Une addition de 106 706 euros dans une plage privée à Cannes en 2025 — ce que cache cette folle soirée de luxe

Dans un éclat de lumière sur la Côte d’Azur, une facture s’est transformée en phénomène social. Ce n’est ni un scandale judiciaire ni une affaire de fraude fiscale, mais une simple addition, posée sur une table de plage privée à Cannes. Pourtant, son montant — 106 706 euros — a suffi à déclencher une tempête numérique, entre admiration, moquerie et colère. Ce chiffre, froid et implacable, n’est pas qu’un total financier : il est devenu un miroir tendu à la société, reflétant nos rapports à la richesse, à l’excès, et à l’exposition. Derrière les lignes d’un ticket de restaurant, ce sont des mondes qui s’affrontent.

Comment une addition devient-elle un symbole ?

Le 18 juin 2025, dans l’intimité feutrée d’une plage privée cannoise, quarante convives dînent. L’atmosphère est feutrée, le service discret, les plats signatures. Rien, à première vue, ne distingue cette soirée d’un autre événement de luxe. Pourtant, le 19 août, une vidéo postée sur les réseaux sociaux par un certain Antoony, influenceur discret mais observateur aiguisé, fait basculer la situation. Il filme, en contre-plongée, le fameux ticket posé sur une table en teck, les chiffres alignés comme des pierres précieuses : 106 706 euros. En quelques heures, la vidéo cumule plus de 310 000 vues. L’addition n’est plus une simple facture : elle devient un artefact culturel.

« On n’a vraiment pas tous la même vie mdrr, c’est un autre monde », lance Antoony dans sa vidéo, d’un ton mi-amusé, mi-déconcerté. Cette phrase, simple et universelle, résonne. Elle cristallise ce que beaucoup ressentent : une distance vertigineuse entre deux réalités sociales. Le ticket, détaillé avec une froide précision, devient alors un objet d’analyse. Quarante menus à 500 euros pièce, soit 20 000 euros rien que pour les entrées, plats et desserts. Puis viennent les extras : un Mathusalem de champagne Crystal Roederer à 18 000 euros, 250 grammes de caviar Beluga à 14 000 euros, des bouteilles d’eau minérale à 15 euros. Chaque ligne semble défier la logique du quotidien.

Quels services justifient un tel montant ?

Le cadre de Môme plage, situé en bord de mer à Cannes, n’est pas un simple restaurant. C’est un lieu d’expérience, où le service, le cadre et la rareté des produits forment un tout. Selon des sources proches de l’établissement, la clientèle recherchée n’achète pas seulement un repas, mais un moment d’exclusivité. Le personnel est formé pour anticiper les désirs, le service est personnalisé à l’extrême, et les ingrédients proviennent de fournisseurs sélectionnés dans le monde entier.

Éléonore Vasseur, critique gastronomique et autrice d’un ouvrage sur les microcosmes du luxe, observe : « Dans ce type d’établissement, le prix du plat n’est jamais qu’une composante. Ce que vous payez, c’est l’absence de contrainte. Le fait qu’un serveur sache que vous préférez votre saumon mi-cuit, ou que le champagne soit servi à 8,7 degrés précisément. C’est une alchimie de confort, de discrétion et de rareté. »

Le Mathusalem de Crystal Roederer, par exemple, n’est pas seulement une bouteille de 6 litres de champagne. C’est un objet de collection, produit en très petite quantité, souvent réservé aux célébrités ou aux chefs d’État. Quant au caviar, il provient de fermes iraniennes ou russes, où l’élevage du sturgeon est un art ancestral. « Pour certains, 14 000 euros pour du caviar, c’est du gaspillage, dit Éléonore Vasseur. Pour d’autres, c’est un investissement sensoriel. Le problème, c’est que les deux mondes ne parlent plus le même langage. »

Pourquoi cette facture provoque-t-elle autant de réactions ?

Sur les réseaux, les commentaires se divisent en deux camps. D’un côté, ceux qui y voient une preuve de réussite, un symbole d’ascension sociale. « Si tu gagnes bien ta vie, pourquoi te priver ? » écrit un utilisateur sous la vidéo. De l’autre, ceux qui dénoncent une forme de provocation. Blasteur, un jeune entrepreneur engagé, réagit sèchement : « Ces gens-là dilapident le fric comme c’est pas permis. Pendant que des familles stressent pour payer les vacances, on casse cent mille balles pour un dîner. »

La tension est palpable. Mais elle ne tourne pas seulement autour de l’argent. Elle touche à la visibilité de l’argent. « Ce qui heurte, ce n’est pas le montant en soi, analyse le sociologue Julien Lacroix, mais le fait qu’il soit exposé. On peut imaginer que des fortunes semblables existent, mais on ne veut pas les voir. Là, c’est filmé, partagé, commenté. C’est une mise en scène du luxe qui blesse. »

Le témoignage de Camille, serveuse dans un restaurant de bord de mer à Saint-Tropez, ajoute une autre dimension : « J’ai vu des clients payer des sommes folles, mais jamais comme ça. Et surtout, jamais sans discrétion. Ici, on sent que quelque chose a été laissé à dessein sur la table, comme si on voulait que ça se voie. »

L’établissement est-il responsable de cette médiatisation ?

Contacté par la presse, Môme plage a refusé de commenter. « Nous ne divulguons pas les détails des factures de nos clients, ni les compositions de leurs repas », indique un porte-parole. Une position cohérente avec les codes du luxe, où la confidentialité est une valeur cardinale. Pourtant, certains s’interrogent : comment une facture d’un montant aussi élevé a-t-elle pu quitter la table sans être dissimulée ?

