Le poisson, bon pour la santé, mais attention au mercure en 2025

Depuis des générations, le poisson est célébré pour ses vertus nutritionnelles. Riche en protéines de haute qualité, en acides gras oméga-3 et en vitamines essentielles comme la D et le sélénium, il figure en bonne place dans les recommandations des nutritionnistes pour une alimentation équilibrée. Pourtant, derrière cet aliment santé se cache un risque insidieux : la contamination au mercure. Ce métal lourd, invisible et indétectable au goût, s’accumule dans certaines espèces marines et peut avoir des conséquences graves sur la santé, en particulier chez les plus vulnérables. Alors que les bienfaits du poisson restent indéniables, il devient crucial de savoir distinguer les espèces à privilégier de celles à consommer avec modération, voire à éviter.

Qu’est-ce que le mercure et pourquoi est-il dangereux dans le poisson ?

Le mercure est un élément naturellement présent dans l’environnement, mais ses concentrations ont été largement amplifiées par les activités humaines : industrie minière, combustion de charbon, déchets industriels. Une fois libéré dans l’atmosphère, il retombe dans les océans, où il se transforme en méthylmercure, une forme particulièrement toxique. Ce composé s’accumule dans la chaîne alimentaire marine : les petits organismes le absorbent, sont mangés par de petits poissons, qui à leur tour deviennent la proie de prédateurs plus gros. Ce phénomène, appelé bioamplification, explique pourquoi les grands poissons carnivores peuvent contenir des niveaux alarmants de mercure.

Une fois ingéré par l’humain, le méthylmercure traverse facilement la barrière hémato-encéphalique et affecte directement le système nerveux. Les effets sont particulièrement préoccupants chez les fœtus et les jeunes enfants, dont le cerveau est en pleine formation. Des études ont montré que l’exposition prénatale au mercure peut entraîner des retards cognitifs, des troubles de l’attention ou des difficultés motrices. Pour les adultes, une exposition chronique peut conduire à des symptômes neurologiques, des troubles de la mémoire ou des problèmes cardiaques.

Quels poissons sont les plus contaminés par le mercure ?

Les grands prédateurs marins figurent en tête des espèces les plus exposées. L’espadon, par exemple, est régulièrement pointé du doigt pour ses teneurs extrêmement élevées en mercure. Ce poisson, apprécié pour sa chair ferme et sa saveur prononcée, peut vivre jusqu’à 20 ans et occuper le sommet de la chaîne alimentaire, ce qui lui permet d’accumuler des quantités considérables de contaminants au fil du temps. Le thon rouge, souvent servi dans les sushis de luxe ou en carpaccio, est également fortement contaminé. Sa taille imposante, sa longue espérance de vie et son régime carnassier en font un réservoir de mercure.

Les requins, bien que moins consommés en Europe, font partie des espèces à risque maximal. En Asie, notamment, le cartilage de requin est parfois utilisé en complément alimentaire, sans que les consommateurs soient toujours informés des dangers. Même certaines espèces de thon plus courantes, comme le thon germon (ou albacore), peuvent contenir des niveaux préoccupants, surtout lorsqu’ils sont pêchés dans des zones fortement polluées.

Élodie Fresson, biologiste marine spécialisée en toxicologie alimentaire, explique : « Le problème, c’est que ces poissons sont souvent perçus comme des aliments premium. On les associe à la qualité, à la finesse. Mais leur place dans l’écosystème les rend intrinsèquement plus dangereux en termes de contamination. Il faut changer notre regard sur eux : ce ne sont pas des aliments à consommer régulièrement, surtout pour les femmes enceintes ou les enfants. »

Qui sont les populations les plus exposées aux risques ?

Pourquoi les femmes enceintes doivent-elles être particulièrement vigilantes ?

Le fœtus est extrêmement sensible au mercure, qui traverse le placenta et peut perturber le développement du système nerveux central. Les recommandations internationales, notamment celles de l’OMS et de l’EFSA (Autorité européenne de sécurité des aliments), sont claires : les femmes enceintes doivent éviter les poissons à haut risque de contamination. Malgré cela, certaines continuent d’en consommer, par ignorance ou par habitude culinaire.

