Ramasser du bois mort en forêt : une pratique risquée et interdite en 2025

Alors que les températures hivernales mordent de plus en plus les foyers français, une pression inédite s’abat sur les budgets familiaux : les factures d’énergie s’envolent. Dans ce contexte tendu, certaines personnes cherchent des solutions radicales pour alléger leurs dépenses, notamment en matière de chauffage. Le ramassage de bois mort en forêt apparaît comme une option séduisante, presque naturelle. Pourtant, derrière cette pratique anodine en apparence se cachent des règles strictes, des risques juridiques majeurs, et des conséquences écologiques insoupçonnées. Ce choix, souvent motivé par la nécessité, peut se transformer en cauchemar si l’on ne connaît pas les lois en vigueur. Pour mieux comprendre les enjeux, plongeons dans les réalités vécues par des habitants confrontés à ces dilemmes, tout en explorant les alternatives légales et durables qui s’offrent à eux.

Le bois mort en forêt : une ressource gratuite ou une infraction ?

Lorsque l’on marche dans une forêt, il est fréquent de croiser des branches tombées, des troncs abattus par le vent ou des arbres morts. Pour certains, comme Élodie Rivière, enseignante dans les Vosges, ces éléments naturels semblent être un don du ciel. « J’ai vu un tas de bois au bord d’un chemin forestier, personne autour, alors je me suis dit : pourquoi ne pas le ramasser ? Ça m’a fait une économie de 200 euros sur mon chauffage », raconte-t-elle. Mais cette initiative, bien qu’innocente, l’a exposée à un risque juridique important. En effet, le bois mort, même au sol, n’est jamais considéré comme un bien abandonné.

Le bois mort est-il un fruit de la terre ?

La réponse est oui, selon le Code civil. L’article 547 classe le bois mort comme un « fruit naturel de la propriété », ce qui signifie qu’il appartient au propriétaire du terrain. Dans une forêt privée, cela revient à dire que ramasser du bois sans autorisation équivaut à un vol. Ce principe, souvent méconnu, a des conséquences concrètes. En 2023, la loi du 2 février a durci les sanctions : une amende de 135 euros peut être prononcée pour un prélèvement modeste, mais en cas de ramassage en grand volume, les contrevenants encourent jusqu’à trois ans de prison et 45 000 euros d’amende, selon l’article 311-2 du Code pénal.

Qu’en est-il des forêts publiques ?

Les forêts domaniales ou communales ne sont pas non plus des zones de libre accès. L’Office National des Forêts (ONF) insiste sur le rôle écologique du bois mort : il sert d’abri à de nombreuses espèces, comme les champignons, les insectes et les petits mammifères, tout en participant à la fertilité du sol. Retirer ce matériau, surtout s’il mesure moins de 20 cm de diamètre, est passible d’une amende de 1 500 euros. Pour des prélèvements plus importants, les sanctions s’alignent sur celles des forêts privées. « On a cru bien faire, mais on a failli tout perdre », confie Julien Mercier, boulanger dans l’Ardèche, qui avait collecté du bois mort pour chauffer son atelier. Il a reçu une amende après qu’un garde forestier l’a surpris avec une remorque chargée.

Pourquoi le bois mort est-il si important pour la biodiversité ?

Le bois mort n’est pas un déchet, c’est un maillon essentiel de l’écosystème forestier. Il joue un rôle de décomposeur, permettant aux nutriments de retourner progressivement au sol. Il abrite des espèces rares, comme le lucane cerf-volant ou certaines variétés de champignons saprophytes. « Ce bois est une pépinière naturelle », explique Camille Dubreuil, sylvestre et technicienne forestière. « En le retirant, on détruit des cycles vitaux qui mettent des années à se reconstituer. »

Un équilibre fragile entre utilisation humaine et préservation

Le débat n’est pas nouveau. Depuis des siècles, les populations rurales ont utilisé les forêts comme ressource. Mais aujourd’hui, la pression humaine, combinée aux effets du changement climatique, rend ces équilibres plus fragiles. « On ne peut pas revenir à une exploitation anarchique, même motivée par la précarité énergétique », souligne Camille. « Il faut trouver des solutions qui respectent à la fois les besoins des gens et les limites de la nature. »

Quelles alternatives légales existent pour se chauffer au bois ?

Face à l’interdiction de ramasser du bois mort, les alternatives légales deviennent cruciales. L’achat de bois de chauffage auprès de fournisseurs certifiés reste la méthode la plus simple, bien que coûteuse. « J’achète mon bois chez un bûcheron local, certifié bois-énergie », indique Sophie Lenoir, retraitée dans la Meuse. « C’est plus cher, mais je sais que c’est durable et que je ne prends aucun risque. »

L’affouage : une tradition encore vivante

Une autre solution, moins connue, est l’affouage. Ce droit ancestral, hérité du Moyen Âge, permet aux habitants d’une commune de couper du bois dans les forêts communales, en échange d’une participation à l’entretien des lieux. Cette pratique, encore active dans certaines régions comme l’Alsace, la Lorraine ou la Champagne, est encadrée par des délibérations municipales et souvent supervisée par l’ONF.

