Autrefois symbole d’élégance accessible et de plaisir de conduite sans compromis, le coupé s’est peu à peu effacé des routes quotidiennes. Ce retrait n’est pas le fruit du hasard, mais le résultat d’un ensemble de pressions économiques, réglementaires et industrielles. Pourtant, loin d’être mort, le coupé évolue, se métamorphose, s’adapte. Il glisse du statut de voiture de tous les jours à celui d’objet de désir, de collection ou de prestige. Entre fiscalité croissante, raréfaction des pièces et mutation technologique, les amoureux de la forme coupé doivent aujourd’hui naviguer entre passion et pragmatisme. Ce sont des choix qui se font désormais avec les tripes, mais aussi avec un tableur Excel à portée de main.
Pourquoi le coupé disparaît-il des garages ordinaires ?
Le coupé, jadis accessible au plus grand nombre, semble aujourd’hui relégué aux marges du marché. Ce recul s’explique par une convergence de facteurs qui pèsent lourdement sur les décisions des constructeurs comme des consommateurs. La fiscalité automobile, notamment, joue un rôle central. Les malus écologiques frappent de plein fouet les véhicules à moteur thermique, souvent plus puissants, et donc plus taxés. Pour un petit constructeur, produire un coupé deux portes devient une affaire risquée : les volumes sont limités, les coûts de développement élevés, et la rentabilité incertaine.
Prenez le cas de la Peugeot 406 Coupé. Lancée à la fin des années 1990, cette berline sportive dessinée par Pininfarina avait tout pour séduire : une ligne racée, une tenue de route affirmée, une mécanique fiable. Pourtant, aujourd’hui, elle peine à trouver preneur, même en occasion. Léa Chambard, ingénieure automobile et collectionneuse de voitures des années 2000, témoigne : « J’ai mis huit mois à vendre ma 406 Coupé 3.0 V6. Elle était entretenue à la perfection, avec carnet à jour, mais les acheteurs hésitaient. Beaucoup me disaient : “C’est joli, mais à quoi ça sert ?” ». Ce sentiment récurrent – l’impression que le coupé n’a plus sa place dans un quotidien rationnel – reflète une réalité de plus en plus partagée.
Les normes de sécurité et d’émissions ont aussi poussé les constructeurs à privilégier des architectures plus lourdes, plus complexes, moins adaptées à la légèreté et à la compacité que l’on associe traditionnellement au coupé. Ajoutez à cela la raréfaction des pièces de carrosserie spécifiques, souvent fabriquées en très faibles quantités, et le coût de restauration grimpe en flèche. Un pare-chocs arrière pour une 406 Coupé peut coûter plus cher qu’un moteur d’occasion. Résultat : les amateurs hésitent, les projets s’enterrent, et les modèles disparaissent des radars.
Quel avenir pour le coupé en occasion ?
Si le neuf s’éloigne, l’occasion pourrait sembler être un refuge. Pourtant, même là, les signaux sont préoccupants. Les statistiques de NGC Data montrent que, sur l’année écoulée, seuls quelques modèles parviennent à maintenir un certain dynamisme. L’Alpine A110, avec environ 2 700 immatriculations, arrive en tête, suivie de près par la Ford Mustang. Mais ces chiffres, s’ils paraissent rassurants, sont en réalité le signe d’un marché extrêmement segmenté : les seuls coupés qui se vendent sont ceux qui incarnent une histoire, une émotion, ou une performance rare.
La BMW Série 4 et la Mazda MX-5 font encore figure de valeurs sûres, mais leurs volumes restent modestes. Quant à la Porsche 911, elle brille par sa résilience : près de 8 000 transactions enregistrées en sept mois, malgré des prix élevés. Ce n’est pas seulement une voiture, c’est un actif. « La 911, c’est comme l’or », sourit Julien Mercier, courtier en véhicules anciens à Lyon. « Elle ne perd jamais de sa valeur, même en période de crise. Mais essayez de revendre une Série 3 coupé de 2008 avec un quatre-cylindres diesel… vous passerez des mois sur les petites annonces. »
Le problème, c’est que les bases de données officielles ne distinguent pas toujours clairement les berlines des coupés. Une Série 3 coupé est souvent comptabilisée dans le volume global des Série 3, ce qui brouille la lecture du marché. Lorsqu’on isole les vrais coupés – deux portes, toit fixe, silhouette abaissée –, la hiérarchie devient limpide : seuls les modèles emblématiques ou dotés de moteurs mythiques s’en sortent. L’Audi TT, par exemple, malgré des finitions parfois jugées datées, continue de circuler, porté par son design intemporel et sa notoriété.
L’électrique et la collection : nouvelles voies pour le coupé ?
Face à ce déclin, l’industrie explore de nouvelles pistes. L’électrique, souvent présenté comme la solution universelle, pose pourtant des défis spécifiques au coupé. Le poids des batteries, leur encombrement, et la gestion thermique complexe rendent difficile la conception de véhicules compacts, agiles et équilibrés – les qualités fondamentales d’un bon coupé. Pourtant, des marques osent l’expérience.
