de qualité médiocre, typique de la fast-fashion, qui se détériorent rapidement. « J’ai acheté un manteau présenté comme “luxe vintage”, il a commencé à s’effilocher après deux lavages. J’ai vérifié : c’était un modèle Shein vendu 15 euros », raconte Élise Dumas, une enseignante à Toulouse.

Enfin, cette pratique nuit à l’ensemble de l’écosystème de la seconde main. Les vrais particuliers, ceux qui vendent leurs vêtements parce qu’ils ne les portent plus, se retrouvent désavantagés. Leurs annonces sont noyées dans un flux de produits neufs vendus comme d’occasion, et leur crédibilité est entachée par association. « Avant, on me faisait confiance parce que j’expliquais les défauts, je donnais des mesures précises. Maintenant, les acheteurs me demandent si mes vêtements viennent de Shein. C’est insultant », témoigne Sophie Armand, une mère de famille qui vend ses anciens vêtements pour financer des vacances.

Comment les plateformes peuvent-elles mieux protéger les utilisateurs ?

Des solutions techniques existent. Certaines propositions incluent l’analyse automatique des photos pour détecter les visuels provenant de catalogues en ligne, ou l’obligation de fournir des preuves de possession (comme une photo du vêtement porté). D’autres suggèrent de limiter le nombre d’annonces par utilisateur, ou de marquer les comptes suspects après plusieurs signalements.

Des initiatives citoyennes émergent également. Des collectifs comme “Vinted Vrai” ou “Seconde Main Authentique” sur Instagram publient des guides de repérage des arnaques, organisent des sondages, et relaient des témoignages. « On veut que la communauté se réapproprie la plateforme », explique Lina Boucher, l’une des fondatrices. « Ce n’est pas juste une question de prix, c’est une question d’intégrité. »

Quel avenir pour la mode d’occasion en ligne ?

Le succès des marketplaces de seconde main repose sur une promesse : une mode plus responsable, plus humaine, plus transparente. Or, cette promesse est mise à mal par des pratiques lucratives mais malhonnêtes. Si rien n’est fait, le risque est une perte de confiance généralisée, qui pourrait pousser les utilisateurs vers d’autres canaux, ou pire, vers un retour à la consommation neuve.

Le défi est double : renforcer les mécanismes de contrôle sans étouffer l’accessibilité, et éduquer les utilisateurs à une vigilance active. Comme le souligne Johan Reboul : « La seconde main, ce n’est pas juste un marché. C’est une culture. Et cette culture, elle se perd si on la transforme en supermarché de la supercherie. »

A retenir

Qu’est-ce que la revente de vêtements neufs sur Vinted ?

Il s’agit d’une pratique où des individus achètent des vêtements neufs, souvent sur des sites de fast-fashion comme Shein ou Temu, pour les revendre sur Vinted en les présentant comme des articles d’occasion, parfois à des prix multipliés par deux ou trois.

Pourquoi est-ce problématique ?

Cette pratique trompe les acheteurs, fausse le marché de la seconde main, nuit à l’environnement (en encourageant la surconsommation) et discrédite les vrais vendeurs particuliers qui cherchent à adopter une consommation responsable.

Comment repérer ces annonces trompeuses ?

Les signes incluent des vêtements “jamais portés” mais vendus à prix élevé, des photos trop parfaites ou ressemblant à des visuels de catalogue, et l’absence de défauts visibles. Une recherche d’image inversée peut souvent révéler l’origine du produit sur un site de fast-fashion.

Vinted sanctionne-t-il ces vendeurs ?

Oui, Vinted interdit officiellement la revente commerciale et peut supprimer des annonces ou suspendre des comptes. Cependant, la détection reste difficile, et de nombreux vendeurs continuent leurs activités sous de nouvelles identités.

Que peuvent faire les acheteurs pour se protéger ?

Les acheteurs doivent rester vigilants : vérifier les photos, utiliser la recherche d’image, lire attentivement les descriptions, et signaler les annonces suspectes. Participer à des communautés d’entraide peut aussi renforcer la protection collective.