Un homme ivre déclenche une vaste opération de sauvetage en pleine nuit à Calvi en 2025

Dans la douceur estivale de la Corse, où les nuits s’étirent sous un ciel étoilé et où la mer garde encore la chaleur du jour, une scène inattendue a brisé le calme de la baie de Calvi. Ce n’est ni un incendie ni une tempête, mais une simple décision, prise dans un moment d’égarement, qui a mis en branle une mécanique de secours digne d’un drame maritime. En quelques minutes, un homme en état d’ébriété a transformé une soirée banale en opération de sauvetage aux allures de film d’action. Heureusement, tout s’est terminé sans tragédie. Pourtant, cette nuit-là, derrière le soulagement, plane une question : combien de fois faudra-t-il que des vies soient mises en jeu – et des moyens humains et matériels mobilisés – pour qu’un message de prudence soit enfin entendu ?

Qu’est-ce qui a déclenché l’alerte à Calvi ?

La scène se déroule vers minuit, dans le port animé de Calvi. Les terrasses sont encore pleines, les rires résonnent, et l’alcool coule généreusement. C’est dans ce contexte que Théo Mercier, un touriste de 34 ans originaire de Montpellier, décide, sans prévenir personne, de plonger dans la baie. Selon les témoins, il aurait lancé : « Je vais nager jusqu’à l’îlot », en désignant la petite île Saint-Jean, distante d’environ un kilomètre. Personne ne le prend au sérieux sur le moment. Mais quand, dix minutes plus tard, il n’est toujours pas revenu, l’inquiétude grandit.

Un couple, assis à une table en bord de jetée, alerte les secours. « On l’a vu partir, mais il titubait avant de sauter, confie Élodie Ravel, 29 ans. On s’est dit qu’il allait faire deux brasses et revenir. Mais la nuit, l’eau noire… on ne savait pas s’il avait changé d’avis ou s’il était en difficulté. » C’est cette incertitude, si fréquente en mer, qui déclenche l’alerte. À 00h20, le 118 est appelé. En quelques secondes, la machine s’emballe.

Quels moyens ont été déployés pour le retrouver ?

Le Cross Med, basé à Toulon, prend immédiatement le relais. En coordination avec la gendarmerie maritime, un dispositif d’urgence est activé. Deux ambulances des sapeurs-pompiers de Calvi et de L’Île-Rousse convergent vers le port. Mais c’est surtout la mobilisation aérienne et maritime qui impressionne.

À Bastia, l’hélicoptère Dragon 2B est préparé en urgence. À son bord, deux sauveteurs aquatiques héliportés, formés pour intervenir en pleine mer, de nuit, parfois par mer agitée. Le pilote, Julien Ferrand, connaît bien ces situations : « On ne sait jamais à quoi s’attendre. Un nageur ivre, de nuit, c’est un scénario à risque. Il peut se noyer, se crisper, perdre connaissance… ou carrément disparaître. »

En même temps, la vedette de la SNSM, le *Calvi Secours*, appareille sous les ordres du capitaine Fabien Léon. « On a quadrillé la zone entre le port et l’îlot, explique-t-il. Vent faible, mer calme, mais visibilité quasi nulle. On n’a pas de radar pour repérer un nageur. On avance lentement, en scrutant l’eau. Chaque vague peut cacher un corps. »

Pendant près de 90 minutes, les équipes passent au peigne fin la baie. Les radios crachotent des rapports tendus. Personne ne parle trop fort. Chacun sait que, dans ces moments, la moindre erreur de jugement peut coûter cher.

Comment l’homme a-t-il été retrouvé ?

Le dénouement, quand il arrive, tient du paradoxe. Vers 1h30 du matin, un pêcheur local, René Costa, aperçoit une silhouette qui nage lentement près des pontons du vieux port. « Je venais de rentrer, j’ai vu des bras bouger dans l’eau. J’ai cru à un phoque, puis j’ai reconnu une tête humaine. » Il alerte les pompiers sur place.

Théo Mercier est repêché, frigorifié mais conscient. Il n’a jamais atteint l’îlot. Il a fait quelques brasses, puis, désorienté, a dérivé vers le port sans s’en rendre compte. « Je pensais être tout près du rivage, dit-il plus tard. J’ai juste voulu me rafraîchir. » Interrogé par les secours, il ne semble pas réaliser l’ampleur de ce qu’il a déclenché. Son taux d’alcoolémie est largement au-dessus de la limite légale. Pourtant, il refuse toute hospitalisation.

« Il a signé une décharge, confirme le lieutenant Marc Valenti, des pompiers de Haute-Corse. Sa famille est venue le chercher. Il n’avait aucune blessure, juste un coup de froid. Mais il aurait pu ne pas survivre. L’eau à cette heure-là est fraîche. La fatigue, l’alcool, la nuit… tout joue contre un nageur. »

Pourquoi une telle mobilisation pour un simple écart de conduite ?

La question est légitime. Pourquoi engager un hélicoptère, deux ambulances, une vedette de sauvetage et des dizaines de professionnels pour un homme qui, au final, n’était pas en danger ? La réponse tient en une phrase : en mer, on ne prend aucun risque.

« On ne peut pas se permettre de faire le tri entre “imprudence” et “détresse”, explique le capitaine Léon. Un nageur ivre, c’est un homme qui peut se noyer en silence, sans crier, sans bouger. On l’a vu trop souvent. »

En 2022, en Corse, trois personnes sont mortes noyées après des baignades nocturnes. En 2023, une adolescente a été secourue à deux kilomètres de la côte, après avoir voulu rejoindre un ami en jet-ski. Chaque intervention, même si elle se termine bien, coûte cher en énergie, en temps et en ressources. Et en plein mois d’août, où les feux de forêt et les accidents de circulation surchargent déjà les secours, chaque alerte est une course contre la montre.