Camille, 32 ans, enceinte de son deuxième enfant, raconte : « J’adorais le tartare de thon rouge avant ma grossesse. Quand j’ai appris qu’il était déconseillé, j’ai été choquée. Mais mon médecin m’a montré des études sur les effets du mercure sur le cerveau des bébés. Depuis, je me tourne vers des alternatives comme le saumon ou les sardines. »

Les jeunes enfants : un cerveau en développement à protéger

Les enfants de moins de 10 ans ont un système nerveux encore en pleine maturation. Leur métabolisme élimine moins efficacement les toxines, et leur consommation par rapport à leur poids corporel est plus élevée. Or, dans certaines familles, le poisson est servi quotidiennement, parfois sous forme de nuggets ou de hamburgers à base de thon. Cela peut conduire à une exposition répétée, même si chaque portion semble anodine.

Le Dr Antoine Lemaire, pédiatre à Lyon, alerte : « J’ai vu des enfants présentant des retards légers en motricité fine ou en langage, dont les analyses urinaires révélaient une surcharge en mercure. Après avoir modifié leur alimentation, certains signes se sont atténués. Ce n’est pas dramatique à chaque fois, mais c’est évitable. »

Quels poissons sont sûrs à consommer régulièrement ?

Les alternatives saines et savoureuses

Heureusement, de nombreuses espèces de poisson offrent une excellente qualité nutritionnelle tout en présentant des niveaux de mercure très faibles. Le saumon, notamment d’élevage contrôlé ou sauvage d’Alaska, est une source exceptionnelle d’oméga-3 sans risque majeur. La sole, la dorade, le bar d’élevage ou encore le cabillaud sont des choix judicieux, faciles à cuisiner et adaptés à toute la famille.

Les petits poissons gras, comme les sardines, les anchois ou les maquereaux, sont particulièrement recommandés. Non seulement ils contiennent peu de mercure, mais ils sont aussi riches en oméga-3, en calcium (quand on mange les arêtes) et en vitamine D. De plus, leur pêche est souvent plus durable, car ils se reproduisent rapidement.

Lucas, chef cuisinier dans un restaurant bio à Bordeaux, témoigne : « J’ai retiré le thon rouge de ma carte il y a deux ans. Aujourd’hui, je travaille beaucoup avec les sardines fraîches, le maquereau ou la truite. Mes clients apprécient autant, voire plus. Et je sais que je ne mets personne en danger. »

Et les poissons d’élevage ? Sont-ils plus sûrs ?

Les poissons d’élevage peuvent présenter des avantages en termes de contrôle des contaminants, car leur alimentation et leur environnement sont régulés. Cependant, tout dépend des pratiques d’élevage. Un saumon élevé dans des conditions insalubres ou nourri avec des farines contaminées peut présenter des risques. Il est donc essentiel de privilégier les labels de qualité (bio, MSC, ASC) et de s’intéresser à l’origine du produit.

En revanche, des espèces comme le bar ou la daurade d’élevage méditerranéen, lorsqu’elles proviennent de fermes certifiées, offrent un bon compromis entre sécurité, goût et durabilité.

Comment consommer du poisson de manière responsable et équilibrée ?

Varier les espèces, une règle d’or

La diversification est la clé pour éviter l’accumulation d’un contaminant spécifique. En alternant les poissons maigres et gras, d’eau douce et de mer, d’élevage et de pêche sauvage, on réduit les risques tout en bénéficiant d’un large spectre de nutriments. Par exemple, une semaine sur deux, on peut choisir un poisson gras riche en oméga-3 (saumon, sardine), et l’autre semaine un poisson maigre (cabillaud, merlu).

