Sur les routes françaises, la vigilance ne s’arrête jamais, même lorsque le moteur tourne au ralenti et que le véhicule est à l’arrêt. Contrairement à une idée reçue, être immobile ne signifie pas être hors de danger légal. De nombreux conducteurs, persuadés d’être en sécurité parce qu’ils ne roulent pas, commettent pourtant des infractions passibles d’amendes lourdes et de retraits de points. Ce que l’on croit être un simple geste anodin — consulter un message, régler la navigation ou passer un appel — peut rapidement devenir une faute coûteuse, surtout si le moteur est encore en marche. À travers des situations vécues, des témoignages concrets et une analyse fine de la réglementation, cet article décrypte ce que chaque automobiliste devrait savoir pour éviter les pièges invisibles de la sécurité routière.
Quand l’immobilité ne protège pas des sanctions ?
La plupart des conducteurs pensent qu’une fois arrêtés, ils peuvent s’autoriser certaines distractions, comme répondre à un SMS ou consulter une application sur leur smartphone. Pourtant, la loi est claire : tant que le moteur est en marche, le conducteur est considéré comme en situation de conduite active. Cette distinction est cruciale, car elle signifie que toute action susceptible de détourner l’attention — même brièvement — peut être sanctionnée.
Le cas de Camille Rousseau, infirmière à Lyon, illustre parfaitement cette réalité. Un matin, pressée entre deux gardes, elle s’est arrêtée sur une aire de covoiturage pour consulter un message de son supérieur. Le moteur tournait, les phares étaient allumés, mais le véhicule était immobile. Un gendarme a observé la scène, verbalisé l’infraction pour « utilisation d’un téléphone tenu en main » et infligé une amende de 135 euros ainsi que le retrait de trois points. « J’étais choquée, raconte-t-elle. Je pensais que puisque je ne roulais pas, je ne faisais rien de mal. On ne nous apprend pas ça à l’auto-école. »
En France, l’article R412-6 du Code de la route interdit formellement l’utilisation d’un téléphone tenu en main au volant. Cette règle s’applique à tout moment où le conducteur est en position de conduite, quelle que soit la vitesse du véhicule — y compris à l’arrêt, au feu rouge, dans les bouchons ou en stationnement momentané. La logique est simple : un conducteur distrait peut réagir trop lentement en cas d’urgence, mettant en danger les autres usagers.
Le moteur en marche, c’est la conduite en cours
La jurisprudence française et les directives des forces de l’ordre s’appuient sur un principe fondamental : un véhicule dont le moteur fonctionne est techniquement en état de circulation. Même si la voiture est à l’arrêt, le conducteur est censé être prêt à reprendre la route à tout instant. C’est ce que rappelle Frédéric Lenoir, formateur à la sécurité routière à Bordeaux : « Le fait que le moteur tourne signifie que le conducteur est aux commandes. Il a un devoir de vigilance permanent. Ce n’est pas une question de mouvement, mais de responsabilité. »
Les infractions courantes dans ce cadre incluent non seulement l’usage du téléphone, mais aussi la manipulation d’un GPS non fixé, la consultation d’un écran multimédia, ou encore le fait de manger tout en conduisant. Toutes ces actions, même réalisées à l’arrêt, peuvent être perçues comme des manquements à l’attention requise. Et les contrôles se multiplient : caméras automatiques, patrouilles mobiles, gendarmes en civil — les risques de se faire prendre sont réels.
Un autre exemple frappant est celui de Thomas Berthier, livreur à Toulouse. Il avait l’habitude de rester en stationnement avec le moteur allumé entre deux livraisons, pour garder le chauffage en marche et recharger sa tablette. Un jour, il a pris un appel pour confirmer une livraison. Il a été flashé par une caméra tronçon, spécialisée dans la détection de l’usage du téléphone au volant. Malgré ses arguments, l’amende a été validée. « J’ai appris à éteindre le moteur systématiquement, même pour deux minutes », confie-t-il aujourd’hui.
Quand peut-on légalement utiliser son téléphone ?
Il existe toutefois des situations où l’utilisation du téléphone est autorisée, à condition que le véhicule soit véritablement hors d’usage pour la circulation. La règle principale est simple : si le moteur est éteint et que le conducteur a quitté la position de conduite (par exemple, en sortant du véhicule ou en se déplaçant sur le siège passager), l’interdiction ne s’applique plus.
C’est le cas dans un parking privé ou public, à condition que le stationnement soit autorisé. Si le conducteur s’arrête, éteint le moteur, et utilise son téléphone pour envoyer un message ou consulter une carte, il ne commet aucune infraction. C’est cette nuance qu’a exploitée intelligemment Léa Chambon, entrepreneuse à Grenoble. « Dès que je dois répondre à un mail ou appeler un client, je m’assure que le moteur est éteint. Je le fais même dans les zones de livraison, où je reste deux minutes. C’est devenu un réflexe. »
Et en cas de panne ou d’urgence ?
Oui, la loi prévoit des exceptions. En cas de panne, d’accident ou de situation d’urgence, le conducteur peut utiliser son téléphone, même avec le moteur en marche. Il s’agit alors d’une nécessité justifiée par la sécurité. Par exemple, appeler les secours, un dépanneur ou la police est autorisé. Toutefois, il est recommandé de signaler clairement la situation : allumer les feux de détresse, se garer sur le bas-côté, et, si possible, informer les forces de l’ordre de la nature de l’urgence.
