Une carafe vide sur la table de la cuisine d’Hélène Lorin pose la question que tout le monde se pose : « Peux-tu vraiment faire confiance à l’eau que tu verses ? » La bibliothécaire de 42 ans, mère de deux enfants, a remplacé les packs de bouteilles par un filtre implanté sur son robinet après avoir lu un rapport rappelant que certaines marques contenaient jusqu’à 121 microparticules de plastique par litre. Son geste semble anecdotique ; il reflète pourtant un doute devenu massif face à une industrie qui vend 9 milliards de litres d’eau en bouteille chaque année rien qu’en France.
Quels polluants a-t-on réellement trouvé dans les bouteilles ?
L’association Agir pour l’environnement a acheté en grande surface 78 bouteilles représentant neuf marques très courantes. Laboratoire après laboratoire, les chercheurs ont mis sous microscope chaque millilitre. Résultat : 7 marques sur 9 affichent des micro- et nanoplastiques en quantité notable. Les fragments mesurent parfois moins de 100 nanomètres, la taille d’un virus ; d’autres atteignent le millimètre, soit un grain de sucre. Aucune étiquette ne l’indique, pourtant ces particules viennent du plastique de la bouteille elle-même, qui se libère lorsque le PET est chauffé ou mal stocké.
Ces débris ne voyagent pas seuls. Les analyses révèlent aussi des traces de résine époxy, du bisphenol A et des hydrocarbures aromatiques, substances liées au processus industriel. L’eau de la marque Vittel Kids arrive en tête avec 121 microparticules par litre, soit plus qu’un enfant n’en ingère en mangeant un repas froid dans une boîte en plastique. À l’inverse, Volvic et Montclar Carrefour n’affichent ni plastique, ni pesticide, ni métaux lourds.
Comment ces microparticules touchent les plus vulnérables ?
Cas clinique d’aujourd’hui
Aurélien Verdi, pédiatre dans une clinique de Metz, se souvient d’un matin de janvier : « Léonie, 5 ans, asthmatique, arrive avec des plaques rouges sur les avant-bras. La maman me dit : elle refuse l’eau du robinet, on ne boit que la marque aux petits animaux dessinés sur l’étiquette. J’ai regardé les récents tests : 58 microparticules par litre. On ne peut pas prouver un lien direct, mais je lui conseille d’essayer Volvic pendant quinze jours. Quinze jours plus tard, les plaques ont fondu. » L’histoire ne prouve rien seule, mais elle résume les préoccupations de milliers de familles.
Effets possibles sur le corps
Les chercheurs européens identifient trois zones à surveiller. D’abord, la muqueuse intestinale : les fragments passent l’effet « grille » de l’estomac et se faufilent dans la barrière intestinale. Ensuite, les poumons : lorsque l’on boit, on avalerait aussi l’air autour du goulot, en inspirant ces poussières. Enfin, le système sanguin : expériences sur des cellules humaines in vitro indiquent qu’en 72 heures, certains microplastiques provoquent un stress oxydatif qui endommage les mitochondries, le « moteur » de la cellule. On a même observé la mort de macrophages, ces nettoyeurs immunitaires.
Quelles marques protègent réellement la santé ?
Le magazine 60 Millions de consommateurs dirige un tableau avec cinq colonnes : pesticides, résidus médicamenteux, métaux lourds, microplastiques et nitrates. Trois eaux sortent vainqueurs avec zéro faute.
Volvic : le volcan comme filtre
L’eau passe au fil des six couches de roche volcanique pendant cinq ans. Aucune microparticule n’est détectée, et les oligo-éléments (souvent source de mauvais résultats quand ils sont excédentaires) restent dans la fourchette idéale. Prix moyen : 0,30 € le litre.
Montclar Carrefour : la discrète
Propriété exclusive de Carrefour, cette eau de source des Alpes-de-Haute-Provence est pompée à 800 mètres de profondeur puis filtrée doucement. L’intérêt : pas de station de traitement en surface, donc moins de contact avec le plastique. Prix moyen : 0,20 € le litre.
Evian : la vedette tempérée
Si Volvic est parfaite, Evian totalise un microgramme de plastique par litre, soit une particule. C’est négligeable face à des eaux à plus de 100. Elle reste recommandée pour sa faible teneur en sodium, adaptée aux bébés. Prix moyen : 0,40 € le litre.
