Septembre s’installe comme un mois charnière, où les rues de France pourraient devenir le terrain d’un bras de fer inédit entre le gouvernement et une société en éveil. Alors que François Bayrou, nouveau Premier ministre, affiche une volonté de redresser les comptes publics, une mobilisation multiple et croissante se dessine à l’horizon. Syndicats, professionnels du transport, citoyens isolés ou regroupés en réseaux : chacun y va de sa voix, de son action, parfois de son sacrifice. Ce n’est plus seulement une rentrée sociale, c’est une rentrée politique, économique et symbolique. Les enjeux sont clairs : quelle place pour les travailleurs, les services publics, et les plus vulnérables dans un pays en quête d’ajustement ? Les semaines à venir diront si cette pression collective peut infléchir le cours des décisions ou si, au contraire, l’État tiendra bon malgré les remous.
Quelle unité syndicale face aux réformes du gouvernement ?
Depuis plusieurs semaines, les organisations syndicales multiplient les signaux d’alerte. Alors que le gouvernement prépare un plan d’économies ambitieux, incluant la suppression de deux jours fériés et une nouvelle réforme de l’assurance chômage, les syndicats se sentent acculés. Une intersyndicale inédite, réunissant la CFDT, la CGT, FO, la CFE-CGC et la CFTC, s’est constituée autour d’un mot d’ordre simple : « Les travailleurs ne se laisseront pas faire ». Cette unité, rare dans un paysage syndical souvent fragmenté, reflète une inquiétude partagée : celle d’un recul des protections sociales.
Olivier Guivarch, secrétaire national de la CFDT, le dit sans détour : « Nous sommes à un tournant. Ce n’est pas une question de salaire ou de statut, mais de dignité. Si on touche aux jours fériés, on touche au temps de vie des gens. » Pour lui, le 1er septembre n’est pas qu’une date symbolique, c’est un test. Ce jour-là, les syndicats doivent trancher entre des actions ciblées — grèves sectorielles, manifestations locales — ou une montée en puissance qui pourrait mener à une grève générale. « La base est en colère, reconnaît-il. Elle veut des signaux forts. »
À la CGT, la tension est palpable. Sarah Lemaire, déléguée chez un transporteur à Lyon, témoigne : « On a vu les effets des précédentes réformes : des effectifs réduits, des cadences qui s’accélèrent, des gens épuisés. Si on ajoute la suppression de jours fériés, c’est l’usure garantie. » Elle participe à des réunions quotidiennes dans son entreprise, où les discussions tournent autour d’un mot d’ordre de grève le 10 septembre. « On ne veut pas bloquer pour bloquer, mais pour être entendus. »
Pourquoi les taxis menacent-ils de paralyser le pays ?
Le 5 septembre, les taxis préparent une offensive massive. Leur cible : les centres névrosés de la mobilité française. Champs-Élysées, aéroports, gares, frontières : les points de blocage sont déjà cartographiés. Dominique Buisson, porte-parole de la Fédération nationale des taxis (FNDT), n’hésite pas à parler de « mise à l’arrêt du pays ». « On ne peut pas accepter que des décisions prises sans nous nous mettent en faillite », lance-t-il lors d’une conférence de presse tendue.
Le cœur du conflit tient à une convention signée début août entre l’Assurance maladie et les transporteurs sanitaires. À partir d’octobre, la prise en charge des transports de patients sera révisée. Pour la FNDT, c’est un coup dur : une perte estimée à 30 % du chiffre d’affaires pour les chauffeurs spécialisés. « On transporte des personnes âgées, des malades en fin de vie, rappelle Buisson. Ce n’est pas du tourisme. Et pourtant, on nous traite comme des prestataires interchangeables. »
Le gouvernement, lui, assure que cette réforme vise à rationaliser les coûts sans nuire aux usagers. « La majorité des taxis ne perdront rien, voire gagneront », affirme un conseiller du ministère de la Santé. Mais sur le terrain, la perception est autre. Karim Nouri, chauffeur à Marseille, raconte : « J’ai perdu deux clients cette semaine. Des dialysés. Ils ont été redirigés vers des VSL moins chers, mais qui ne viennent pas toujours à l’heure. Moi, je suis là depuis dix ans, je connais leurs besoins. Et maintenant, je dois choisir entre baisser mes tarifs ou perdre ma clientèle. »
Le risque, pour les taxis, est d’être absorbés par des plateformes ou des sociétés de transport plus grandes. Leur réponse : la pression maximale. Et pas seulement sur les axes routiers. Le carburant entre aussi dans le viseur. Des contacts seraient en cours avec des acteurs de la distribution pour perturber les livraisons. « Si on veut nous faire disparaître, on fera en sorte que le pays ressente notre absence », prévient Buisson.
Qui sont les citoyens derrière les appels au blocage du 10 septembre ?