Le MG Cyberster, dévoilé en 2023, incarne cette tentative de renouveau. Dévoilable, léger pour un électrique, doté d’une autonomie correcte, il vise une clientèle jeune, urbaine, sensible au style sans renier la technologie. « C’est peut-être le premier vrai coupé électrique accessible », analyse Thomas Reille, journaliste auto et pilote d’essai indépendant. « Il n’a pas 600 chevaux, il ne fait pas 0 à 100 en 3 secondes, mais il a du caractère. Et surtout, il coûte moins de 40 000 euros. »
De son côté, Alpine prépare une version électrique de l’A110. Le défi sera de préserver l’âme du modèle : légèreté, répartition des masses, plaisir pur. « On ne peut pas simplement greffer une batterie sur une plateforme existante », prévient Clara Vasseur, ingénieure chez Alpine. « Il faut repenser le véhicule entièrement. Le coupé électrique, ce n’est pas une copie du thermique. C’est une nouvelle philosophie. »
Parallèlement, le coupé glisse vers la collection. Les modèles des années 1990 et 2000, longtemps dédaignés, commencent à être réévalués. La Ford Puma, la Volkswagen Scirocco, l’Opel Tigra – autant de noms qui évoquent une époque où le plaisir de conduire n’était pas mesuré en kWh ou en émissions de CO₂. « Il y a cinq ans, on me proposait 3 000 euros pour ma Scirocco G60 », raconte Marc Lefort, restaurateur de voitures anciennes à Metz. « Aujourd’hui, elle en vaut le double, et les demandes affluent. Les jeunes découvrent ces voitures sur YouTube, Instagram… ils veulent autre chose que des SUV. »
Comment les passionnés s’adaptent-ils à cette mutation ?
Malgré les obstacles, la passion pour le coupé ne s’éteint pas. Elle évolue. Les acheteurs sont aujourd’hui plus exigeants, plus informés. Ils ne se contentent plus d’une voiture jolie : ils veulent une histoire, une provenance, un carnet d’entretien complet. La documentation devient un critère de valeur, parfois autant que le moteur ou la carrosserie.
Émilie Nguyen, propriétaire d’une Mazda RX-7 FD depuis dix ans, explique : « Je ne l’ai pas achetée pour la revendre. Je l’ai achetée parce qu’elle me fait vibrer. Mais je sais que si un jour je dois m’en séparer, il faudra qu’elle soit irréprochable. » Elle passe chaque hiver à la remettre en état, change les durites, nettoie le système de refroidissement, documente chaque intervention. « Ce n’est plus une voiture, c’est un patrimoine. »
Les vendeurs, eux, doivent faire preuve de patience. Un coupé ordinaire peut rester en vente pendant des mois. Les acheteurs comparent, hésitent, négocient. Mais lorsqu’un modèle touche une corde sensible – un design marquant, un moteur rare, un lien émotionnel – la transaction s’accélère. « Il y a deux mois, j’ai vendu une BMW Z3 M coupé en trois jours », raconte Samuel Berthier, vendeur privé. « Elle avait 250 000 km, mais c’était une M. Les fans savent ce que ça représente. »
A retenir
Pourquoi le coupé disparaît-il du marché du neuf ?
Le coupé s’efface du neuf en raison d’une combinaison de facteurs : fiscalité défavorable aux moteurs thermiques, coûts élevés de développement pour des volumes limités, et priorité des constructeurs aux SUV et modèles plus rentables. Seuls les marques de prestige, comme Porsche ou Audi, continuent d’investir dans cette catégorie, en la positionnant comme un produit haut de gamme ou de collection.
Le coupé en occasion a-t-il encore un avenir ?
Oui, mais de manière sélective. Les seuls modèles qui se vendent bien sont ceux dotés d’un fort capital émotionnel, d’un moteur performant ou d’un statut de jeune classique. La documentation, l’historique et l’état général sont désormais des critères déterminants. Les coupés ordinaires, sans particularité mécanique ou stylistique marquante, peinent à trouver preneur.
L’électrique peut-il sauver le coupé ?
Le coupé électrique est en devenir. Il doit surmonter des obstacles techniques liés au poids et à la répartition des masses. Toutefois, des modèles comme le MG Cyberster ou la future Alpine A110 électrique montrent qu’une voie est possible, à condition de repenser la philosophie du véhicule. L’électrique pourrait redonner vie au coupé, mais sous une forme différente de celle du passé.
Le coupé est-il devenu un objet de collection ?
Progressivement, oui. De nombreux modèles des années 1990 et 2000, longtemps sous-estimés, sont réévalués par une nouvelle génération de passionnés. La raréfaction, l’authenticité et le plaisir de conduite qu’ils offrent en font des candidats idéaux à la collection. Le coupé n’est plus une voiture de tous les jours, mais un objet de désir, entretenu avec soin et transmis comme un héritage.
Les amateurs de coupés doivent-ils renoncer ?
Non. Le plaisir qu’offre un coupé – sa ligne, son silence, sa complicité avec le conducteur – n’a pas disparu. Il s’est transformé. Il demande désormais plus de réflexion, plus de patience, parfois plus d’investissement. Mais pour ceux qui y tiennent, il reste accessible. Il suffit de savoir où chercher, comment entretenir, et avec quelle intention le conduire. Le coupé n’est plus dans l’air du temps, mais il reste dans le cœur de ceux qui l’aiment.