Le marché du shopping en ligne, dominé depuis plusieurs années par des acteurs comme Shein et Temu, semble sur le point de connaître une nouvelle perturbation. Alors que ces géants de la fast fashion ont réussi à capter l’attention des consommateurs avec des prix ultra-compétitifs et une logistique redoutable, une nouvelle plateforme fait son entrée en scène : Tangbuy. Ce site, encore peu connu en Europe, affiche des ambitions démesurées en promettant des tarifs encore plus bas, en s’appuyant sur une connexion directe avec les usines chinoises. Mais derrière cette promesse alléchante se cache-t-elle une réelle opportunité, ou une illusion qui pourrait coûter cher aux acheteurs ? Une plongée dans l’expérience vécue par plusieurs utilisateurs permet d’y voir plus clair.
Qu’est-ce que Tangbuy et comment fonctionne-t-il ?
Tangbuy se présente comme une marketplace internationale qui met en relation les consommateurs et les fabricants chinois, sans passer par des intermédiaires traditionnels. Contrairement à Shein ou Temu, qui ont des chaînes logistiques centralisées et des entrepôts en Europe, Tangbuy opère directement à la source. Chaque produit est commandé depuis une usine spécifique, ce qui, en théorie, permet de réduire les coûts d’approvisionnement. Le modèle repose sur l’idée que moins il y a d’étapes entre le fabricant et l’acheteur, plus le prix final est bas.
Camille Rives, enseignante de 34 ans habitant à Lyon, a découvert Tangbuy par hasard en cherchant une alternative à Shein pour acheter des vêtements d’été. « J’étais étonnée par les prix sur la page d’accueil. Une robe à 6,99 euros, des sandales à 4,50 euros… C’était trop beau pour être vrai, mais j’ai voulu tenter le coup », raconte-t-elle. Elle a commandé trois articles : une robe, un sac à main et un lot de chaussettes. Le montant affiché au panier s’élevait à 18 euros. Pourtant, à la validation de la commande, le total a bondi à 37 euros. « Je n’avais pas vu les frais de stockage, de manutention et de transport séparés. C’était flou, presque caché. »
Pourquoi Tangbuy affiche-t-il des prix si bas ?
Les prix de départ sur Tangbuy sont effectivement inférieurs à ceux de ses concurrents, parfois jusqu’à 30 % de moins. Cette stratégie marketing vise à attirer les consommateurs sensibles au coût initial. Cependant, ces chiffres ne reflètent pas la réalité du coût total. La plateforme décompose les frais de manière très fine : frais de transaction, frais d’entreposage, frais de préparation, puis frais de livraison selon le transporteur choisi.
Un exemple frappant a été observé par Thomas Lenoir, un étudiant en économie à Lille. Il a commandé un chargeur USB à 2,99 euros. Le site proposait trois options de livraison : standard (15 jours, 8 euros), express (7 jours, 22 euros), et premium (3 jours, 35 euros via DHL). « J’ai choisi l’express, pensant que c’était raisonnable. Mais j’ai reçu un mail deux jours plus tard m’informant que mon colis pesait 250 grammes et que les frais réels seraient de 30 euros. Le produit coûtait moins cher que l’envoi ! »
Ce système, bien que légal, peut induire en erreur. Les prix affichés en gros caractères attirent l’œil, mais les détails des frais additionnels sont souvent en petits caractères ou disséminés dans plusieurs étapes du processus d’achat. Pour les consommateurs non avertis, cela peut mener à des mauvaises surprises.
Un autre point noir soulevé par les utilisateurs est l’absence totale d’une version française du site. Toutes les interfaces, descriptions, conditions générales et supports de contact sont en anglais, voire parfois en chinois. Pour des personnes peu à l’aise avec la langue anglaise, cela devient un obstacle majeur.
