Depuis quelques mois, une forme d’escroquerie ancienne mais redoutablement efficace refait surface sur les plateformes de revente en ligne, et notamment sur Vinted. Longtemps perçue comme un terrain de jeu pour les acheteurs malhonnêtes, la seconde main devient désormais un champ de bataille où les vendeurs, souvent passionnés et bien intentionnés, se retrouvent piégés dans des stratagèmes bien rodés. L’arnaque du colis vide, ou du retour falsifié, n’épargne plus personne. Ce phénomène, qui progresse silencieusement mais sûrement, touche des particuliers de tous âges, de tous profils, et soulève des questions cruciales sur la sécurité des transactions en ligne. À l’heure où la rentrée scolaire booste les ventes de vêtements et d’accessoires de luxe, les fraudeurs redoublent d’ingéniosité. Pourtant, des solutions existent, et des témoignages récents montrent qu’avec un peu de vigilance, il est possible de se protéger.
Qui sont les nouvelles victimes de l’arnaque du colis vide ?
Autrefois, les arnaques sur les marketplaces en ligne visaient principalement les acheteurs : paiements non reçus, produits non conformes, livraisons fantômes. Aujourd’hui, la donne a changé. Ce sont les vendeurs qui deviennent la cible privilégiée, notamment sur des plateformes comme Vinted, où la balance des protections penche souvent en faveur de l’acheteur. Cette asymétrie est exploitée par des fraudeurs organisés, qui profitent de la bonne foi des vendeurs pour s’approprier des biens sans jamais les payer.
Pourquoi les vendeurs sont-ils si vulnérables ?
Les vendeurs sur Vinted sont souvent des particuliers, parfois débutants, qui n’ont ni les outils ni la formation des professionnels du e-commerce. Ils vendent des vêtements, des chaussures ou des sacs qu’ils n’utilisent plus, sans nécessairement penser à sécuriser chaque étape de la transaction. Leur objectif est souvent de désencombrer, pas de gérer un risque de fraude. Cette naïveté, même bienveillante, les rend particulièrement exposés.
Camille Lefebvre, professeure d’anglais à Nantes et vendeuse assidue sur Vinted depuis trois ans, raconte : « J’ai vendu un sac Chanel d’occasion pour 280 euros. L’acheteuse a prétendu qu’il était endommagé, a demandé un retour. Je l’ai accepté, comme souvent. Sauf qu’en ouvrant le colis, j’ai trouvé un vieux pull troué à l’intérieur. Le sac avait disparu. » Camille a porté plainte, mais sans preuve concrète, Vinted a tranché en faveur de l’acheteuse. « C’est humiliant. J’ai perdu à la fois l’argent et un objet qui avait de la valeur sentimentale. »
Comment fonctionne l’arnaque du colis vide ?
L’escroquerie suit un scénario quasi immuable, rodé par des fraudeurs expérimentés. Elle s’appuie sur les failles du système de litige, mais aussi sur la psychologie du vendeur, souvent désireux d’être coopératif et de maintenir une bonne réputation sur la plateforme.
Étape par étape : le piège bien huilé
Tout commence par une transaction apparemment normale. Un acheteur commande un article de valeur, souvent au-dessus de 50 euros, voire bien plus. Une fois le colis reçu, il contacte le vendeur pour signaler un problème : l’article est endommagé, il ne correspond pas à la description, ou il s’agit d’une contrefaçon. Dans certains cas, l’acheteur affirme même ne jamais avoir reçu le colis, malgré la preuve de livraison.
La demande de retour est alors lancée. Le vendeur, souhaitant régler le conflit à l’amiable, accepte. Mais au moment où il reçoit le colis de retour, celui-ci est vide, ou contient un objet sans valeur. Impossible alors de prouver ce qui a été envoyé initialement. Sans preuve, la plateforme considère que le vendeur n’a pas livré le bon produit, et rembourse l’acheteur.
