Un jour de septembre, sous un ciel écossais d’un gris d’ardoise, un randonneur solitaire transforme un averse diluvienne en scène de magie grand spectacle. Il sort son couteau, gratte un bloc doré, et, en moins de cinq minutes, un feu vif danse sous la pluie battante. Depuis, la vidéo de cet exploit tourne dans tous les groupes Facebook de trekkeurs. Comment a-t-il réussi à braver la pluie comme un simple claquement de doigts ? La réponse tient dans une astuce minuscule : une galette de cire d’abeille rangée dans le fond du sac.
Quel danger court un trekkeur face à l’humidité ?
L’air saturé, le bois trempé jusqu’au cœur, les allumettes qui s’éteignent : les parcours en milieu humide deviennent vite une épreuve de survie. L’hypothermie guette, le moral chute, et la nuit tombe vite. Même un feu de camp apparemment anodin devient une ligne de vie quand la température descend sous les huit degrés.
C’est le calvaire que vivait John McDougall au début de la semaine dernière. Parti seul dans les Trossachs, il avait bouclé dix-neuf kilomètres sous des giboulées lorsque son GPS indiqua une aire de bivouac à flanc de colline. « À ce moment-là, je trempais jusqu’aux os et ma veste Windstopper ressemblait à une éponge », se souvient-il.
Comment fonctionne la cire d’abeille comme accélérateur ?
John est menuisier de son métier ; il connaît la cire d’abeille pour ses propriétés d’étanchéité. Il en glisse toujours une plaquette toute plate au fond de sa sacoche, faute de place. Cette cire, chauffée par la seule chaleur de la paume, se ramollit et laisse une pellicule hydrophobe sur tout ce qu’elle touche. En clair : elle repousse l’eau et maintient une surface inflammable.
Quand John gratte sa cire sur une brindille, la molécule fond, enrobe le bois et bloque l’humidité. Enflammée, elle atteint rapidement 250 °C, une température suffisante pour faire croustiller la cellulose saturée. « C’est comme si j’ajoutais une seconde couche de mèche à une bougie », illustre-t-il.
La rencontre fortuite d’Emily Watson sur le sentier
Emily Watson, biologiste spécialisée dans les mousses des tourbières, cheminait à l’arrière d’un groupe scolaire ce jour-là. « Nous cherchions trois espèces différentes de sphaignes au bord du loch Achray, explique-t-elle. À 15 h 30, une averse soudaine a trempé tout le monde, et mon brassard de chef de groupe a commencé à vibrer de froid. »
En remontant vers le parking, elle aperçoit John à quelques mètres. Il gratte son bloc de cire comme un feutre sur une rame de papier, aligne trois brins de genêt, disperse quelques copeaux séchés à l’intérieur de sa chemise et… pfuit ! Une flamme naît. « Les gamins sont restés bouche bée comme moi », raconte Emily. Le groupe se réchauffe, le moral remonte, et John est acclamé.
Comment reproduire l’expérience sans risque ?
Même si la technique est simple, l’étape préparation reste la clé. John utilise un poids de 30 g de cire d’abeille brute, assez pour environ quinze allumettes de fortune. Il précise la marche à suivre :
- 1. Récolter des résineux fins : aiguilles, cônes, écorces.
- 2. Essorer le bois au maximum contre son torse ou une serviette microfibres.
- 3. Sculpter la cire en copeaux minces à l’aide d’un canif propre.
- 4. Mélanger copeaux et brindilles, former un petit nid.
- 5. Déclencher la flamme avec une pierre à feu ou une allumette de secours.
Avant quitter les lieux, John enfonce le tout dans un tout petit trou creusé avec la pointe de sa pelle pliante, pour protéger la nasse des rafales. En moins de trois minutes, la flamme a déjà escaladé les branches de genêt.
Pourquoi est-ce plus sûr que le gel de pétrole ou l’essence ?
Les anciens scouts connaissent bien le gel de pétrole : il brûle longtemps mais dégage une fumée noire. L’essence, elle, est dangereuse : une goutte sur un pantalon mouillé peut créer une traction rapide vers les cuisses. La cire d’abeille, quant à elle, est biologique, produit zéro résidu toxique et s’éteint toute seule quand l’oxygène vient à manquer. « Une fois, j’ai versé par erreur trop de cire ; la flamme est restée modeste comme une bougie, sans danger », assure John.
Écologique et sûre, la cire peut même servir à lubrifier sa chaîne de vélo ou à sceller une coupure. Un objet multi-usage que l’on n’hésite pas à glisser à côté de la barre énergétique.
Quels pièges faut-il éviter avec le feu en pleine nature ?
« Je vois encore les traces de braseros laissés en 2021 sur Ben Venue », soupire le ranger Callum Bryce. Le feu en milieu tourbeux peut s’enfouir sous terre et refaire surface trois kilomètres plus loin. La règle de base est simple : l’empreinte doit être froide au toucher.
John applique la règle des quatre M : matelas (pierre ou terre nue), distance minimale d’un mètre des arbres, eau (deux litres en réserve), et matériel d’extinction (de la neige ou de la terre). Il attend que les braises ne soient que cendres blanches, puis verse ce dernier litre pour étouffer les derniers points rouges. « On laisse la place comme on l’a trouvée », martèle-t-il.
Quel avenir pour cette méthode au-delà des Highlands ?
Camping sauvage en Cévennes, bivouac en Slovénie ou randonnée en Islande : les terrains sensibles au climat marin peuvent tous bénéficier de ce truc du lutin. Emily a déjà transmis la technique à ses collègues de l’école de botanique de Glasgow. L’un d’eux, Lucas Aguilar, a expérimenté la recette en Guyane sous une pluie tropicale. « Les copeaux de cire ont remplacé les produits pétroliers dangereux dans nos sacs d’instruction », se réjouit-il.
Marc eco-design, une minoterie alsacienne, envisage même de commercialiser des bâtonnets de cire pressée, légèrement parfumée au romarin, pour les magasins outdoor. Rien de plus simple : on gratte, on glisse, on craque.
Conclusion : du feu et des respect
Au final, cette astuce fait plus que réchauffer les mains : elle relie les gens autour d’un cercle de lumière. Elle prouve qu’avec un gramme d’inventivité et un bloc de cire, la nature obéit encore un peu à nos désirs. La clé, rappellent John et Emily, reste ce regard attentif vers le feu et vers l’environnement que ce feu éclaire.
A retenir
Quelle quantité de cire faut-il emporter ?
Trente grammes suffisent pour quinze départs de feu, soit la moitié d’un édredon en duvet compressé.
La cire d’abeille est-elle disponible partout ?
Les marchés bio, les marchés de producteurs et même les épiceries coopératives en proposent sous forme de galettes. Vérifiez que la cire est brute et non filtrée pour garder sa capacité d’accélération.
Peut-on stocker la cire longtemps ?
Oui. Conservez-la au sec, enveloppée dans du papier sulfurisé. Elle ne rancit pas et garde ses propriétés plusieurs années.
Est-ce autorisé dans tous les parcs nationaux ?
Chaque parc fixe ses règles. Informez-vous auprès des offices de tourisme ou des rangers pour connaître les zones et périodes de restriction.
Un enfant de quinze ans peut-il reproduire l’opération ?
Oui, à condition d’être accompagné et maîtriser les règles de sécurité relatives au feu. La technique est aussi simple qu’une crêpe, mais la responsabilité est celle d’un adulte.