Faux livreurs : l’arnaque qui cible les seniors en 2025 — ce qu’il faut savoir pour se protéger

Alors que les livraisons à domicile sont devenues une habitude quotidienne, une nouvelle forme d’escroquerie s’insinue sournoisement dans les foyers des seniors : celle des faux livreurs. Ce phénomène, en recrudescence ces derniers mois, exploite la politesse, la solitude et parfois la fragilité cognitive des personnes âgées. Derrière un sourire engageant et une tenue qui imite à s’y méprendre celle des coursiers habituels, des individus mal intentionnés parviennent à pénétrer chez leurs victimes, volant biens, argent et parfois même une part de leur sérénité. Ce fléau, silencieux mais redoutable, soulève des questions cruciales sur la sécurité des aînés, la responsabilité des entreprises de livraison, et les moyens de prévention à mettre en œuvre collectivement.

Comment les faux livreurs parviennent-ils à tromper les seniors ?

Une approche apparemment anodine

Le scénario se répète souvent selon le même schéma. Un individu se présente à la porte d’un senior, muni d’un colis ou d’un sac en papier, parfois portant un gilet fluo ou un badge improvisé. Il invoque une erreur de livraison : « Ce paquet est pour votre voisin, mais l’adresse n’est pas claire », ou pire, « C’est pour vous, mais je dois vérifier votre identité avant de vous le remettre ». Ce type de discours, appuyé par un ton calme et professionnel, crée une situation de légitimité. La victime, souvent habituée à recevoir des colis ou à aider ses voisins, n’imagine pas un instant qu’elle est en train d’être manipulée.

Le piège psychologique

Les escrocs exploitent des mécanismes psychologiques bien connus : la politesse, la peur de paraître impolie, et la confiance accordée aux uniformes. « On a tous été éduqués à faire confiance à ceux qui portent un badge ou une tenue de travail », explique le professeur Laurent Vidal, psychologue spécialisé dans les comportements des seniors face aux arnaques. « Quand on a 75 ans et qu’on vit seul, on est aussi plus enclin à engager la conversation avec quelqu’un qui frappe à la porte. C’est humain. »

Quelles sont les conséquences pour les victimes ?

Une perte financière, mais surtout un traumatisme

Les montants volés varient, mais ils peuvent atteindre plusieurs milliers d’euros, surtout lorsque des bijoux de famille ou des espèces sont dérobés. Pour Élodie Renard, 81 ans, habitante de Bordeaux, le choc a été double. « C’était un petit colis, comme ceux qu’on reçoit pour des commandes en ligne. Il m’a dit qu’il devait le peser à l’intérieur car sa balance ne fonctionnait plus. Je l’ai laissé entrer deux minutes. Quand je suis allée chercher du thé pour lui proposer, il était parti. Mon sac à main, mon alliance, tout avait disparu. »

Plus que le vol, c’est l’effondrement de la confiance qui marque durablement les victimes. « Je n’ouvre plus ma porte à personne, même si c’est la factrice. J’ai l’impression d’avoir été naïve, mais en même temps, qui aurait pu penser à ça ? » ajoute-t-elle, la voix tremblante.

Un impact sur les proches

Les familles, souvent en première ligne pour soutenir les victimes, vivent ce type d’escroquerie comme une intrusion violente dans l’intimité du foyer. Pour Thomas, fils d’Élodie, la culpabilité est omniprésente. « Je me dis que j’aurais dû insister pour qu’elle installe une caméra, ou qu’elle ne laisse entrer personne. Mais on ne peut pas vivre dans la paranoïa non plus. »

Le sentiment d’impuissance est fréquent. Les proches redoublent de vigilance, mais cela peut paradoxalement renforcer l’isolement des seniors, qui se sentent surveillés ou infantilisés.

Que font les autorités face à cette vague d’escroqueries ?

Des patrouilles ciblées et des campagnes de sensibilisation

Les forces de l’ordre ont mis en place des dispositifs spécifiques dans les zones les plus touchées. À Lyon, Toulouse ou encore Nantes, des brigades de quartier multiplient les visites de proximité auprès des seniors. « On ne peut pas être partout, mais on essaie de créer un lien de confiance », explique le commandant Julien Ferrand, en poste à Lyon. « Quand un senior nous appelle après avoir vu un comportement suspect, on intervient rapidement. Parfois, on arrive à interpeller les individus en flagrant délit. »

Des campagnes d’information sont diffusées via les mairies, les centres sociaux et les médias locaux. Des affiches, des tracts et des vidéos courtes rappellent les bons réflexes : ne pas ouvrir sans vérification, ne pas laisser entrer un inconnu, et appeler un proche ou les forces de l’ordre en cas de doute.

Des limites dans la traque des coupables

Pour autant, les arrestations restent rares. Les escrocs opèrent souvent en itinérance, changeant de ville et d’apparence. « Ils utilisent des vélos ou des scooters volés, des fausses tenues achetées en ligne, et disparaissent après quelques jours », précise le commandant Ferrand. « On a affaire à des réseaux organisés, pas à des opportunistes isolés. »

La difficulté d’identification est aggravée par le fait que peu de victimes parviennent à donner une description précise. « Ils parlent vite, ne restent que deux minutes, et on n’a pas le temps de bien les regarder », confie Élodie Renard. « Je me souviens juste qu’il portait des baskets blanches. »

Comment les seniors peuvent-ils se protéger efficacement ?