« Chez nous, à Xertigny, l’affouage est un moment fort de la communauté », raconte Marc Tissier, maire de la commune. « Chaque automne, une vingtaine de familles participent à l’élagage, au débardage, et repartent avec leur quota de bois. C’est gratuit, mais réglementé. » Cette méthode renforce les liens sociaux tout en assurant une gestion durable des ressources.

Des aides publiques pour réduire la précarité énergétique

Le gouvernement propose également des aides pour les foyers modestes, comme le chèque énergie, qui peut couvrir une partie du coût du chauffage. Certains départements mettent en place des programmes de rénovation thermique, permettant d’isoler les logements et de réduire la consommation. « J’ai bénéficié d’un éco-prêt à taux zéro pour installer un poêle à granulés », témoigne Amina Belkacem, habitante de Nancy. « Au début, c’était cher, mais maintenant je paie trois fois moins cher qu’avant. »

Comment éviter les pièges juridiques liés au ramassage du bois ?

La première règle est simple : ne jamais prélever du bois sans autorisation. Même dans une forêt publique, ce geste est interdit. « Il faut se renseigner auprès de la mairie ou de l’ONF », conseille Camille Dubreuil. « Il existe parfois des autorisations ponctuelles, notamment pour les affouages ou les opérations de nettoyage après une tempête. »

Identifier les zones autorisées

Certains espaces forestiers proposent des lieux de ramassage encadré, souvent en lien avec des travaux d’entretien. Par exemple, après la tempête de 2022 dans les Ardennes, des communes ont autorisé les habitants à récupérer du bois tombé, sous surveillance. « C’était organisé, avec des horaires et des zones définies », explique Julien Mercier, qui a participé à l’opération. « Cette fois, c’était légal, et ça m’a vraiment aidé. »

Le risque de la complicité

Un autre piège souvent sous-estimé est la complicité. Aider un voisin à charger du bois ramassé illégalement peut suffire à être poursuivi. « J’ai vu des cas où des personnes étaient sanctionnées pour simple aide au transport », précise un garde forestier sous couvert d’anonymat. « La loi ne fait pas de distinction entre celui qui coupe et celui qui aide. »

Quel avenir pour l’accès au bois de chauffage ?

À l’heure où la transition énergétique s’impose, la question du bois de chauffage légal et durable devient centrale. Les experts s’accordent à dire qu’il faut repenser la gestion forestière locale, en associant les citoyens à des modèles plus inclusifs. « Le bois est une ressource renouvelable, mais seulement si on la gère intelligemment », affirme Camille Dubreuil. « L’affouage, les coopératives forestières, les circuits courts : ce sont des pistes à développer. »

Des initiatives citoyennes en essor

Dans certaines régions, des collectifs citoyens émergent. À Saint-Dié-des-Vosges, un groupe d’habitants a créé une coopérative de chauffage au bois, approvisionnée par des coupes durables et certifiées. « On travaille avec des sylviculteurs locaux, on mutualise les coûts, et on forme les gens à l’utilisation du poêle », explique Léa Fontaine, l’une des fondatrices. « C’est plus cher qu’un ramassage sauvage, mais c’est éthique, et on en est fiers. »

A retenir

Le ramassage de bois mort en forêt est-il illégal ?

Oui, dans la majorité des cas. Que ce soit en forêt privée ou publique, le bois mort appartient au propriétaire du terrain ou à l’État. Le prélever sans autorisation constitue une infraction punie par des amendes pouvant atteindre 1 500 euros, voire jusqu’à 45 000 euros et trois ans de prison en cas de prélèvement important.

Qu’est-ce que l’affouage ?

L’affouage est un droit traditionnel permettant aux habitants d’une commune de couper du bois dans les forêts communales, en échange d’une participation à l’entretien de ces espaces. Cette pratique, encadrée par les mairies et l’ONF, existe principalement dans le quart nord-est de la France.

Peut-on récupérer du bois après une tempête ?

Parfois, oui, mais uniquement dans le cadre d’autorisations ponctuelles délivrées par les autorités locales. Il est essentiel de se renseigner auprès de la mairie ou de l’ONF avant toute action, car même le bois tombé reste la propriété du gestionnaire de la forêt.

Quelles aides existent pour les foyers en difficulté ?

Le chèque énergie, les aides à la rénovation énergétique (comme MaPrimeRénov’) ou les éco-prêts à taux zéro peuvent aider les ménages à réduire leur facture de chauffage. Certains départements proposent aussi des programmes spécifiques pour l’acquisition de poêles à bois ou de granulés.

Le bois de chauffage est-il une solution durable ?

Oui, à condition qu’il provienne de forêts gérées durablement, avec des coupes planifiées et un respect de la biodiversité. Le chauffage au bois peut être une alternative écologique au gaz ou à l’électricité, surtout s’il est combiné à une bonne isolation et à des équipements performants.

En définitive, la tentation de ramasser du bois mort en forêt est compréhensible face à l’urgence économique. Mais cette solution, souvent perçue comme inoffensive, cache des risques juridiques et environnementaux importants. Plutôt que de prendre des raccourcis dangereux, il est préférable de s’orienter vers des alternatives légales, durables et solidaires. Que ce soit par l’affouage, les aides publiques ou les coopératives locales, des solutions existent pour concilier sobriété énergétique, respect de la loi et préservation de la nature. Le défi de demain n’est pas de se chauffer à moindre coût, mais de le faire de manière juste, éthique et pérenne.