Éléonore Vasseur, une retraitée de 68 ans vivant à Bordeaux, a tenté de commander une écharpe pour sa petite-fille. « J’ai passé plus d’une heure à essayer de comprendre comment passer commande. Les boutons n’étaient pas clairs, les traductions automatiques faisaient n’importe quoi. J’ai fini par abandonner. »
En outre, les algorithmes de recherche du site sont peu performants. Une requête comme « robe d’été taille M » peut renvoyer des résultats totalement hors sujet : des outils de bricolage, des pièces détachées pour téléphones, ou des articles en rupture de stock. Cette imprécision nuit gravement à l’expérience utilisateur et décourage les acheteurs réguliers.
Les frais cachés : une stratégie ou une faille du modèle ?
La question des frais additionnels est centrale dans l’évaluation de Tangbuy. Contrairement à Shein, qui intègre souvent les frais de livraison dans le prix ou les propose à tarif réduit à partir d’un certain montant, Tangbuy les applique de manière stricte et non négociable. En plus des frais de transport, la plateforme propose des options payantes d’emballage : papier bulle (3 euros), boîte renforcée (5 euros), assurance colis (variable).
Marine Delage, influenceuse mode indépendante basée à Marseille, a testé Tangbuy sans partenariat ni rémunération. « J’ai voulu être transparente. J’ai commandé des bijoux fantaisie, des accessoires de bureau et un tapis de souris. Le total initial était de 21 euros. À la fin, j’ai payé 54 euros. Dont 33 euros de frais. » Elle a filmé toute l’expérience pour ses abonnés. « Ce qui m’a le plus choqué, c’est qu’il n’y a aucun récapitulatif clair avant le paiement. Tu cliques, tu confirmes, et tu vois les frais s’ajouter après. C’est frustrant. »
Pour certains, comme Lucas Berthier, développeur web à Toulouse, ce modèle n’est pas forcément malhonnête, mais il manque de transparence. « Ce n’est pas illégal, mais c’est trompeur. Si Tangbuy affichait dès le départ le prix TTC estimé, avec un simulateur de frais, ce serait plus honnête. Là, on a l’impression de se faire avoir. »
Les délais de livraison : un atout ou un inconvénient ?
Les délais de livraison sur Tangbuy varient énormément. Selon les témoignages recueillis, certains utilisateurs ont reçu leurs colis en 12 jours, d’autres en plus de 45 jours. L’absence de suivi en temps réel, ou de notifications claires, ajoute à l’anxiété.
Camille Rives, dont les vêtements ont mis 38 jours à arriver, raconte : « Pendant trois semaines, aucun mouvement. Puis, soudain, le colis a été expédié. Mais aucune alerte, aucun mail. J’ai dû vérifier manuellement le numéro de suivi. »
En comparaison, Shein et Temu proposent des suivis précis, avec des estimations de livraison régulièrement mises à jour. Tangbuy, en revanche, semble encore en phase de développement sur ce plan. Le manque d’infrastructure logistique dédiée en Europe explique en partie ces retards.
La qualité des produits est-elle au rendez-vous ?
Une fois les colis reçus, la question de la qualité se pose. Certains utilisateurs, comme Thomas Lenoir, ont été surpris positivement. « Le chargeur fonctionne parfaitement. Il est identique à ceux que je vois en boutique à 15 euros. »
En revanche, Éléonore Vasseur, qui a finalement réussi à passer commande après plusieurs tentatives, a reçu une écharpe en tissu rêche et mal cousue. « Les photos montraient un produit soyeux, élégant. Ce que j’ai reçu ressemble à un torchon. »
Marine Delage, après avoir reçu ses bijoux, a noté une grande disparité : certains articles étaient corrects, d’autres se sont oxydés au bout de deux jours. « Il n’y a pas de contrôle qualité apparent. Chaque fabricant fait ce qu’il veut. Tu prends un risque à chaque commande. »
Tangbuy peut-il vraiment concurrencer Shein et Temu ?
