Maryse Burgot est une de ces voix que l’on reconnaît sans les voir. Présente depuis des décennies sur les antennes de France Télévisions, elle a traversé les conflits, les crises, les zones de guerre, avec une rigueur qui ne se discute pas. Mais derrière cette carapace de journaliste accomplie, une vie intime bouleversée, longtemps tue, commence à se révéler. À 61 ans, elle choisit de parler — non pas pour se confesser, mais pour témoigner. Son divorce, qu’elle n’a pas désiré, devient le point de départ d’un récit de reconstruction, sobre, lucide, et profondément humain. Dans un livre paru en 2024, *Loin de chez moi : Grand reporter et fille de paysans*, et lors d’un entretien poignant dans le podcast *Quincanailles*, elle dévoile une femme qui, après un séisme personnel, a appris à marcher seule — et à aimer cette liberté retrouvée.
Qui est Maryse Burgot, au-delà des images d’actualité ?
Avant d’être une figure médiatique, Maryse Burgot est une femme de terrain. Née dans une famille paysanne du Lot, elle a grandi entre les sillons et les silences de la campagne. Ce socle rural, elle ne l’a jamais renié. Il l’a ancrée. « Quand tu viens de là, tu sais ce que c’est que de tenir debout par tous les temps », confiait-elle un jour à un collègue de France Télévisions, lors d’un débriefing à l’aube d’un reportage en Syrie. Ce fond, fait de simplicité et de résistance, traverse toute sa trajectoire.
Journaliste de guerre, elle a arpenté les zones de conflit avec une discrétion qui la caractérise. Pas de bravade, pas de mise en scène. Elle observe, elle écoute, elle raconte. De Washington à Kaboul, de Bagdad à Jérusalem, elle a porté des récits douloureux, sans jamais se mettre en avant. Mais derrière le micro, derrière l’objectivité feutrée, une vie personnelle s’est lentement fissurée.
Comment un divorce non choisi peut-il devenir un point de départ ?
« Ce n’était pas mon choix. » Cette phrase, lâchée d’une voix posée dans *Quincanailles*, résonne comme un aveu de vulnérabilité. Après des années de mariage, de complicité, de vie partagée, la rupture s’impose. Pas par manque d’amour, mais par éloignement progressif, par silence accumulé, par une décision unilatérale. L’ex-mari décide. Elle, subit.
Camille, une amie de longue date rencontrée à l’époque de ses premiers reportages en ex-Yougoslavie, se souvient : « Maryse n’a jamais été du genre à se plaindre. Quand on couvre des guerres, on apprend à encaisser. Mais là, c’était différent. C’était intime. Elle a mis du temps à réaliser ce qui lui arrivait. » Pendant des semaines, elle continue d’assurer ses directs, de préparer ses sujets, de sourire devant la caméra, tandis que son monde s’effondre en coulisses.
La sidération dure. Puis vient l’élan. « Je ne pouvais pas rester figée », dit-elle. Elle décide de ne pas tomber dans le récit victimisant. Pas de colère publique, pas de déballage. Juste un travail intérieur, lent, obstiné. Elle consulte, lit, marche — beaucoup. Elle s’impose des rituels simples : un café le matin à la même heure, une promenade le soir, un carnet pour noter les pensées qui tournent. Elle apprend à se tenir compagnie.
Quelle est la place de la liberté après une rupture à 60 ans ?
À un âge où beaucoup pensent à ralentir, Maryse Burgot accélère. Pas sur le plan professionnel — elle reste fidèle à son métier, mais avec une distance nouvelle — mais sur le plan existentiel. Elle « invente une autre manière de vivre », comme elle le dit. Son appartement parisien devient un lieu de choix, pas de contrainte. Elle y reçoit ses deux fils, Angelo et Noé, mais aussi ses amies, ses collègues, parfois des inconnus croisés dans des salons du livre.
« Je ne cherche pas un homme qui a de l’argent », affirme-t-elle, presque amusée. « Je travaille, je gagne ma vie, j’ai mes clés. » Ce n’est pas de l’orgueil, c’est de la paix. Elle refuse les listes de critères que certaines de ses amies s’échangent en riant : « Il doit aimer les chiens, cuisiner, et ne pas ronfler. » Elle préfère l’imprévu, le hasard, la rencontre sincère. « Je ne fais pas de collection », glisse-t-elle, avec ce sourire en coin qui lui est familier.
Elle sort, voyage seule, accepte des invitations qu’elle aurait déclinées avant. À Marrakech, elle dîne dans une petite riad avec un groupe de femmes journalistes venues du Maghreb. « On a parlé jusqu’à deux heures du matin, de nos vies, de nos peurs, de nos enfants. C’était léger, profond. Je me suis sentie libre. Vraiment. »
Comment concilier métier exigeant et reconstruction intime ?
