Un jour, nos arrière-arrière-petits-enfants – si l’Humanité est encore là – pourraient regarder leur montre, voir indiquer minuit… et se dire qu’il ne fait pas encore nuit. Cette idée paraît surréaliste, pourtant elle repose sur des calculs précis publiés début 2024 par une équipe de l’Université technique de Munich. Leur rapport pointe la même direction : la journée terrestre s’allonge, et non de quelques poignées de secondes, mais d’une heure entière. Plongée dans la science qui redessine notre division quotidienne du temps.
Pourquoi nos journées peuvent déjà sembler plus longues ?
Chaque mois de mars, le passage à l’heure d’été prouve qu’un simple décalage d’une heure suffit à perturber le sommeil de millions de personnes. Le stress monte, l’attention au volant chute, les réseaux sociaux s’embrasent autour du hashtag #manquedesommeil. Ces petites secousses culturelles sont en fait des signaux avant-coureurs : un changement durable des 24 heures habituelles n’est pas annoncé pour demain, mais il commence à paraître plausible. Les bouleversements climatiques (fonte des glaces, déplacement des masses d’eau) rajoutent leur poids sur la rotation de la planète, un peu comme un patineur qui écarte les bras et ralentit son tour sur lui-même.
Comment la Terre ralentit-elle sans que nous le sentions ?
Les interactions gravitationnelles entre la Lune, le Soleil et la Terre freinent imperceptiblement notre planète. En parallèle, la redistribution des masses – des icebergs qui plongent dans l’océan aux plaques continentales qui glissent – amplifie ce ralentissement. « Chaque seconde perdue coûte 1,8 millisecondes par siècle », note Théo Richter, géophysicien de l’Institut Fédéral Suisse, entouré de courbes mathématiques qui ressemblent autant à des morceaux de partition qu’à des prévisions scientifiques. Il souligne : « À cette vitesse, les dodos de nos calendriers électroniques finiront par déborder d’une micro-seconde… qui, additionnée, donnera ces 3 600 secondes manquantes qu’on appelle la 25ᵉ heure. »
La journée de 25 heures : dans combien de temps exactement ?
Pour atteindre la barre mythique des 25 heures, il faudrait grosso modo 200 millions d’années. À cette échelle, l’Humanité ne sera plus la même, les langues auront muté et peut-être même les dauphins auront-ils appris à composer sur la lune. Néanmoins, l’université Bavaroise a calculé que l’allongement constant, déjà amorcé, rend plausible une journée de 24 h 30 dès 30 000 ans. Loin des siècles, certes, mais étonnamment rapide à l’échelle planétaire : en comparaison, nos ancêtres du Paléolithique n’ont pas attendu 200 millions d’années pour voir leur journée passer de 20 à 24 heures.
Comment nos corps pourraient-ils s’adapter physiologiquement ?
Élodie Roman, chercheuse en chronobiologie à l’Hôpital Saint-Antoine, observe déjà les vigilants bataillons d’étudiants qui subissent des tests de décalage horaire dans des cavernes artificielles : « Le rythme veille-sommeil est dicté par une hormone appelée mélatonine. Le cerveau attend la nuit pour la secréter. Une journée plus longue reviendrait à injecter une heure de clarté en fin de journée, ce qui force cette horloge interne à recaler son métronome. Certains participants arrivent, après deux mois seulement, à fonctionner sur 18 h 30 éveillées et 6 h 30 de sommeil ; inverser la proportion serait techniquement possible, mais pas sans transformer notre société. »
Le témoignage d’Alok Menon, pilote de ligne long-courrier, vient rafraîchir la théorie. Durant une rotation hivernale Paris-Tokyo-Los Angeles, il expérimente un déphasage grave. « Mon cadran affichait midi à Tokyo, six heures du matin à Los Angeles, minuit à Paris : trois fuseaux en vingt-quatre heures. Si demain la journée compte vingt-cinq plages horaires, imaginez toutes les combinaisons. Les contrôleurs aériens devront repenser chaque itinéraire, les hôtesses devront apprendre à sourire plus longtemps ! » L’humeur légitime, l’aérien est le premier secteur qui voit vivre à l’avance le futur décrochage temporel.
La planète entière devra-t-elle changer ses calendriers ?
