Dans le paysage éducatif français, où les disciplines artistiques peinent parfois à trouver leur place, un lycée de Reims est en train de réécrire les règles du jeu. Le lycée Jean Jaurès, autrefois discret sur la scène artistique, est devenu en quelques années un laboratoire vivant de créativité, d’innovation et d’excellence en arts plastiques. Ce renouveau, loin d’être le fruit du hasard, s’inscrit dans une stratégie pédagogique audacieuse, portée par des enseignants visionnaires et incarnée par des élèves qui redéfinissent ce que signifie être artiste à l’adolescence. À travers des témoignages, des initiatives concrètes et une transformation globale de l’établissement, cette réussite éducative interroge : comment un lycée peut-il devenir un phare pour les arts dans une ville où l’on ne s’y attendait pas ?
Comment un lycée a-t-il réussi à révolutionner son enseignement artistique ?
Le tournant du lycée Jean Jaurès remonte à trois ans, lorsque l’équipe pédagogique a décidé de repenser en profondeur son approche des arts plastiques. Jusque-là, les cours se limitaient à des exercices académiques classiques : croquis d’après modèle, études de perspective, analyses d’œuvres historiques. Une approche rigoureuse, certes, mais peu propice à l’expression personnelle. Le changement a été radical : l’accent a été mis sur l’expérimentation, la recherche, et surtout, la pensée critique. Les élèves ne sont plus simplement évalués sur leur technique, mais sur leur capacité à concevoir un projet, à le contextualiser, et à en assumer les enjeux esthétiques et sociaux.
Quels sont les piliers de ce nouveau curriculum ?
Le nouveau programme repose sur trois piliers : la liberté de création, l’exposition au contemporain, et la collaboration. Chaque trimestre, les élèves doivent concevoir un projet artistique personnel, encadré mais non dirigé. Ils choisissent leur médium – peinture, vidéo, sculpture, collage numérique – et doivent justifier leur démarche devant un jury composé d’enseignants et parfois d’artistes invités. Ce processus, inspiré des pratiques des écoles supérieures d’art, donne aux élèves un sentiment de responsabilité et d’autonomie rare dans l’enseignement secondaire.
Élodie Renard, professeure d’arts plastiques et cheville ouvrière de cette transformation, explique : « Nous voulions que les élèves ne se sentent pas comme des exécutants, mais comme des auteurs. Leur apprendre à se poser des questions sur leur travail, sur ce qu’ils veulent dire, sur le public auquel ils s’adressent. C’est ça, l’art aujourd’hui. »
Quel rôle jouent les ressources et les artistes invités dans cette réussite ?
La modernisation du programme s’est accompagnée d’un investissement matériel significatif. Le lycée a fait l’acquisition de matériel numérique – tablettes graphiques, imprimantes 3D, caméras HD – et a réaménagé ses ateliers pour en faire des espaces modulables, propices à la création collective. Mais ce qui frappe le plus, c’est la politique de résidences artistiques mise en place depuis deux ans.
Comment les résidences d’artistes transforment-elles l’expérience des élèves ?
Chaque semestre, un artiste professionnel est accueilli en résidence pendant quatre à six semaines. Ces artistes, souvent reconnus sur la scène nationale ou internationale, interviennent en classe, partagent leur parcours, et co-animent des ateliers pratiques. L’un des derniers invités, Malik Zidi, plasticien spécialisé dans les installations éphémères, a conduit avec les élèves de terminale un projet autour de la mémoire urbaine, utilisant des matériaux recyclés trouvés dans les friches industrielles de Reims.
« Travailler avec Malik, ce n’était pas comme un cours normal, raconte Léa Bouvier, 18 ans. Il nous posait des questions auxquelles on n’avait jamais pensé : “Pourquoi ce matériau ? Pourquoi ici ? À qui parle ton œuvre ?” C’était déstabilisant, mais ça nous a poussés à aller plus loin. »
Ces résidences ne se limitent pas à des interventions ponctuelles. Elles s’inscrivent dans une logique de continuité : certains artistes reviennent chaque année, suivent l’évolution des élèves, et même participent au jury final des projets de fin d’année.
Quel impact ce programme a-t-il sur les élèves ?
Le changement n’est pas seulement visible dans les œuvres produites, mais aussi dans la manière dont les élèves perçoivent leur propre potentiel. Beaucoup arrivent au lycée sans réelle expérience artistique, mais repartent avec un projet personnel affirmé, voire une vocation.
Quel est le parcours de Clara, une élève emblématique de cette transformation ?
Clara Moreau, 17 ans, est arrivée en seconde avec un carnet de croquis rempli de dessins d’anime. Timide, elle ne se voyait pas comme une « vraie artiste ». Aujourd’hui, elle prépare un portfolio pour intégrer une école d’art à Paris. Son projet le plus marquant ? Une installation intitulée *Échos numériques*, présentée au festival Art’R, événement régional dédié aux jeunes créateurs.
