Dans un coin verdoyant de Seine-et-Marne, une nouvelle forme d’économie locale prend racine, à deux pas des serres de la cueillette de Beautheil-Saints. Ce n’est plus seulement un lieu de récolte, mais un écosystème vivant où production, transformation et convivialité s’entrelacent. Ce projet, né d’une volonté collective de repenser le lien entre campagne et consommation, redessine peu à peu les contours d’un territoire en quête d’authenticité. Ici, les commerces ne s’installent pas par hasard : ils s’inscrivent dans une vision, celle d’un « du champ à l’assiette » incarné, porté par des entrepreneurs engagés, des produits de saison et des moments partagés. Ce qui semblait hier un simple espace agricole devient aujourd’hui une destination où l’on vient autant pour acheter du pain frais que pour apprendre à cuisiner, déguster une bière artisanale ou découvrir les vertus des plantes locales. Une dynamique inédite, portée par des visages, des métiers et des convictions, s’impose comme un modèle de développement ancré dans le réel.
Comment un projet collectif a-t-il vu le jour au cœur de la ferme ?
Fin 2024, quatre porteurs de projet – Marion Leroy, Thibault Moreau, Sophie Cozon et Benoit Vasseur – se sont réunis autour d’une idée simple mais ambitieuse : créer un lieu où l’agriculture ne se limite pas à la production, mais rayonne dans tous les aspects de la vie locale. Leur terrain d’expérimentation ? Les abords de la cueillette de Beautheil-Saints, un site déjà reconnu pour ses légumes bio et ses ateliers pédagogiques. Ensemble, ils ont imaginé cinq cellules commerciales, pensées comme des extensions naturelles de la ferme. L’objectif n’était pas de multiplier les boutiques, mais de construire un écosystème cohérent, fidèle aux valeurs agricoles du lieu : proximité, transparence, durabilité.
Les bâtiments, conçus avec sobriété et fonctionnalité, s’élèvent juste à l’entrée de la zone de cueillette. Leur architecture ouverte favorise la circulation, invite à la flânerie. Chaque enseigne a été choisie pour sa complémentarité : pas de concurrence directe, mais une chaîne d’activités qui s’enrichissent mutuellement. Depuis le printemps, quatre établissements ont ouvert leurs portes, tandis que le cinquième se met progressivement en place. Une gestion partagée entre les fondateurs permet d’ajuster les horaires, les offres, selon les saisons et les besoins. « Nous voulions éviter le modèle du centre commercial standardisé », explique Thibault. « Ici, chaque commerce a sa voix, mais ensemble, ils forment un chœur. »
Quelle est la place des produits locaux dans l’offre commerciale ?
Le fil rouge de ce projet, c’est la traçabilité. Chaque produit, chaque plat, chaque ingrédient doit pouvoir raconter son origine. Prenez le Peanut’s Café, tenu par Sophie Cozon, une ancienne chef parisienne revenue aux sources. Son établissement, niché face aux serres, propose une carte courte, renouvelée chaque semaine selon ce que la terre offre. « Hier, c’était une tarte aux courgettes et tomates cerises de la cueillette, aujourd’hui, ce sont des croquettes de potiron », sourit-elle. « Nos fournisseurs sont à dix mètres. On n’a pas besoin de camions frigorifiques ni de chaînes logistiques interminables. »
À quelques pas, la boulangerie Les délices du grand champ, dirigée par Alexandre Lyon, perpétue une tradition revisitée. Ce boulanger bio s’approvisionne en farine issue de blé moulu sur sa propre ferme, à Beautheil-Saints. « Je connais chaque grain que je transforme », affirme-t-il. « Et quand je rajoute des herbes ou des fruits de la cueillette dans mes pains, je sais exactement d’où ils viennent. » Son pain de seigle aux baies de sureau, par exemple, est devenu un incontournable de l’été. Ce lien direct entre production et transformation crée une synergie rare : les producteurs anticipent les besoins des artisans, les artisans valorisent les excédents ou les variétés oubliées.
Stéphanie Queuffeulou, fondatrice de Cuisine & Vous, voit dans cette proximité une révolution douce. « Avant, mes ateliers culinaires étaient dans des zones commerciales anonymes. Ici, les participants voient les légumes pousser, touchent la terre, comprennent la saisonnalité. C’est une immersion totale. » Son espace, de 200 m², comprend trois cuisines modulables, où elle anime des sessions pour les familles, les adolescents à partir de 13 ans, ou encore des entreprises en team-building. « On ne fait pas juste de la cuisine, on transmet une culture. »
Comment les animations renforcent-elles la vie locale ?
Le projet ne se limite pas à la vente. Il ambitionne de devenir un lieu de vie, d’échanges, de rencontres régulières. Au Fût et à mesure, franchise spécialisée dans les boissons en libre-service, incarne cette dimension festive et inclusive. Neuf tireuses permettent aux visiteurs de se servir eux-mêmes en bière, cidre ou kombucha, payant au centilitre. « On casse la barrière du bar », explique Marion. « C’est plus convivial, plus fluide. »
Le vendredi et le samedi soir, l’ambiance monte d’un cran : DJ sets, soirées à thème, et à partir de septembre, des karaokés ouverts à tous. Des planches de charcuterie locale, des tapas à base de légumes de saison accompagnent les boissons. « On veut que les gens restent, qu’ils s’installent, qu’ils se rencontrent », insiste Benoit. « Ce n’est pas juste un lieu de consommation, c’est un espace de partage. »
Parallèlement, l’herboristerie Ternatur, co-gérée par Sophie et Benoit, apporte une autre dimension : celle du bien-être et du savoir ancestral. Ici, on vend des tisanes, des huiles essentielles, des cosmétiques naturels, mais aussi des ateliers sur les plantes médicinales du terroir. « On a fait un atelier sur les remèdes de grand-mère avec des enfants l’été dernier », raconte Sophie. « Ils ont adoré apprendre à reconnaître la mélisse, la camomille, à les transformer en infusion. »
La coordination entre tous les acteurs permet d’organiser des événements croisés : un atelier de cuisine sur les légumes d’automne peut être suivi d’un apéritif au Fût et à mesure, avec des boissons aux herbes de Ternatur. « On crée des parcours », explique Thibault. « Et petit à petit, on fidélise une clientèle d’habitués, pas seulement des touristes du dimanche. »
Quelles sont les ambitions à long terme pour ce lieu ?
