Juliette Daram, lycéenne parisienne de 17 ans, a reçu hier soir un e-mail qui n’a pas fait son bonheur : « Bientôt, votre abonnement Spotify pourrait augmenter ». Elle n’est pas la seule. Partout dans le monde, les abonnés du géant suédois reçoivent ce petit mot – plus angoissant qu’un fire beat – annonçant des prix plus élevés. Pour l’instant, personne ne sait exactement jusqu’où grimpera la facture pour les Français, mais l’idée d’une seconde hausse en six mois fait déjà grincer des casques et des oreilles.
Pourquoi Spotify augmente-t-il une nouvelle fois ses tarifs ?
Le mot magique, cette fois, c’est « innovation ». Spotify explique qu’il faut plus d’argent pour continuer à créer des nouveautés, améliorer la qualité audio et, surtout, ajouter des millions de morceaux chaque semaine. Concrètement, cela correspondrait au développement de l’audio sans perte (lossless), promis depuis plusieurs mois et encore en attente.
« Quand j’ai signé pour Discord Jeunes Music, je disais : +Je préfère Spotify, c’est 10 € plein pot, c’est transparent+, se souvient Killian Girard, étudiant en communication à Lille. Aujourd’hui, ce même abonnement est à 7,07 € pour les étudiants et tout le monde table sur 8 € dès le mois prochain. Le message que j’envoie à mes amis : si la qualité n’explose pas, je change de service, même si leurs playlists me suivent partout. »
Quelles sont les précédentes hausses en France et à quoi ressemblent-elles désormais ?
Replay rapide. Juin 2024 : l’abonnement individuel passe de 10,99 à 12,14 €/mois. Forfait Duo : 15 → 17,20 €. Famille : 18 → 21,24 €. Élève : 6 → 7,07 €. En dix ans, le tarif individuel a fibré la barre des 2 chiffres en passant de 5 € (2014) à 12,14 € (2024). Malgré l’enfer un peu mignon des playlists personnelles, certains utilisateurs réagissent enfin.
Témoignage : Damien Carpi, caricaturiste à Lyon
« Je zappe c’est égal » chantait-on avec Bénabar. Moi, j’étais Premium Family pour mes quatre ados plus ma femme, soit 21,24 € sauf que mes filles n’écoutent que deux artistes en boucle. Bingo : on est revenus au duo pour 0,94 € de moins par an, même s’il faut jongler entre des comptes partagés. En revanche, une seconde hausse hum… je testerai sans doute l’offre Free avec pubs sur mon téléphone bureau. C’est moins sexy, mais l’art n’est pas payé si j’y perds du blé. »
Les abonnés français vont-ils encore écorcher leur facture dès octobre ?
En vertu du code de la consommation, toute augmentation d’un service récurrent en France donne droit à un préavis d’un mois complet. Spotify promet donc un e-mail offciciel avec le nouveau barème ce mois-ci et l’application « non avant début octobre », selon les mots employés dans plusieurs messages retranscrits par nos lecteurs. Cependant, beaucoup doutent que la géographie française y échappe.
Les analystes de Midia France pointent un écart : si, pendant la précédente vague, le prix en Europe de l’Ouest est passé de 10,99 € à 11,99 €, la France a terminé à 12,14 €. Traduction : nos taxes spécifiques et coûts techniques avaient déjà tiré la facture vers le haut.
Spotify va-t-il offrir des vraies nouveautés pour justifier sa demande ?
Depuis 2021, l’audio sans perte – que l’on appelle HiFi ou Supersonic – traîne ses bottes. Des pistes de code ont récemment été repérées dans l’application iOS, mais aucune date officielle n’est donnée. Aujourd’hui, Tidal, Apple Music et Amazon Music proposent déjà cette qualité sans surtaxe.