C’est ce qu’a fait Antoine Mercier, chauffeur de poids lourd sur l’A6. En pleine nuit, son camion a perdu de la pression d’huile. Il s’est arrêté sur l’aire de sécurité, a allumé ses feux de détresse, et a appelé son entreprise tout en consultant une application de géolocalisation pour indiquer sa position exacte. Un gendarme est passé peu après, mais après vérification, aucune infraction n’a été constatée. « Ils ont compris que c’était une urgence. Mais ils m’ont quand même rappelé que je devais rester prudent », précise-t-il.
Comment éviter les pièges de la distraction au volant ?
La prévention passe avant tout par la prise de conscience. De nombreux conducteurs commettent ces infractions sans mauvaise foi, simplement par habitude ou manque d’information. Pourtant, les solutions sont à portée de main.
Éteindre le moteur, un réflexe à adopter
Le geste le plus simple pour éviter tout risque est d’éteindre le moteur dès que l’on prévoit une pause, même courte. Ce réflexe, anodin, élimine toute ambiguïté. Il suffit de quelques secondes pour couper le contact, utiliser son téléphone, puis redémarrer. Ce geste a été adopté par Sophie Nardi, enseignante à Nantes, qui fait souvent des trajets courts entre les écoles : « J’ai mis un autocollant sur mon tableau de bord : “Moteur éteint = téléphone autorisé”. Ça me rappelle à l’ordre chaque fois. »
Opter pour des aides technologiques
Les véhicules modernes offrent des solutions pour limiter les distractions. Les systèmes de commande vocale, les écrans intégrés ou les supports mains libres permettent de rester connecté sans compromettre la sécurité. Cependant, même ces outils doivent être utilisés avec parcimonie. Un système de navigation activé par commande vocale est autorisé, mais une conversation trop longue ou complexe peut tout de même être considérée comme une distraction.
En outre, certaines applications, comme celles de mode « conduite », peuvent désactiver automatiquement les notifications entrantes lorsque le téléphone détecte un mouvement. Ce type d’outil, bien qu’imparfait, aide à instaurer de bonnes pratiques. « J’ai configuré mon téléphone pour qu’il bascule en mode “Ne pas déranger” dès que je démarre la voiture », explique Malik Zidane, consultant en mobilité à Marseille.
Se former régulièrement
La sécurité routière n’est pas figée. Le Code de la route évolue, notamment avec l’arrivée de nouvelles technologies (véhicules connectés, conduite assistée, etc.). Participer à des stages de sensibilisation, des formations de remise à niveau ou des ateliers de prévention peut aider à rester informé. Ces formations sont parfois proposées par les assurances ou les employeurs, notamment pour les professionnels de la route.
Le cas de Nadia El Kassimi, conductrice de bus à Lille, est exemplaire. Son employeur impose une formation annuelle sur la sécurité routière, incluant des modules sur les distractions au volant. « On fait des mises en situation, des vidéos de flashs réels. C’est impressionnant. On réalise à quel point on peut être vulnérable, même à l’arrêt. »
Quelles sont les sanctions réelles ?
Les infractions liées à l’utilisation du téléphone au volant sont sévèrement punies. L’amende forfaitaire est de 135 euros, pouvant monter jusqu’à 750 euros en cas de non-paiement. Le retrait de trois points sur le permis est automatique. Pour un jeune conducteur en période probatoire, cela peut entraer la perte de son permis en quelques semaines.
En outre, en cas d’accident causé par une distraction, la responsabilité du conducteur peut être pleinement engagée, avec des conséquences civiles et pénales. L’assurance peut également refuser de couvrir les dommages, estimant que le conducteur n’était pas en situation de conduite normale.
A retenir
Peut-on utiliser son téléphone au volant si la voiture est à l’arrêt ?
Non, tant que le moteur est en marche. Être à l’arrêt ne dispense pas de respecter les règles de conduite. Le conducteur doit rester vigilant et ne pas utiliser de dispositif tenu en main.
Quand est-ce que l’utilisation du téléphone est autorisée ?
Lorsque le moteur est complètement éteint et que le conducteur n’est plus en position de conduite. Cela inclut les stationnements légaux, les parkings, ou les arrêts prolongés.
Y a-t-il des exceptions en cas d’urgence ?
Oui. En cas de panne, d’accident ou de besoin d’appeler les secours, l’utilisation du téléphone est autorisée, même avec le moteur en marche. Il est toutefois recommandé de signaler clairement la situation (feux de détresse, position sur le bas-côté).
Les commandes vocales sont-elles autorisées ?
Oui, à condition qu’elles ne nécessitent pas de manipulation manuelle prolongée. Les systèmes mains libres sont autorisés, mais doivent être utilisés avec parcimonie pour éviter toute distraction.
Un conducteur peut-il perdre son permis pour une seule infraction ?
Non, une seule infraction ne conduit pas à la perte du permis, mais elle peut entraîner un retrait de trois points. Pour un conducteur en période probatoire (permis probatoire de trois ans), plusieurs infractions rapprochées peuvent conduire à la suspension du permis.
Conclusion
La sécurité routière ne se limite pas à la conduite en mouvement. Elle s’étend à chaque instant où un conducteur est aux commandes d’un véhicule en état de fonctionnement. L’arrêt n’est pas une exemption, mais une phase de vigilance. Comprendre cette nuance, l’intégrer à ses habitudes, et l’enseigner aux nouveaux conducteurs, c’est contribuer à une culture de la responsabilité sur la route. Chaque geste compte, chaque seconde compte. Et parfois, la meilleure décision est la plus simple : éteindre le moteur, respirer, puis agir — en toute légalité.