Le projet ne se contente pas de réussir localement : il vise à devenir un modèle. « On montre qu’on peut faire autrement », affirme Marion. « On peut allier agriculture, commerce, emploi et convivialité, sans sacrifier la qualité ni l’écologie. » L’inauguration officielle, prévue le 29 septembre 2025 en présence d’élus locaux, marquera une étape importante. Mais pour les porteurs du projet, ce n’est qu’un début.
Les ambitions sont claires : pérenniser les ventes, créer des emplois durables, renforcer l’identité du territoire. « On veut que les jeunes du coin voient qu’il y a des opportunités ici, sans avoir à partir en ville », souligne Sophie Cozon. Déjà, trois emplois ont été créés dans la boulangerie, deux à l’herboristerie, et Cuisine & Vous envisage d’embaucher un second animateur pour la rentrée 2025.
La gestion partagée entre les fondateurs est un pilier du projet. Des rendez-vous mensuels permettent d’ajuster les offres, d’échanger sur les retours des clients, de préparer les saisons à venir. « On n’a pas un PDG unique, mais une gouvernance horizontale », précise Thibault. « Chacun apporte son expertise, mais on décide ensemble. » Cette approche renforce la confiance, tant entre les acteurs qu’avec les visiteurs, qui sentent qu’ils sont dans un lieu sincère, sans artifice.
En quoi ce projet redéfinit-il le lien entre agriculture et consommation ?
Le succès de ce lieu tient à sa capacité à transformer une simple relation de vente en une expérience globale. Ici, on ne consomme pas, on participe. On voit les serres, on parle aux producteurs, on apprend à cuisiner ou à soigner avec les plantes du coin. « C’est une réponse concrète à la demande croissante de transparence », analyse Alexandre Lyon. « Les gens veulent savoir ce qu’ils mangent, d’où ça vient, qui l’a produit. »
Le circuit court n’est plus une niche, mais une logique centrale. Les synergies entre les commerces – approvisionnements partagés, ateliers croisés, événements communs – créent une économie circulaire à échelle humaine. « On ne se contente pas de vendre du local, on le vit », résume Stéphanie Queuffeulou.
Les retours des visiteurs sont unanimes. « Je viens chaque dimanche avec mes enfants », témoigne Élodie, habitante de Coulommiers. « On cueille des fraises, on prend un goûter au Peanut’s Café, et parfois, on reste pour un atelier. C’est devenu notre rituel. » Pour d’autres, comme Julien, un cadre de Montévrain, c’est une bouffée d’air. « C’est rare de trouver un endroit où tout est cohérent, honnête, bienveillant. On sent que les gens croient à ce qu’ils font. »
Quand aura lieu l’inauguration officielle ?
L’inauguration officielle du site est prévue le 29 septembre 2025. Elle réunira les fondateurs, les commerçants, les producteurs et des élus locaux. L’événement marquera la pleine maturité du projet et s’accompagnera d’animations ouvertes au public : dégustations, ateliers, concerts et visites guidées des serres.
Quels types d’ateliers sont proposés ?
Cuisine & Vous propose des ateliers culinaires immersifs pour adultes et jeunes à partir de 13 ans. Les thèmes varient selon les saisons : pâtisserie automnale, conserves d’été, pain maison, cuisine végétale. L’herboristerie Ternatur organise, quant à elle, des ateliers sur les plantes médicinales, les tisanes, et les cosmétiques naturels. D’autres ateliers croisés, mêlant cuisine et bien-être, sont en projet pour 2026.
Les commerces sont-ils ouverts toute l’année ?
Oui, l’un des objectifs du projet est d’assurer une activité continue tout au long de l’année. Les horaires sont adaptés aux saisons : plus étendus en été, ajustés en hiver, mais sans fermeture prolongée. Cette continuité permet de fidéliser une clientèle locale et de maintenir une dynamique économique stable.
Comment les producteurs et commerçants collaborent-ils ?
La collaboration est quotidienne. Les producteurs de la cueillette fournissent directement les commerces en légumes, herbes et fruits. Alexandre Lyon, le boulanger, utilise des farines issues de céréales locales. Les ateliers de Cuisine & Vous s’inspirent des récoltes en cours. Des réunions mensuelles permettent d’harmoniser les offres, anticiper les besoins et renforcer les synergies.
A retenir
Quels sont les principaux enseignements de ce projet ?
Ce projet démontre qu’il est possible de construire une économie locale vivante, ancrée dans les saisons et les savoir-faire du terroir. Il allie production agricole, transformation artisanale, restauration et animation, en créant des liens forts entre les acteurs. Il répond à une demande croissante de transparence, de qualité et de lien social. En misant sur la complémentarité plutôt que la concurrence, en valorisant les circuits courts et en proposant des expériences immersives, il devient un modèle pour d’autres territoires ruraux en mutation.