Les gestes simples mais essentiels

Les experts en sécurité insistent sur des mesures basiques mais souvent négligées. « Le judas, ce n’est pas un gadget. C’est une première barrière », affirme Camille Lefebvre, formatrice en prévention des fraudes. « Et si vous n’avez pas de judas, faites installer une petite caméra connectée. Cela coûte moins de 50 euros et peut tout changer. »

Il est également conseillé de ne jamais ouvrir la porte sans avoir demandé une pièce d’identité officielle, avec photo et logo de l’entreprise. « Les vrais livreurs n’ont aucun problème à la montrer. Ceux qui refusent ou qui donnent des excuses vaseuses, c’est un signal d’alerte. »

Le rôle des voisins et du réseau social

Un autre levier de protection : le tissu social. Dans certains quartiers, des initiatives citoyennes ont vu le jour. À Montpellier, un groupe de voisins a mis en place un système d’alerte : si un senior reçoit un livreur suspect, il envoie un message dans un groupe WhatsApp du quartier. En quelques minutes, plusieurs personnes peuvent intervenir ou appeler la police.

« On ne peut pas laisser nos aînés seuls face à ça », affirme Léa Ménard, 68 ans, retraitée et bénévole dans une association de quartier. « Quand on sait qu’un colis est attendu, on peut même aller ouvrir à la place de la personne âgée, ou l’appeler pour vérifier. »

Quelles innovations pourraient renforcer la sécurité ?

La technologie au service de la prévention

Des solutions numériques émergent pour répondre à ce type d’arnaques. Certaines applications mobiles permettent de vérifier en temps réel l’identité d’un livreur en scannant un code envoyé par l’entreprise. D’autres systèmes, basés sur la reconnaissance faciale ou la géolocalisation, sont testés dans des villes pilotes.

« L’idée n’est pas de transformer chaque domicile en forteresse, mais de créer des points de vérification fiables », explique Romain Dubois, ingénieur en cybersécurité. « Imaginez une application où, quand un livreur arrive, il active un signal GPS qui s’affiche sur le téléphone du destinataire. Si le nom, la photo et la localisation correspondent, c’est bon. Sinon, alerte. »

La responsabilité des entreprises de livraison

Les grandes plateformes de livraison sont également appelées à jouer un rôle. « Pourquoi ne pas imposer des badges électroniques, avec un QR code unique et une photo à jour ? », s’interroge Camille Lefebvre. « Et pourquoi ne pas former les livreurs à signaler les comportements suspects, comme un collègue qui ne porte pas son badge ou qui refuse de passer par le système de vérification ? »

Quelques entreprises ont commencé à réagir. Une société de livraison express a récemment mis en place un système de badge lumineux, qui s’allume uniquement lorsqu’un livreur est en mission. D’autres expérimentent des tenues équipées de puces RFID, lisibles à distance par les clients via une application.

Comment construire une société plus protectrice des seniors ?

Une vigilance collective

La lutte contre les faux livreurs ne peut pas reposer uniquement sur les individus. Elle exige une mobilisation plus large : des municipalités, des entreprises, des voisins, des familles. « Protéger les seniors, ce n’est pas les enfermer, c’est leur permettre de vivre en sécurité », affirme le professeur Vidal. « Et cela passe par une culture de la vigilance partagée, pas de la peur. »

Des ateliers de prévention sont désormais organisés dans les maisons de retraite, les centres sociaux et même dans les clubs de loisirs. Des anciens policiers ou des victimes elles-mêmes viennent témoigner, montrant des vidéos de simulations, expliquant les techniques d’approche des escrocs.

Un appel à la solidarité

À Grenoble, une initiative originale a été lancée : le « Pass Livreur », une carte plastifiée que les seniors peuvent demander à leurs proches de leur envoyer s’ils doivent recevoir un colis. Cette carte, visible derrière la vitre, indique : « Je n’ouvre qu’aux livreurs munis d’un badge officiel. Merci de respecter ma sécurité. »

« Ce petit geste change tout », confie Nadia, 76 ans, bénéficiaire du dispositif. « Les livreurs comprennent, et les escrocs, eux, passent leur chemin. »

A retenir

Qu’est-ce qu’un faux livreur ?

Un faux livreur est une personne qui se fait passer pour un employé d’une entreprise de livraison afin d’entrer dans le domicile d’un senior, généralement pour voler des objets de valeur ou extorquer de l’argent. Il utilise souvent un colis fictif ou une erreur de livraison comme prétexte.

Pourquoi les seniors sont-ils particulièrement visés ?

Les seniors sont souvent plus vulnérables en raison de leur isolement, de leur politesse naturelle, ou parfois de difficultés à reconnaître les signes de manipulation. Ils sont aussi plus susceptibles de garder des objets de valeur à domicile, comme des bijoux ou des espèces.

Que faire si l’on est victime d’un faux livreur ?

Il est essentiel de contacter immédiatement les forces de l’ordre, même si l’individu a disparu. Porter plainte permet de constituer un dossier et d’alerter les autorités sur une éventuelle série d’arnaques dans le quartier. Il est également recommandé d’en parler à sa famille ou à un voisin de confiance.

Comment vérifier l’identité d’un livreur ?

Exigez de voir une pièce d’identité professionnelle avec photo, logo de l’entreprise et numéro de mission. Utilisez le judas ou une caméra de porte. Si possible, contactez l’entreprise de livraison via le numéro officiel pour confirmer la livraison. Ne laissez jamais entrer un inconnu sans vérification.

Les entreprises de livraison peuvent-elles être tenues responsables ?

En l’état actuel, il est difficile de tenir les entreprises responsables si l’escroc n’est pas un employé réel. Cependant, une pression citoyenne croissante pousse certaines plateformes à renforcer leurs protocoles de sécurité, notamment en matière d’identification des livreurs.

Quel rôle peuvent jouer les voisins ?

Les voisins sont des alliés précieux. En se tenant informés des livraisons attendues, en établissant des systèmes d’alerte ou simplement en étant attentifs aux allées et venues suspectes, ils peuvent contribuer à prévenir les arnaques avant qu’elles ne se produisent.