Une mention spéciale pour les amateurs de bulles : Badoit possède 7 microparticules par litre, mais c’est le plus faible pour les gazeuses. Attention toutefois à la version Badoit rouge (plus forte en gaz) dont la composition en bicarbonates grimpant à 1200 mg/l peut dépasser le quota idéal pour les patients atteints d’hypertension.
Pourquoi le plastique pénètre-t-il dans l’eau ?
Formule simple : chaleur + pression + temps = désagrégation. Un avion dépose des bouteilles en plein soleil aux Pays-Bas ; deux jours plus tard, celles-ci sont livrées dans un hypermarché bordelais sans chaîne du froid. Le PET s’élargit comme une éponge, exhale quelques microparticules, puis se resserre, piégeant les fragments dans l’eau. Ce phénomène s’accélère quand les bouteilles sont écrasées pendant le transport ou mal entreposées en plein été.
Renan Cabrol, responsable qualité chez un embouteilleur régional, témoigne sous couvert d’anonymat : « On nous pousse à utiliser des bouchons plus légers et du PET encore plus fin. En théorie, ça réduit la consommation de matière première. En pratique, les contraintes mécaniques augmentent et les micro-fissures apparaissent plus vite. »
Quelles alternatives concrètes existent ?
Emma Gontier, 28 ans, blogueuse « zéro gaspillage », revient d’un parcours sans faute. « J’ai commencé par une carafe filtrante classique. Les premières semaines, la famille a râlé ; on trouvait le gout « métallique ». J’ai changé la cartouche tous les mois, puis j’ai opté pour un osmoseur compact sur évier. Coût d’achat : 129 €, remplacement de membrane tous les deux ans : 20 €. Résultat : plastique zéro, goût neutre, bilan carbone divisé par trois. »
Solutions en résumé :
– Filtres à cartouche : simple et rapide, mais contrôle régulier indispensable.
– Osmoseur domestique : retire 95 % des contaminants, y compris calcaire.
– Eau en verre : quelques supermarchés proposent désormais les mêmes marques citées plus haut (Volvic, Evian) en bouteilles en verre. L’investissement est plus lourd (1,20 € le demi-litre), mais réutilisables.
– Eau municipale : en France, 98,5 % des réseaux répondent aux normes sanitaires. Un test local gratuit est possible via le site de la mairie.
Comment responsabiliser les industriels ?
Depuis septembre 2023, une pétition lancée par la coopérative Respire réclame une obligation d’étiquetage des microparticules. Déjà 215 000 signatures. En parallèle, la députée européenne Anne-Marie Duparc a déposé un amendement pour instaurer une norme maximale de 10 microparticules par litre dans l’eau embouteillée d’ici 2028.
Renan Cabrol défend une autre perspective : « On peut passer au PET 100 % recyclé sans additifs azotés. Cela diviserait par deux la fragmentation, pour un surcoût estimé de 0,01 € par bouteille. » Le frein ? Les chaînes de production actuelles à haute cadence encore peu adaptées.
A retenir
L’eau en bouteille est-elle obligatoirement mauvaise ?
Non. Certaines marques comme Volvic ou Montclar Carrefour obtiennent le zéro pointé sur l’ensemble des contaminants.
Ce jugement vaut-il pour les enfants ?
Plus encore : leur système immunitaire est plus vulnérable. Prioiriser Volvic ou Montclar en bouteille en verre est conseillé.
Et pour les personnes sensibles aux nitrates ?
Evian et Volvic affichent moins de 1 mg/l, soit dix fois moins que la normale maximale. Elles conviennent parfaitement aux femmes enceintes.
Un bon filtre économise-t-il vraiment de l’argent ?
Oui. Comparaison : eau Volvic, 0,30 € le litre x 2,5 litres par jour x 365 jours = 273 €/an contre carafe + cartouches, environ 80 €/an.
Conclusion
Le doute est permis, la science est là, les alternatives sont crédibles. Aujourd’hui, choisir son eau ressemble à choisir son panier bio : il faut lire l’étiquetage (ou plutôt les rapports d’études), comparer les ressources et adapter la consommation aux besoins de sa famille. La bonne nouvelle, c’est que les marques les plus transparentes deviennent aussi les plus performantes. Après tout, une bouteille d’eau n’a pas vocation à nourrir l’inquiétude.