Un pièce de monnaie clignote au soleil à quelques centimètres de la portière d’Éléonore Le Guyader. Dans son auto stationnée devant la poste, elle pense rentrer vite avant l’heure de pointe. Quelques secondes plus tard, son sac à main a disparu et les malfaiteurs foncent déjà via la rocade. L’alerte lancée par la gendarmerie n’est pas anodine : l’arnaque fonctionne partout, de la petite place de village au parking de supermarché bondé. Autant dire que sous-estimer un « mince, j’ai laissé tomber 50 ¢ » peut ruiner une journée et coûter bien plus en récupération de papiers.
Comment fonctionne cette nouvelle escroquerie dans les parkings ?
Le fonctionnement est aussi simple qu’un tour de magie classique : distraire l’attention pour agir dans le dos de la victime. Les auteurs, rarement seuls, déplacent la pièce, les clés ou même un billet plié devant l’auto. Le temps que le propriétaire se baisse, un complice ouvre en un clic la portière opposée ou côté passager, attrape le sac posé sur la banquette arrière et referme aussi discrètement.
Les gestes sont répétés comme une chorégraphie : appel d’air feutré, pas de course, échange roulé par messagerie instantanée et plan de fuite déjà tracé. « On n’entend aucun bruit de verre brisé, donc on pense que rien ne se passe », raconte Camille Oger, commissaire adjointe à la sécurité publique de Rennes. Sur vidéo, un groupe de trois personnes a démontré son timing : l’ouverture reste en moyenne sous les quatre secondes, la fuite dure vingt secondes au total. Moins de temps qu’une chute de résine sur le tableau de bord.
L’efficacité est d’autant plus grande que ces scènes se déroulent presque en plein jour, souvent entre 11 h et 13 h quand les gens déjeunent sur le pouce ou déposent des enfants devant l’école. La fatigue, le pressing chronométré du midi et la baisse de méfiance créent la faille parfaite.
Qui sont les escrocs et comment se repèrent-ils ?
Les patrouilles de Rouen à Marseille ont déjà recensé plusieurs profils similaires : hommes ou femmes de 20 à 35 ans, habillés sobrement, casquette ou capuche qui limite les caméras. L’arme principale reste la rapidité, pas la violence. Les escrocs circulent à pied ou en scooter sans plaque volée renouvelée toutes les six heures pour compliquer les signalements.
Une red flag émerge pourtant : ils repèrent d’abord l’auto où des objets de valeur sont visibles sur la banquette ou dans le coffre vitré. Un sac en bandoulière oublié, une tablette ouverte ou une veste de marque pliée suffisent. Ils filent les lieux quelques minutes avant pour déterminer où va s’arrêter le conducteur puis choisissent la porte passager la plus éloignée des regards.
Chez les commerçants, les récits se font écho. Johan Mueller, gérant d’une boulangerie grenobloise, confie : « Les mêmes visages passaient chaque mardi et jeudi, j’ai fini par en parler. Depuis, les gendarmes ont installé un piquet fixe à midi. Les vols ont chuté de 80 % dans la semaine. »
Quels réflexes simples protègent vraiment vos affaires ?
Vérifier le sol prend dix secondes mais convoque une micro-attention qui bouscule le timing des fraudeurs. La gendarmerie suggère quatre gestes rapides agrafés dans la tête tel un checklist avant chaque départ :
- Anticipez : regardez les alentours quand vous approchez de la voiture.
- Ouvrez, montez, refermez deux secondes plus tard, le temps de poser les pieds.
- Démarrez le verrouillage automatique dès l’entrée dans le véhicule.
- Placez sac et téléphone dans le vide-poches ou sous le tapis passager, jamais sur la banquette arrière visible.