Pour l’instant, Tangbuy reste en retrait par rapport à ses concurrents. Son avantage principal – les prix de base – est systématiquement annulé par des frais élevés et une expérience utilisateur défaillante. En revanche, le potentiel est réel. Si la plateforme investissait dans une interface multilingue, améliorait ses algorithmes de recherche, et intégrait les frais dans le prix affiché, elle pourrait gagner en crédibilité.
Lucas Berthier estime que « Tangbuy joue sur la curiosité des consommateurs. C’est un modèle d’acquisition basé sur l’impulsion. Mais pour fidéliser, il faudra plus : de la transparence, du service, de la confiance. »
Le marché de la vente en ligne est impitoyable. Shein et Temu ont des budgets marketing colossaux, des partenariats avec des influenceurs, et des systèmes logistiques rodés. Tangbuy, en tant que nouveau venu, doit non seulement offrir un meilleur prix, mais aussi une meilleure expérience. Or, aujourd’hui, il ne remplit qu’une partie de cet objectif.
Quels conseils donner aux consommateurs intéressés par Tangbuy ?
Avant de se lancer sur Tangbuy, il est crucial de tout vérifier. D’abord, utiliser un traducteur de navigateur pour comprendre les descriptions et les conditions. Ensuite, simuler le coût total avant de commander : ajouter les frais de stockage, de manutention, et de livraison selon le poids estimé. Enfin, ne pas commander d’articles urgents, car les délais sont imprévisibles.
Camille Rives, malgré sa mauvaise expérience, reste nuancée : « Je ne dirais pas que c’est une arnaque. Mais c’est un site où il faut être très vigilant. Si tu as du temps, de la patience, et que tu commandes plusieurs articles en même temps pour amortir les frais, ça peut valoir le coup. Pour une commande unique, c’est risqué. »
A retenir
Tangbuy est-il moins cher que Shein ou Temu ?
Pas nécessairement. Bien que les prix initiaux soient plus bas, les frais additionnels peuvent rapidement rendre le coût total supérieur à celui de ses concurrents. Il est essentiel de calculer le prix TTC avant de valider la commande.
Faut-il craindre une arnaque avec Tangbuy ?
Le site n’est pas une arnaque, mais il manque de transparence. Les produits sont bien expédiés, mais les frais et les délais peuvent surprendre. L’absence de support en français rend la résolution des problèmes plus difficile.
Peut-on commander sur Tangbuy sans parler anglais ?
Techniquement oui, mais c’est fortement déconseillé. L’interface n’est pas traduite, les descriptions sont en anglais ou en chinois, et le service client ne répond qu’en anglais. Un bon niveau en anglais est presque indispensable pour éviter les erreurs.
Les produits sont-ils de qualité ?
La qualité est très variable. Certains articles sont corrects pour le prix, d’autres sont décevants voire inutilisables. Il n’existe pas de garantie ni de contrôle qualité centralisé, ce qui implique un risque à chaque achat.
Quand Tangbuy pourrait-il devenir une vraie alternative ?
Le site devra d’abord améliorer son interface, proposer une version française, intégrer les frais dans le prix affiché, et renforcer sa logistique. Si ces étapes sont franchies, Tangbuy pourrait devenir un acteur sérieux du marché. Pour l’instant, il reste une option marginale, réservée aux consommateurs avertis et patients.
Conclusion
Tangbuy incarne une tendance croissante : la vente directe depuis les usines chinoises, sans intermédiaires. Ce modèle promet des économies, mais il repose sur une transparence que la plateforme n’a pas encore atteinte. Les témoignages d’utilisateurs montrent un fossé entre l’attrait des prix affichés et la réalité des coûts réels. Pour devenir un véritable challenger de Shein ou Temu, Tangbuy devra repenser son approche client, investir dans la clarté et la fiabilité, et surtout, apprendre à gagner la confiance des consommateurs européens. En l’état, il reste une expérimentation risquée, plutôt qu’une alternative solide.