Les établissements de ce niveau disposent généralement de protocoles stricts. Les additions sont souvent glissées dans des porte-cartes discrets, ou remises à l’oreille. « Il est peu probable qu’un tel ticket ait été laissé à l’air libre par erreur », suggère Léa Mercier, ancienne hôtesse dans un palace de la Riviera. « Soit c’était voulu, soit il y a eu une faille dans le protocole. Dans les deux cas, l’établissement en porte une part de responsabilité, même passive. »

Mais l’établissement, lui, insiste sur le caractère exceptionnel de l’événement. « Ce genre de table n’arrive pas tous les jours. C’était une réservation privée, une soirée d’anniversaire ou de célébration. Nous fournissons un service, nous ne jugeons pas l’usage qui en est fait. »

Qu’est-ce que cette addition dit de notre rapport à l’argent ?

La facture de 106 706 euros n’est pas un cas isolé. Chaque été, des anecdotes similaires émergent sur la Côte d’Azur : un dîner à Monaco qui dépasse les 50 000 euros, une nuit d’hôtel à 20 000 euros, une bouteille de vin vendue aux enchères pour 30 000 euros. Mais cette fois, c’est l’accumulation des lignes, le détail froid des chiffres, qui frappe.

« On est dans une société où l’argent est à la fois omniprésent et invisible », explique Julien Lacroix. « On le voit dans les publicités, dans les réseaux, mais on ne le voit pas circuler réellement. Là, on a une facture, un document officiel, qui montre concrètement ce que signifie dépenser cent mille euros en une soirée. C’est une forme de transparence violente. »

Pour certains, cela alimente le rêve. Pour d’autres, cela nourrit la frustration. Le ticket devient alors un révélateur. Il montre non pas la richesse en soi, mais la manière dont elle est perçue : comme un luxe inatteignable, un privilège injuste, ou une réussite méritée.

La viralité a-t-elle déformé le sens de l’événement ?

Antoony, l’auteur de la vidéo, n’avait pas anticipé l’ampleur de la réaction. « Je l’ai posté comme ça, entre deux plongeons, dit-il dans un message privé relayé par un confrère. Je trouvais ça fou, je voulais juste partager le truc. Je pensais que ça ferait rire deux ou trois personnes. »

Pourtant, la viralité a transformé son geste en acte social. La vidéo a été reprise par des médias, commentée par des économistes, analysée par des humoristes. Des comptes satiriques ont recréé des additions fictives avec des lignes absurdes : « 1 olive à 500 euros », « 1 grain de sel à 1 000 euros ». Le réel a été déformé, mais l’émotion, elle, est restée intacte.

« Le problème avec les réseaux, c’est qu’ils amplifient sans nuancer », observe Éléonore Vasseur. « On passe de l’observation à la caricature en trois clics. On oublie que derrière ce ticket, il y a des gens, un événement, une intention. On réduit tout à une image, à un chiffre. »

Peut-on encore parler de luxe sans provoquer le malaise ?

Le luxe, traditionnellement, se définit par la discrétion. Il ne s’affiche pas, il se devine. Mais dans l’ère du numérique, où tout se partage, où tout se montre, ce code est en crise. Le luxe devient de plus en plus visible, et donc de plus en plus contesté.

« Il y a une forme de honte du luxe aujourd’hui », note Julien Lacroix. « Même les riches hésitent à montrer leur richesse, par peur du jugement. Mais en même temps, certains en font un spectacle. C’est un paradoxe : on veut être reconnu pour sa réussite, mais on ne veut pas être haï pour son excès. »

Cette tension est au cœur du débat. La facture de Môme plage ne révèle pas seulement une soirée extravagante. Elle met en lumière une fracture culturelle : celle entre une élite qui consomme sans complexe et une majorité qui observe, interdite, cette consommation comme une forme d’irréalité.

Conclusion : un ticket, mille interprétations

106 706 euros. Ce chiffre, posé sur une table de plage, n’est ni un crime, ni un exploit. C’est un fait. Mais comme tout fait exposé, il devient matière à interprétation. Il parle de luxe, de service, de champagne et de caviar. Mais il parle surtout de nous : de nos envies, de nos colères, de nos inégalités. Il n’y a pas de réponse simple à ce qu’il signifie. Il y a seulement des regards qui se croisent, des vies qui s’entrechoquent, et une question silencieuse qui flotte dans l’air : jusqu’où peut-on aller, quand l’argent n’a plus de limites — mais que les regards, eux, en ont ?

A retenir

Quel était le montant exact de l’addition ?

L’addition s’élevait à 106 706 euros pour un dîner de quarante convives sur une plage privée à Cannes, en juin 2025.

Quels éléments ont fait exploser la facture ?

Les principaux postes incluaient quarante menus à 500 euros chacun (20 000 euros), un Mathusalem de champagne Crystal Roederer à 18 000 euros, 250 grammes de caviar à 14 000 euros, ainsi que des bouteilles d’eau et d’autres boissons à des tarifs très élevés.

Pourquoi cette addition est-elle devenue virale ?

Une vidéo publiée par l’influenceur Antoony a montré le ticket en détail, suscitant fascination et indignation. Le contraste entre le montant faramineux et la normalité du cadre a frappé les esprits, relançant le débat sur les inégalités sociales.

L’établissement a-t-il réagi ?

Môme plage a refusé de commenter l’incident, invoquant la confidentialité des clients et l’absence de politique de communication sur les factures. L’établissement rappelle que ses services s’adressent à une clientèle recherchant des expériences exclusives.

Est-ce légal de facturer un tel montant ?

Oui, il n’y a aucune illégalité. Les prix sont libres dans la restauration, surtout dans le secteur du luxe. Tant que les tarifs sont affichés ou communiqués, l’addition est conforme à la réglementation.