Des conducteurs expérimentés racontent avoir adopté la stratégie du double clic à distance : le premier pour ouvrir, le second repoussé lorsque la porte conducteur passager déjà ouverte semble suspecte. Simple et peu couteux. Dans le parking de la gare de Limoges, Sylvain Bello fait le tour de son SUV avant même d’ouvrir. « C’est devenu automatique, comme vérifier la ceinture. Quand je suis avec les enfants, je leur répète : regarde le trottoir, pas la ficelle d’emballage qui brille ! »
Parfois, le bloque-porte ne suffit pas : des criminels utilisent un brouilleur de clé qui évite le verrouillage automatique. La parade ? Toujours tirer la poignée pour confirmer l’accrochage magasiné et regarder les feux clignotés immédiats. Une demi-seconde en plus qui ne coûte rien.
Pourquoi l’heure du goûter fait-elle bondir les vols ?
L’analyse des dépôts de plainte pointe un pic entre 15 h 30 et 16 h 45, horaire où parents récupèrent leurs enfants avant les cours du soir ou après les activités péri-scolaires. Stress, remue-ménage, piles de cartables, chacun est accaparé. Les pickpockets se glissent dans la cohue pour profiter de la portière ouverte par un gamin pressé.
Chloé Dufresne, maman lyonnaise, livre son anecdote : « Je m’étire pour aider ma fille avec ses rollers, une vingtaine de secondes. Arrivée chez elle, plus de sac. A présent je double le verrouillage, même si l’auto reste à l’ombre. » Détourner un regard partagé entre deux récrés, le volet pédagogique tombe comme dans les films : c’est la routine qui protège.
Travailler sur les horaires des écoles ou des activités sportives permet à la gendarmerie mobile d’ajouter des rondes surprises. Depuis mars, quinze interpellations ont été menées grâce à des étudiants en service civique postés cagoulés, la caméra sport fixée sur le torse, rappelant aux parents de boucler les portes à 100 mètres du peloton d’enfants.
Peut-on récupérer ses affaires une fois la fraude découverte ?
Les chances baissent au fil des minutes. Une plainte immédiate avec numéro de série GPS du téléphone permet parfois son immobilisation par l’opérateur sous forme de locage. Mais les cartes bancaires, elles, tournent à la vitesse des paiements sans contact, d’autant plus rapides que les bornes supermarché tolèrent 50 € sans code jusqu’à trois fois par jour.
Loïc Porcher, agent cyber de la PJ nantaise, détaille le protocole idéal : « Signaler la carte volée dès le retour au véhicule, bloquer par application, puis déposer main courante en ligne via l’appli « Ma Sécurité ». Tout est automatisé. » Plus vite la procédure démarre, plus la porte secrète utilise parfois des comptes bancaires de tiers ou des e-mails jetables.
Pour la gendarmerie, seule la tracabilité par l’empreinte sur les appareils volés offre une possibilité de retour. Depuis le début de l’année, vingt-trois affaires abouties sur deux-cent-trente déposées témoignent d’un taux de restitution encore faible. Moralité : on surplombe les précautions plutôt que le regret.
Conclusion
Pour résumer, regarder le sol avant de mettre la clé contact, verrouiller le véhicule même pour trente secondes et éviter d’exposer ses biens sont des réflexes basiques mais salutaires. Garder en tête qu’un petit objet brillant peut dissimuler une chaîne de trois complices offerte à toute distraction. En appliquant ces règles, chaque sortie extérieure redevient moins tendue et chaque trajet recouvre son calme enfantin. La meilleure assurance reste la vigilance.
A retenir
Quelle est l’arnaque de la pièce au sol ?
Les malfaiteurs jettent un objet pour capter votre attention pendant qu’un complice ouvre la portière opposée et vole votre sac en quelques secondes.
Comment couper l’effet surprise ?
Regardez autour de votre voiture avant d’ouvrir, montez rapidement, verrouillez et ne laissez rien en évidence.
Quand surviennent la plupart des vols ?
À la pause de midi, entre 15 h 30 et 16 h 45 pendant les sorties d’école et le retour express des courses rapides.
Que faire si on remarque trop tard le vol ?
Bloquer cartes et téléphones immédiatement via les applis, déposer plainte en ligne et surveiller les extractions bancaires.
Existe-t-il des plans anti-fraude en campagne ?
Oui, la gendarmerie mobile lance des rondes surprises devant écoles, marchés et gares. Les signalements via le 17 aident à ajuster les horaires des patrouilles.