Le 10 septembre, une nouvelle vague de mobilisation pourrait surgir, cette fois portée par des citoyens hors des structures traditionnelles. Sur Telegram, un canal baptisé « Indignons-nous » rassemble des milliers d’internautes. Leurs revendications sont hétérogènes : hausse des salaires, retraites dignes, création d’un référendum d’initiative citoyenne (RIC), refus des coupes budgétaires. Mais un mot d’ordre unit les messages : « Tout bloquer. »
Le site « Les essentiels France », lancé discrètement mi-août, devient un outil d’organisation. Il propose un « kit de résistance » : grève individuelle, refus d’utiliser sa carte bancaire, boycott des supermarchés, confinement volontaire. « On ne veut pas d’une révolution violente, explique Léa Cazin, une enseignante de 34 ans impliquée dans l’initiative. On veut une pause collective. Qu’on s’arrête, tous, pour obliger le gouvernement à négocier. »
Ces appels trouvent un écho dans des milieux variés. À Paris, un groupe de fonctionnaires de l’AP-HP (Assistance publique – Hôpitaux de Paris) se réunit en assemblée générale. Leur colère ? Le doublement du plafond des franchises médicales et la suppression de deux jours fériés. « On soigne les autres, mais on nous traite comme des coûts », dit Malik Bouzid, infirmier en réanimation. « On a voté une grève le 10 septembre. Pas seulement pour nous, mais pour le système de santé. »
Les partis politiques de gauche, eux, observent avec attention. Jean-Luc Mélenchon salue « une réappropriation du pouvoir par le peuple ». Les écologistes appellent à « soutenir ces mobilisations pacifiques ». Même au sein du Parti socialiste, des voix s’élèvent : « Ce n’est pas seulement une question de revendications, c’est une question de légitimité démocratique », affirme Émilie Roche, députée des Pyrénées-Atlantiques.
Quel rôle joue FO dans cette mobilisation ?
FO, Force ouvrière, a pris une avance stratégique. Fin juillet, son secrétaire général, Frédéric Souillot, a déposé un préavis de grève couvrant la période du 1er septembre au 30 novembre. Une décision sans précédent, qui étire la pression sur plusieurs mois. « On ne veut pas d’un feu d’artifice de trois jours, explique-t-il. On veut une mobilisation durable, qui montre que la colère ne s’éteint pas. »
Cette longue grève ne signifie pas une action continue, mais une capacité à frapper à tout moment. FO mise sur la surprise, sur des grèves sectorielles successives — transports, énergie, fonction publique — pour empêcher le gouvernement de se stabiliser. « Bayrou croit qu’il peut passer en douceur, dit Souillot. Mais on sera là, chaque semaine, pour lui rappeler qu’il n’a pas de légitimité sociale. »
Le syndicat joue aussi un rôle de catalyseur. En appelant à des actions communes avec les taxis ou les cheminots, FO tente de construire une coalition hétéroclite mais puissante. « Ce n’est plus le temps des cloisonnements », affirme-t-il. Le risque, pour FO, est de s’épuiser dans une lutte trop longue. Mais Souillot assume : « Mieux vaut s’épuiser à se battre que se résigner. »
Quelles sont les incertitudes qui pèsent sur les semaines à venir ?
Le scénario n’est pas écrit. Tout repose sur la capacité des mouvements à s’unir, à mobiliser, et à maintenir la pression. Le gouvernement, lui, tente de rester calme. « Nous entendons les inquiétudes, dit un porte-parole de Matignon, mais les réformes sont nécessaires. » Bayrou insiste sur l’urgence budgétaire : un déficit à contenir, des dépenses publiques à maîtriser.
Mais l’équilibre est fragile. Les services publics sont déjà sous tension. Dans les hôpitaux, les écoles, les transports, les agents sont épuisés. Une mobilisation trop forte pourrait paralyser des secteurs vitaux. « On ne veut pas du chaos, dit Sarah Lemaire. On veut qu’on nous écoute. »
Les dates du 1er, 5 et 10 septembre deviennent des jalons. Chaque action, chaque manifestation, chaque blocage sera scruté. L’historien Stéphane Sirot observe ce mouvement avec attention : « On assiste à un mélange inédit : des syndicats traditionnels, des professionnels en colère, et une mobilisation citoyenne décentralisée. Ce n’est ni 1968, ni 1995, ni 2018. C’est autre chose. »
Le pouvoir tient-il le cap ? La rue imposera-t-elle son tempo ? Rien n’est certain. Mais une chose est claire : la rentrée sociale ne sera pas une rentrée tranquille.
A retenir
Quels sont les principaux points de conflit avec le gouvernement Bayrou ?
Les principales sources de tension sont la suppression de deux jours fériés, la réforme de l’assurance chômage, et les mesures d’économie budgétaire. Ces décisions inquiètent les syndicats, les travailleurs, et des secteurs professionnels comme les taxis, qui craignent un recul des protections sociales et des pertes de revenus.
Quel est le rôle des taxis dans cette mobilisation ?
Les taxis, regroupés autour de la FNDT, préparent une action forte le 5 septembre, visant à bloquer des points stratégiques comme les Champs-Élysées, les aéroports ou les gares. Leur colère est alimentée par une nouvelle convention de l’Assurance maladie qui pourrait réduire de 30 % leur chiffre d’affaires, notamment dans le transport de patients.
Qui est derrière les appels citoyens du 10 septembre ?
Ces appels émergent de réseaux citoyens informels, relayés via Telegram et un site, « Les essentiels France ». Portés par des individus et des groupes désireux d’expérimenter de nouvelles formes de protestation — grève générale, boycott, confinement volontaire —, ils cherchent à créer une pression massive et pacifique.
FO a-t-il déjà déclenché une grève ?
FO n’a pas déclenché une grève continue, mais a déposé un préavis de grève du 1er septembre au 30 novembre contre les mesures budgétaires. Ce calendrier long permet au syndicat de planifier des actions sectorielles répétées et de maintenir une pression durable sur le gouvernement.
La mobilisation risque-t-elle de paralyser le pays ?
Le risque de paralysie existe, surtout si les actions des taxis, des cheminots, des fonctionnaires et des citoyens convergent. Le gouvernement tente de limiter l’impact, mais la coordination entre les différents fronts de contestation pourrait amplifier les effets, notamment sur les transports, la santé et les services publics.