Chloé, nutritionniste à Montpellier, conseille : « Je recommande à mes patients de ne pas dépasser deux portions de poisson par semaine, avec au maximum une portion de poisson gras. Et surtout, d’éviter tout poisson prédateur, même s’il est vendu comme “bio” ou “sauvage”. Le mercure ne fait pas de distinction. »

Lire les étiquettes et se renseigner sur l’origine

Les consommateurs ont aujourd’hui accès à beaucoup d’informations. L’origine du poisson, la méthode de pêche (senne, filet maillant, etc.), le type d’élevage : autant de données qui peuvent guider un choix plus sûr. Les applications mobiles spécialisées dans la durabilité de la pêche, comme FishChoice ou Seafood Watch, permettent même de scanner un code-barres pour connaître le profil de risque d’un produit.

En outre, les marchés locaux et les poissonniers indépendants sont souvent de meilleures sources d’information que les grandes surfaces, où les étiquettes peuvent être vagues.

Quel rôle jouent les autorités sanitaires dans la protection des consommateurs ?

Les agences de sécurité alimentaire, comme l’AESAN en Espagne ou l’ANSES en France, surveillent régulièrement les niveaux de mercure dans les produits de la mer. Elles publient des recommandations précises, actualisées selon les données scientifiques. Par exemple, l’ANSES recommande aux femmes enceintes de ne pas consommer plus d’une portion par semaine de thon, et d’éviter totalement l’espadon, le marlin ou les requins.

Ces recommandations, bien que contraignantes pour certains amateurs de poissons nobles, sauvent des vies. Elles sont le fruit de décennies d’études épidémiologiques, notamment sur des populations vivant dans des zones à forte consommation de poisson, comme les Inuits ou les habitants des îles Féroé.

Le Dr Raphaël Vidal, toxicologue à l’Institut de veille sanitaire, précise : « Nous avons observé des corrélations très fortes entre la consommation de certains poissons et des déficits neurologiques chez les enfants. Nos recommandations ne sont pas là pour effrayer, mais pour permettre une consommation intelligente. Le poisson reste un allié précieux, à condition de le choisir avec discernement. »

A retenir

Quels poissons faut-il absolument éviter ?

Les espèces les plus contaminées par le mercure sont l’espadon, le thon rouge, le marlin, les requins et, dans une moindre mesure, le thon germon. Ces poissons doivent être évités par les femmes enceintes, les femmes en âge de procréer et les jeunes enfants. Pour les autres, leur consommation doit rester très occasionnelle.

Quels poissons sont sûrs à manger plusieurs fois par semaine ?

Les poissons à faible teneur en mercure incluent le saumon, la sardine, l’anchois, la dorade, le bar d’élevage, le cabillaud, la sole ou la truite. Ils peuvent être consommés régulièrement, jusqu’à deux ou trois fois par semaine, selon les besoins nutritionnels.

Peut-on consommer du thon en boîte sans risque ?

Oui, mais avec prudence. Le thon blanc en conserve (light tuna) est généralement du thon albacore, qui contient plus de mercure que le thon germon. Le thon en conserve jaune (skipjack) est moins contaminé. Il est recommandé de limiter sa consommation à une ou deux boîtes par semaine, surtout pour les femmes enceintes.

Le poisson bio est-il toujours sans mercure ?

Non. Le label bio garantit des conditions d’élevage respectueuses, mais pas l’absence de mercure, surtout pour les poissons sauvages. Un saumon bio sauvage peut avoir parcouru des zones polluées et accumulé des toxines. Le mercure ne dépend pas des pratiques agricoles, mais de l’environnement naturel.

Conclusion

Le poisson reste un pilier de l’alimentation saine, mais sa consommation doit être éclairée. Connaître les espèces à risque, comprendre les mécanismes de contamination et adapter ses choix en fonction de sa situation (grossesse, âge, état de santé) permet de profiter pleinement de ses bienfaits sans compromettre sa santé. L’équilibre, la diversité et l’information sont les trois piliers d’une consommation responsable. En faisant les bons choix, on protège non seulement notre corps, mais aussi les générations futures.