« On a été en intervention deux fois cette semaine sur des feux de broussailles, ajoute Valenti. On n’a pas de moyens infinis. Quand on mobilise un hélico pour une baignade nocturne, c’est un hélico qui n’est pas disponible pour un accident de randonnée ou un malaise cardiaque en montagne. »

Quels dangers représentent les baignades nocturnes, surtout sous l’emprise de l’alcool ?

Les experts sont unanimes : la combinaison nuit, mer et alcool est extrêmement dangereuse. L’alcool altère les réflexes, diminue la perception du froid et trouble le jugement. La nuit, la mer devient un espace hostile. Pas de repères visuels, pas de bruit, pas de repère de distance. Un nageur peut croire qu’il est à 50 mètres du bord alors qu’il est à 500.

« L’eau absorbe la chaleur du corps six fois plus vite que l’air, rappelle le docteur Amina Choukri, médecin urgentiste à l’hôpital de Calvi. En quelques minutes, une personne ivre peut entrer en hypothermie. Et quand elle commence à grelotter, elle perd ses forces. C’est là que la noyade silencieuse survient. »

Le témoignage de Clément Rey, sauveteur à la SNSM depuis dix ans, est sans appel : « J’ai sorti des gens qui pensaient juste “faire un petit tour”. Ils ne savaient plus nager. Ils avaient les yeux hagards. L’alcool, c’est comme un masque : il cache la peur, mais il ne protège de rien. »

Quel impact cette affaire a-t-elle eu sur les équipes de secours ?

Si l’issue est heureuse, le sentiment général est mitigé. Relief, oui. Mais aussi frustration. « On fait ce métier pour sauver des vies, pas pour courir après des touristes qui font les fous », lâche discrètement un pompier sous couvert d’anonymat.

Le capitaine Léon nuance : « On ne juge pas. On intervient. Mais on aimerait que les gens comprennent que derrière chaque alerte, il y a des familles, des enfants, des gens qui sacrifient leur nuit de sommeil. »

Pour Julien Ferrand, le pilote de l’hélicoptère, cette nuit restera marquée par un sentiment étrange : « On a fait notre job. Mais en atterrissant, on s’est dit : “Encore une fois, on a eu de la chance.” La prochaine, peut-être pas. »

Que peut-on retenir de cet incident pour la prévention ?

Les autorités locales ont réagi rapidement. Des affiches ont été installées dans les ports, sur les plages et dans les bars : « Nager la nuit ? Même 10 mètres peuvent être mortels. » Des spots radio sont diffusés en période estivale. Mais le message peine à passer.

« On parle aux oreilles, pas aux cœurs », constate Élodie Ravel, la jeune femme qui a donné l’alerte. « Les gens pensent que ça n’arrivera jamais. Mais c’est comme la ceinture de sécurité : on la met parce qu’on sait que, un jour, elle pourrait sauver une vie. »

Théo Mercier, lui, dit avoir tiré une leçon : « J’ai compris que ce que je pensais être une blague, c’était une vraie alerte. Je n’aurais jamais dû plonger. »

Conclusion

L’affaire de Calvi n’est pas un drame. Mais elle est un miroir. Elle reflète une certaine légèreté face à la mer, une sous-estimation des risques, et une méconnaissance totale de ce que représente une intervention de sauvetage. Derrière un homme qui nage de nuit, ce sont des dizaines de professionnels qui se mobilisent, des familles qui s’inquiètent, des ressources qui s’épuisent.

La mer n’est pas un terrain de jeu. Elle est belle, mais elle est impitoyable. Et quand l’alcool s’en mêle, la frontière entre l’insouciance et la tragédie devient terriblement mince. Cette nuit-là, à Calvi, la chance a tourné. Mais elle ne tourne pas toujours.

A retenir

Pourquoi une baignade nocturne est-elle si dangereuse ?

La nuit, la mer devient un environnement hostile : absence de visibilité, difficulté à évaluer les distances, refroidissement rapide du corps. Même un nageur expérimenté peut se perdre ou entrer en hypothermie sans s’en rendre compte.

Quel rôle joue l’alcool dans ces accidents ?

L’alcool altère gravement les capacités : il diminue la coordination, fausse la perception du froid et du danger, et accélère l’épuisement. En mer, ces effets sont amplifiés et peuvent conduire à une noyade silencieuse.

Pourquoi les secours mobilisent-ils autant de moyens pour un seul nageur ?

Parce qu’en mer, chaque minute compte. Un nageur en difficulté peut disparaître en quelques instants. Les équipes ne peuvent pas se permettre de sous-estimer une alerte, même si elle semble due à une imprudence.

Quelles sont les conséquences pour les secours après une fausse alerte ?

Les interventions nocturnes mobilisent des ressources humaines et matérielles limitées. En période estivale, où les risques sont nombreux (feux, accidents, malaises), chaque fausse alerte peut retarder une intervention vitale ailleurs.

Que peuvent faire les vacanciers pour éviter ce genre de situation ?

Éviter de nager après avoir consommé de l’alcool, ne pas sous-estimer la mer, respecter les interdictions de baignade de nuit, et surtout : penser que derrière chaque décision, il y a des vies en jeu – y compris celles des secours.