Peut-être. Le calendrier grégorien est déjà une tentative hasardeuse – ajuster 365,2422 rotations terrestres en 365 jours – et imaginons un équivalent pour 365,2422,…025. Chaque année apporterait un excès de plus 0,1 % de durée : un milliardième n’est rien, un milliardième multiplié par des millénaires devient cauchemar comptable. « On pourrait inventer les “quartz-jours”, des mini-vacances individuelles distribuées dans l’année pour recaler chaque organisme », plaisante Diane Allegretti, urbaniste verte spécialiste des rythmes mégalopolitains.
De son côté, Léo Beaumont, maire adjoint de Bordeaux en charge du vivre-ensemble, imagine des places publiques éclairées au laser variable : « On cacherait le soleil attardé, infuserait une lumière tamisée à 18 % bleu-polaire pour prévenir les réveils prématurés, et à l’aube on basculerait à 22 % orange-gauloise pour choyer la production de mélatonine. » Des projets qui rappellent les tubes rocheux qui avancent sans publicité, créant l’atmosphère d’un soleil suspendu dans la journée.
Peut-on voir déjà des traces de ce changement aujourd’hui ?
L’astrophysicienne Naïma Benali pousse le rideau de l’observatoire du Jura pour pointer l’étoile polaire : « Les relevés historiques datant de Babilone révèlent que le jour s’est agrandi de 0,0017 seconde par siècle depuis – 2000. Or les mesures modernes de très longue base par satellite témoignent d’un taux légèrement supérieur depuis 1990. C’est comme si la Terre “tournait les talons” plus lentement l’été, rattrapant en hiver, mais surtout perdant l’élan global. La technologie nous permet ce que les Grecs ou les Sumériens n’imaginaient pas : fournir des preuves tangibles avant d’en parler aux Moires du temps. » Les millions d’Employés Google ou Apple qui mettent à jour un échelon de temps chaque trimestre en éprouvent déjà la contrainte : un “leap second” peut planter un serveur entier.
Conclusion
La perspective d’un temps à 25 heures contient assez de métaphores et d’objets fantastiques pour nourrir les romans des générations futures ; elle contient aussi assez de facture scientifique pour alimentrer chaque programme universitaire d’ici au siècle venu. Nos montres racontent 24 heures aujourd’hui, mais le soleil n’est pas monté au même angle depuis l’époque de Newton ni depuis le paléo-Darwin. « Continuer, tout en continuant, à ancrer des visions fondées sur la durée comme une immuable éponge, c’est risquer de nourrir nos descendants de slogans incompréhensibles », conclut Théo Richter, tandis que le fond de la caverne de chercheurs suisses s’éclaire d’un écran coloré : il est 23 h 59… et encore 45 minutes de jour artificiel pour achever l’expérience. Sommeil ou insomnie, le futur appelle l’augmentation lente mais fatale d’un nouveau battement terrestre.
A retenir
La Terre ralentira-t-elle toujours ?
Oui. Le ballet gravitationnel qui lie la Terre, la Lune et le Soleil freine la rotation; ce freinage progressif ne s’arrêtera pas tant que ces corps resteront présents.
Ai-je déjà gagné ou perdu quelques secondes dans ma vie ?
Concrètement, chaque centenaire aura vécu un peu plus d’une seconde “gratuite”. Cette accumulation est minuscule, mais elle existe déjà dans les satellites GPS qui corrigent la dérive quotidienne.
Faudra-t-il réveiller les enfants plus tôt ?
Dans quelques dizaines de générations, plutôt inutile : l’allongement est trop lent pour qu’un enfant remarque une différence. Cependant, le secteur scolaire pourrait intégrer des modules d’adaptation biologique toto-sociologique au fur et à mesure.
Les ordinateurs vont-ils “planter” à cause d’un jour trop long ?
Les ingénieurs informatiques ont déjà intégré ce risque en programmant des correctifs évolutifs. L’astuce : ajouter à la fichier de configuration une variable “slowing+=annual_adjustement”.
Y aura-t-il un jour officiel où on annonce : “Aujourd’hui, la journée fait 25 heures” ?
Pas avant quelques millénaires : le changement est linéaire et imperceptible par an. Mais on pourrait imaginer un moment symbolique de reconnaissance collective, comme un nouveau 0 A.D. (“Anno Diuturnus”).