« C’était une sculpture en plexiglas avec des projections vidéo qui changeaient selon le mouvement du spectateur, décrit Clara. Le thème, c’était l’identité en ligne, la manière dont on se construit une image sur les réseaux. J’ai passé des nuits à tout monter, à coder les capteurs… Mais quand j’ai vu les gens interagir avec mon œuvre, j’ai pleuré. »
Son professeur, Élodie Renard, souligne : « Clara est l’exemple parfait de ce que nous voulons. Elle a commencé par aimer dessiner, et elle a appris à penser comme une artiste. Elle ne fait plus de l’art pour plaire, elle le fait pour interroger. »
Quelles sont les retombées pour le lycée et la ville de Reims ?
Le succès du département des arts plastiques a eu des effets en cascade. D’abord, au niveau interne : le nombre d’inscriptions en filière générale avec spécialité arts plastiques a triplé en trois ans. Des élèves venus d’autres villes, comme Châlons-en-Champagne ou Épernay, ont fait le choix de s’inscrire à Jean Jaurès pour intégrer ce programme.
Comment le lycée est-il devenu un acteur culturel à part entière ?
Le partenariat avec la ville de Reims s’est renforcé. Les œuvres des élèves sont désormais exposées dans des lieux publics : la médiathèque, le centre culturel Les Hautes Promenades, ou encore la gare. En 2023, une fresque collective réalisée par les élèves de première a été inaugurée sur le mur extérieur du lycée, devenant un point de repère pour les habitants du quartier.
« C’est une fierté pour la ville, affirme Thierry Lefebvre, adjoint à la culture de Reims. Ces jeunes ne produisent pas seulement de l’art, ils participent à la transformation du paysage urbain. Ils redonnent une voix aux espaces oubliés. »
Le dynamisme artistique du lycée a aussi attiré des financements inédits. Une fondation privée, spécialisée dans le soutien à l’éducation artistique, a octroyé une subvention de 50 000 euros pour l’achat de matériel et la création d’un laboratoire numérique dédié à l’art et à la technologie.
Quel avenir pour les arts plastiques à Reims ?
Le lycée Jean Jaurès ne compte pas s’arrêter là. Une ambition forte émerge : faire de Reims une capitale régionale des arts jeunes. Pour cela, plusieurs projets sont à l’étude.
Quel sera le rôle du futur festival d’arts plastiques ?
Prévu pour 2025, le festival *Jeunes Crées* vise à rassembler les lycées de toute la région Grand Est autour d’une semaine d’expositions, d’ateliers, de conférences et de performances. L’objectif ? Créer un réseau durable entre les établissements, favoriser les échanges, et offrir une vitrine nationale aux talents émergents.
« Ce festival, ce n’est pas juste une expo de fin d’année, précise Élodie Renard. C’est une plateforme. On veut que des galeristes, des conservateurs, des journalistes d’art viennent découvrir ce que font les jeunes ici. Parce que leur travail mérite d’être vu. »
Comment le lycée prépare-t-il les élèves à la réalité du monde de l’art ?
Un autre chantier en cours est l’intégration d’ateliers transversaux : gestion de carrière artistique, rédaction de dossiers de candidature, droit d’auteur, communication autour de l’œuvre. Ces modules, assurés en partie par des anciens élèves devenus professionnels, visent à combler un manque criant dans l’enseignement artistique : la préparation au monde réel.
« On forme des artistes, pas des artisans, insiste Renard. Et un artiste, aujourd’hui, doit savoir parler de son travail, le défendre, le diffuser. Ce n’est plus une option, c’est une nécessité. »
A retenir
Qu’est-ce qui distingue le programme d’arts plastiques du lycée Jean Jaurès ?
Le programme se démarque par son approche critique et expérimentale, son accès à des équipements modernes, et la présence régulière d’artistes en résidence. Il place l’élève au cœur du processus créatif, en tant qu’auteur et penseur de son œuvre.
Les élèves ont-ils accès à des opportunités d’exposition ?
Oui, les travaux des élèves sont régulièrement exposés dans des lieux culturels de Reims et lors d’événements régionaux comme le festival Art’R. Une fresque murale réalisée par les élèves orne désormais l’enceinte du lycée.
Le lycée prépare-t-il les élèves à poursuivre des études ou une carrière artistique ?
Le lycée développe des ateliers de préparation à la vie professionnelle dans le domaine artistique, notamment en gestion de carrière et en communication. De nombreux élèves intègrent des écoles d’art après le bac.
Quel est l’impact de ce programme sur la communauté locale ?
Le programme renforce le lien entre le lycée et la ville, enrichit la scène culturelle locale, attire de nouveaux élèves et des financements, et participe à la revitalisation d’espaces urbains par l’art.
Quels sont les projets futurs du département ?
Le lycée prévoit la création d’un festival annuel d’arts plastiques, *Jeunes Crées*, et le développement d’un laboratoire numérique pour explorer les intersections entre art, technologie et société.