En Auvergne, là où les collines verdoyantes s’étendent sous un ciel souvent voilé par les brumes matinales, un silence séculaire semble s’être fissuré. Un volcan longtemps considéré comme éteint, enfoui sous les herbes hautes et les sentiers de randonnée, émet des signaux que nul ne peut désormais ignorer. Ce ne sont ni éruptions ni fumées, mais des variations subtiles du champ magnétique, détectées par des capteurs posés comme des sentinelles discrètes. Ce phénomène, à la frontière entre le scientifique et le perceptible, bouscule les certitudes géologiques et réveille une vigilance prudente. Entre inquiétude feutrée des habitants, mobilisation des autorités et passion des chercheurs, le sous-sol auvergnat devient le théâtre d’un dialogue inédit entre l’homme et la Terre.
Qu’est-ce que ces anomalies magnétiques révèlent réellement ?
Les premières alertes sont venues d’une campagne de mesures routinières menée par une équipe du laboratoire de géophysique de Clermont-Ferrand. Alors que les chercheurs analysaient la stabilité des sols autour du massif des Puys, les données magnétiques ont commencé à dévier de façon inattendue. Les courbes, habituellement stables sur un volcan classé comme éteint depuis des millénaires, montraient des fluctuations régulières, localisées à environ cinq kilomètres de profondeur. « On ne s’attendait pas à ça, confie Élodie Ferrand, géophysicienne à l’origine des relevés. Les instruments ont été vérifiés trois fois. Puis on a croisé les données avec des archives datant des années 1980. Le contraste est net : quelque chose a changé. »
Les anomalies ne signifient pas nécessairement un réveil imminent. Elles indiquent plutôt une perturbation interne, dont l’origine reste à déterminer. Plusieurs hypothèses sont à l’étude : la circulation de fluides chauds dans les fractures profondes, une réorganisation des minéraux magnétiques sous l’effet de contraintes tectoniques, ou encore une remontée lente de magma à l’état partiel. Ce dernier scénario, bien que plausible, n’est pas le plus probable à ce stade. « Le signal est clair, mais son interprétation reste ouverte, précise le professeur Laurent Chabrier, volcanologue à l’Observatoire de Vulcania. Ce que nous voyons pourrait être un phénomène passager, lié à des ajustements géologiques locaux. Ou alors, il s’agit d’un signe précoce d’activité que nous n’avions jamais su détecter auparavant. »
Comment les habitants perçoivent-ils ces changements ?
À Saint-Éloy-les-Mines, petit village à la lisière du massif, les premiers signes ont été remarqués par des randonneurs. Des boussoles, habituellement fiables, se sont mises à tourner en cercle ou à indiquer des directions erronées sur certaines portions de sentier. Jean Moreau, agriculteur et ancien guide de montagne, a été l’un des premiers à alerter les autorités. « J’ai vu des touristes déboussolés, littéralement. Ils pensaient que leurs appareils étaient cassés. Moi, je me suis dit : il se passe quelque chose. Et puis, mes vaches, elles ont changé de comportement. Elles restent plus longtemps à l’étable, même par beau temps. »
Ces observations, a priori anecdotiques, prennent un relief nouveau à la lumière des données scientifiques. Les services départementaux ont lancé une campagne d’information ciblée, distribuant des fiches explicatives dans les mairies, les gîtes et les offices de tourisme. L’objectif : éviter la panique tout en encourageant la vigilance. « Ce qu’on demande, c’est de rester attentif, explique Camille Vernet, chargée de communication à la préfecture du Puy-de-Dôme. Si vous voyez un phénomène inhabituel — odeur de soufre, eau trouble dans les puits, animaux agités — signalez-le via l’application officielle. »
Les habitants, toutefois, ne se contentent pas d’observer. À Royat, un groupe de citoyens a créé un comité d’échange avec les scientifiques. « On ne veut pas de secrets, affirme Sophie Laroche, bibliothécaire et animatrice du collectif. On vit ici depuis des générations. On a le droit de comprendre ce qui se passe sous nos pieds. »
Quelles mesures concrètes ont été prises par les autorités ?
Face à l’incertitude, les autorités ont adopté une stratégie en trois temps : surveillance renforcée, information transparente, et préparation opérationnelle. Un réseau de capteurs supplémentaires a été déployé autour du site, portant le nombre de stations de mesure à une vingtaine. Ces capteurs enregistrent en continu les variations du champ magnétique, mais aussi les microséismes et les émissions de gaz. Les données sont transmises en temps réel à un centre de crise installé à Riom.
Parallèlement, des réunions publiques sont organisées chaque mois dans les communes concernées. Les scientifiques y présentent les derniers relevés, répondent aux questions, et expliquent les scénarios possibles. « On ne dramatise rien, insiste le préfet adjoint, Thomas Mériaux. Mais on ne minimise rien non plus. Notre rôle, c’est de préparer, pas de spéculer. »
Les plans d’évacuation sont en cours d’élaboration. Ils concernent une zone tampon de cinq kilomètres autour du volcan suspect, abritant environ 8 000 personnes. Des itinéraires de secours ont été tracés, des centres d’accueil identifiés, et des exercices de simulation sont prévus pour l’automne. « On ne parle pas d’évacuation immédiate, nuance le commandant Dubreuil, des sapeurs-pompiers du 63. Mais on doit être prêts, au cas où. »
Le volcan pourrait-il entrer en éruption ?