France Télévisions reste son cadre professionnel, mais plus son identité entière. Pendant des années, elle a tout donné à son métier. Les départs précipités, les nuits blanches, les retours épuisés. Aujourd’hui, elle garde la même exigence, mais avec une distance. Elle choisit ses reportages, refuse les missions trop longues. « Je veux être là pour mes fils. Pour moi aussi. »
Lors d’un reportage à Gaza en 2023, elle confie à son cameraman, Thomas, qu’elle ne veut plus dormir dans les hôtels sécurisés. « Je veux aller dans les maisons, parler aux gens chez eux. » Ce choix, il le note : « Maryse a changé. Elle est plus douce, mais aussi plus tranchante quand il faut. Elle ne se cache plus derrière le métier. »
Le terrain reste son terrain, mais elle n’y fuit plus. Elle y va avec lucidité, avec une empathie renouvelée. « Avant, je voulais comprendre la guerre. Maintenant, je veux comprendre ce qui permet de vivre malgré elle. »
Quels enseignements tire-t-elle pour les femmes traversant une rupture ?
À ses amies en plein séisme, elle ne donne pas de recettes. Pas de discours sur la résilience. Juste une phrase, répétée plusieurs fois : « Ça ira. » Simple. Douce. Ferme. Elle sait que les premiers mois sont les plus durs. « On se sent inutile, abandonnée, vieille. » Elle a connu ces nuits où l’on pleure sans bruit, où l’on doute de tout.
Mais elle insiste : « Ne vous précipitez pas dans une nouvelle histoire. Ne vous cherchez pas dans un autre. Cherchez-vous en vous. » Elle conseille la lenteur, l’écoute de soi, le droit à l’ennui. « L’ennui, c’est le début du retour à soi. »
Elle pense à Léa, une amie divorcée deux ans avant elle, qui s’était lancée dans une relation trop vite. « Elle croyait se sauver. Elle s’est perdue un peu plus. » Maryse, elle, a pris le temps. Et ce temps, elle le considère comme un cadeau. « Tout ce que je vis aujourd’hui, je ne l’aurais pas vécu si je n’avais pas traversé ça. »
Pourquoi cette épreuve personnelle redonne-t-elle du sens à son métier ?
Le divorce, loin de l’affaiblir, a aiguisé son regard. Elle parle des conflits avec une autre intensité. Elle entend mieux les silences des femmes dans les zones de guerre, celles qui ont perdu un mari, un foyer, une vie. « Je les comprends autrement maintenant. »
Lors d’un reportage en Ukraine, elle interviewe une femme de 65 ans, veuve depuis six mois. Elles parlent longtemps, assises sur un banc, dans un abri de fortune. Après l’entretien, Maryse reste un moment seule. Elle ne pleure pas. Mais elle sent quelque chose se dénouer. « C’était comme si je lui avais raconté mon histoire sans parler. »
Elle comprend que sa douleur, loin d’être un obstacle, est devenue une clé. Une clé d’accès à l’humain. Elle ne cherche plus seulement l’information. Elle cherche la vérité des corps, des regards, des silences. Et cette vérité, elle la porte désormais avec plus de justesse.
A retenir
Quel est le message principal de Maryse Burgot après son divorce ?
Son message n’est ni dramatique ni triomphal. Il est sobre : une rupture, même subie, peut devenir un point de départ. Il faut du temps, de la patience, et surtout, ne pas chercher à se fuir. La liberté, elle ne tombe pas du ciel. Elle se construit, pas à pas, dans les gestes simples du quotidien.
Pourquoi son récit touche-t-il tant de femmes ?
Parce qu’elle incarne une figure rare : une femme puissante, mais pas inatteignable. Une femme qui a tout donné à son métier, mais qui a aussi souffert. Elle ne cache pas sa douleur, mais ne s’y noie pas. Elle parle à celles qui, à 50, 60, 70 ans, se retrouvent seules, et se demandent si la vie continue. Elle répond : oui, et elle peut même devenir plus riche.
Comment concilie-t-elle vie professionnelle et vie personnelle aujourd’hui ?
Elle ne les oppose plus. Elle les articule. Son métier reste central, mais il n’est plus tout. Elle a appris à poser des limites, à dire non, à protéger son temps. Elle travaille avec la même exigence, mais sans s’y sacrifier. Elle est devenue, selon les mots de son éditrice, « une journaliste plus libre, donc plus juste ».
Que signifie « Loin de chez moi » pour elle aujourd’hui ?
Le titre de son livre prend une double dimension. D’abord, il évoque ses années de reporter, loin du foyer, loin de la France. Mais il dit aussi autre chose : le sentiment de se sentir étrangère à sa propre vie après le divorce. Aujourd’hui, « loin de chez moi » n’est plus une douleur. C’est un espace de possibilité. Un lieu où l’on peut se reconstruire, autrement.
Conclusion
Maryse Burgot ne se raconte pas pour se montrer. Elle témoigne pour dire que la vie, même après un séisme, continue. Que la maturité n’est pas une fin, mais un seuil. Que la liberté, quand on l’a reconquise, a un goût particulier — celui de l’authenticité. Elle reste fidèle à ce qu’elle a toujours été : une femme de terrain, mais cette fois, le terrain, c’est elle-même. Et sur ce champ intime, elle avance, droite, lucide, et enfin, en paix.