Pierre Hurel, ingénieur son numérique – gendarme des oreilles dans l’équipe parisienne d’un cabinet spécialisé – explique : « Un morceau en 24 bit/96 kHz atteint 7 – 10 Mo/minute, soit trois à quatre fois un fichier standard. Au quotidien, c’est la différence entre écouter un vinyl et une cassette dans un bol en bois. Les plus exigeants disent déjà : +Si on doit payer plus, c’est au moins pour ce gain mesurable+. Or Spotify pointe plutôt vers +plus de podcasts originaux et d’expériences immersives+. Suffisant ? Suffisant pour étudiants et gourmands de pop, oui. Pour les audiophiles, probablement pas. »
Spotify n’a pas fait de grande conférence de presse. Pas de bande-annonce sur YouTube. Juste le froid e-mail habité d’un langage simple : « Nous allons vous informer en détail dans les prochains jours ». Pourquoi un tel feu d’artifice timide ?
Les consultants en relation client identifient ici une classe maître de « gestion d’attente mesurée ». « Quand Netflix a annoncé son augmentation brusque au printemps 2023, les réseaux sociaux ont explosé avec « Raté de hausse immédiate » », note Chloé Beauvoir, professeure associée à l’EMLYON. « Spotify fait un “slow burn” : on avertit, on laisse mûrir, on ajuste si la colère dépasse un seuil. »
Quelles alternatives existent déjà pour Juliette et Damien ?
Le marché du streaming musical est devenu un vaste Pôle Nord géant où tout le monde se serre les coudes.
- Apple Music : 10,99 € (étudiants : 5,99 €) avec spatial audio + lossless inclus.
- Amazon Music Unlimited : 9,99 € (Prime) avec HD/Ultra HD gratuits.
- Deezer : 11,99 € (étudiants : 5,99 €) propose CD quality.
- YouTube Music (avec YouTube sans pubs) : 11,99 €.
- SoundCloud Free (avec pubs) : 0 €.
Juliette & Co. n’ont donc pas la panique, mais la chess match (et non Dupont-Matin) des portefeuilles commence. Matéo Aranda, juriste fiscaliste, vient de souscrire à Amazon Music Unlimited pour 0 € le premier mois : « J’ai gardé mes playlists Spotify exportées en 15 min via FreeYourMusic. Ma copine hésite encore : elle cogne à la bouteille vide de ses “moods” 2021 pleines de morceaux introuvables ailleurs. »
La guerre du cœur – l’algorithme – et le flair
Spotify excelle dans la proposition de morceaux cachés que l’on n’avait même pas slumpé. Le petit cœur vert est devenu l’icône la plus cliquée au crépuscule. « Je me réveille parfois avec une track Side sleepers soit disposant immédiatement sur Discover Weekly. Pas question de la perdre », souffle Juliette, qui n’a finalement pas cliqué sur « annuler l’abonnement » – encore – comme 60 % des abonnés récemment interrogés par l’institut VOICES. Risque marketing bas.
Conclusion : prix, cœur et couper-coller
Tant que Spotify reste le roi des playlists générées par IA, l’effet de marque reste fort. Toutefois, une deuxième augmentation en moins d’un an risque de créer un réel point de cassure, particulièrement auprès des Gen Z et des familles nombreuses traitées comme des “pommes cueillies”. Le rayon vérité arrivera sous forme d’e-mail. Il sera alors temps de choisir : payer, changer, ou rester au son libre… mais avec pubs.
A retenir
Est-ce que l’augmentation est déjà actée en France ?
Non, elle n’est pas encore confirmée sur le territoire, mais les abonnés recevront un préavis obligatoire d’un mois en cas de modification.
Quand recevrai-je le nouvel e-mail tarifaire ?
Spotify évoque un envoi dans « les prochains jours ». Le changement ne saurait s’appliquer avant début octobre.
Combien va coûter l’abonnement étudiant s’il augmente ?
Les analystes évoquent +13 à +20 %, ce qui pourrait porter le tarif étudiant autour de 8 ou 8,50 €/mois.
Est-ce que l’audio sans perte est déjà disponible ?
Non. L’option reste inachevée, bien que des indices techniques apparaissent dans l’application.
Quelles sont les alternatives gratuites sans pub ?
Il n’en existe plus, à part le piratage, illégal et risqué. La plupart des plateformes reposent sur les abonnements ou la publicité.