Pour l’instant, aucune éruption n’est envisagée à court terme. Les signaux détectés sont trop faibles pour indiquer une remontée rapide de magma. « Même dans les cas de réveils soudains, on observe d’abord des séismes, des déformations du sol, des émissions de gaz, détaille Élodie Ferrand. Là, on n’a que des anomalies magnétiques. C’est comme entendre un bruit dans une pièce fermée : on sait qu’il y a quelque chose, mais on ne sait pas quoi. »
Faut-il craindre une catastrophe ?
Les experts s’accordent à dire que le risque immédiat est faible. Le volcan en question, probablement un édifice monogénique — c’est-à-dire qui n’entre en activité qu’une seule fois dans son histoire —, ne présenterait pas une éruption massive s’il se réveillait. « On parle plutôt d’un jaillissement modéré, de quelques centaines de mètres cubes de lave, peut-être accompagné de projections, estime Laurent Chabrier. Rien de comparable à une éruption comme celle du Montagne Pelée ou du Vésuve. »
Les touristes doivent-ils annuler leurs voyages ?
Non. Aucune restriction d’accès n’a été mise en place. Les randonnées restent autorisées, bien que certaines zones soient surveillées de plus près. « L’Auvergne reste une destination sûre, affirme Marion Tessier, directrice de l’Office de tourisme de la Chaîne des Puys. Nous collaborons étroitement avec les scientifiques pour garantir la sécurité des visiteurs. »
Quels enseignements scientifiques peut-on tirer de cette situation ?
Ce phénomène, bien que localisé, ouvre des perspectives majeures pour la volcanologie. Il remet en question la notion même de « volcan éteint ». « On a longtemps classé les volcans en trois catégories : actifs, dormants, éteints, explique Laurent Chabrier. Mais cette affaire montre que le dormance peut être une illusion. Des processus internes continuent, invisibles, et peuvent évoluer sans signe extérieur. »
Les chercheurs envisagent désormais de créer un nouveau critère de classification, basé sur l’activité géophysique profonde, et non plus uniquement sur les éruptions passées. Ce changement pourrait s’appliquer à des dizaines de volcans en Europe, notamment en Italie, en Espagne ou en Allemagne, où des édifices similaires sont considérés comme inactifs.
Par ailleurs, cette situation offre une opportunité rare d’étudier un système volcanique en phase pré-éruptive, sans pression immédiate. « On peut observer, mesurer, modéliser, sans urgence, souligne Élodie Ferrand. C’est un laboratoire naturel exceptionnel. » Les données recueillies alimenteront des modèles prédictifs, qui pourraient un jour permettre d’anticiper les réveils de volcans dans d’autres régions du monde.
Quel avenir pour cette région au croisement de la science et de la vie quotidienne ?
L’Auvergne, terre de légendes et de paysages intemporels, entre dans une nouvelle ère. Ce volcan, longtemps oublié, devient un acteur du présent. Il impose une vigilance sereine, une collaboration entre scientifiques, citoyens et institutions. Il rappelle que la nature, même endormie, n’est jamais inactive.
Pour les habitants, cette situation transforme le rapport au territoire. « On regardait les puys comme des collines, des lieux de promenade, témoigne Jean Moreau. Maintenant, on sait qu’il y a autre chose. On vit avec un mystère, mais aussi avec une forme de respect. »
Les chercheurs, quant à eux, voient dans ce phénomène une invitation à repenser leurs outils, leurs classifications, leurs dialogues avec le public. « La science ne progresse pas seulement en laboratoire, conclut Élodie Ferrand. Elle avance aussi quand elle est confrontée au réel, au terrain, aux vécus. »
Le volcan ne parle pas encore clairement. Mais il murmure. Et chacun, à sa manière, apprend à l’écouter.
A retenir
Quel est le phénomène observé sous les Puys ?
Des anomalies magnétiques inhabituelles ont été détectées sous un volcan auparavant considéré comme éteint. Ces variations, mesurées à plusieurs kilomètres de profondeur, pourraient indiquer des mouvements de fluides, des ajustements minéraux ou une activité magmatique naissante. Aucune éruption n’est imminente, mais le phénomène justifie une surveillance accrue.
Les habitants sont-ils en danger ?
Pour l’instant, le risque est évalué comme faible. Les autorités ont mis en place des mesures de vigilance, mais aucune évacuation n’est prévue. Les citoyens sont invités à rester attentifs et à signaler tout signe inhabituel, sans céder à la panique.
Que font les scientifiques face à cette situation ?
Les géologues et volcanologues renforcent le réseau de surveillance, croisent les données et étudient plusieurs hypothèses. Ils publient régulièrement des synthèses pour informer le public et préparent des modèles prédictifs susceptibles d’améliorer la gestion des risques volcaniques à l’avenir.
Ce volcan pourrait-il entrer en éruption ?
Rien ne l’indique pour l’instant. Les signaux restent discrets et ne correspondent pas aux précurseurs classiques d’une éruption imminente. Toutefois, les chercheurs ne peuvent exclure une évolution à long terme, d’où la nécessité d’une surveillance continue.
L’Auvergne devient-elle une zone à risque ?
Non. L’activité détectée est localisée et ne remet pas en cause la sécurité globale de la région. Au contraire, cette situation permet d’améliorer la connaissance du sous-sol et de renforcer les capacités de réponse en cas de crise future, bénéficiant à d’autres zones volcaniques en France et ailleurs.