Émilie Rambert, une vendeuse lyonnaise spécialisée dans les baskets de collection, en est à sa quatrième tentative d’arnaque en moins d’un an. « La dernière fois, j’ai envoyé une paire de Yeezy authentique, numérotée, avec certificat. L’acheteur a dit qu’il avait reçu des fausses. J’ai demandé une expertise, mais il a refusé. Il a renvoyé une boîte avec des vieilles chaussures de sport. Vinted a clos le litige en sa faveur. »
Pourquoi septembre est-il une période à risque ?
La rentrée scolaire marque traditionnellement une flambée des ventes sur les plateformes de seconde main. Les gens renouvellent leur garde-robe, vendent ce qu’ils n’ont pas porté pendant l’été, et cherchent des bonnes affaires pour leurs enfants. Cette suractivité crée un environnement propice aux fraudes.
Une hausse d’activité, une hausse de risques
En septembre, les flux de colis augmentent massivement. Les vendeurs traitent plus de commandes, parfois à la chaîne, ce qui réduit leur vigilance. Les fraudeurs en profitent pour multiplier les tentatives, sachant que les plateformes sont saturées et que les signalements mettent plus de temps à être traités.
En outre, les articles les plus prisés à cette période — vêtements tendance, chaussures neuves, sacs à dos de marque — sont aussi ceux qui attirent le plus les fraudeurs. Plus la valeur du produit est élevée, plus le gain potentiel est important. Les baskets de collection, les sacs de luxe, les pièces limitées : autant de cibles faciles pour des escrocs bien informés.
« En septembre, j’ai vendu un manteau Moncler pour 320 euros », témoigne Thomas Berthier, vendeur à Bordeaux. « L’acheteuse a dit qu’il était trop petit. J’ai accepté le retour. Quand j’ai ouvert le colis, il était vide. J’avais oublié de filmer l’emballage. Résultat : perdu. »
Quels comportements adopter pour se protéger ?
Face à cette menace croissante, les experts en cybersécurité et les super-vendeurs de Vinted s’accordent sur un point : la prévention passe par de simples gestes, mais rigoureusement appliqués. Ces mesures ne garantissent pas une protection totale, mais elles rendent l’escroquerie beaucoup plus risquée pour le fraudeur.
Filmer, peser, archiver : les bases de la sécurité
Le geste le plus efficace, unanimement reconnu, est de filmer l’emballage du colis, de montrer clairement l’article à l’intérieur, puis de filmer le dépôt en point relais. Cette vidéo, conservée plusieurs mois, devient une preuve incontestable en cas de litige.
Le pesage du colis est une autre étape cruciale. En prenant une photo du poids affiché sur la balance, le vendeur peut prouver que le colis contenait bien un objet de valeur. Un carton vide pèse quelques grammes ; un sac à main ou une paire de chaussures, bien plus. Cette simple information peut faire basculer un litige.
« Depuis que je filme mes colis, je n’ai plus eu de problème », affirme Léa Dubois, vendeuse à Lyon. « Je le mentionne même dans mes annonces : “Colis filmé, pesé, suivi.” Ça dissuade souvent les acheteurs suspects. »
Privilégier les plateformes spécialisées pour les articles de luxe
Pour les objets de valeur — sacs de marque, montres, bijoux — il est fortement conseillé de passer par des plateformes spécialisées comme Vestiaire Collective, Farfetch ou Collector Square. Ces sites disposent de systèmes d’authentification rigoureux, et d’une médiation plus équilibrée entre acheteurs et vendeurs.
« J’ai fait l’erreur de vendre un sac Hermès sur Vinted », raconte Sophie Ménard, collectionneuse à Paris. « J’aurais dû passer par Vestiaire. Là-bas, ils vérifient chaque pièce. Sur Vinted, c’est chacun pour soi. »
Que faire en cas de victime ?
Être victime d’un colis vide ou d’un retour falsifié n’est pas une fatalité, mais il faut réagir vite et de manière organisée. Plusieurs recours existent, même si leur efficacité dépend largement des preuves disponibles.
Contacter Vinted avec toutes les preuves à l’appui
La première étape consiste à signaler le litige à Vinted en fournissant toutes les preuves disponibles : vidéos d’emballage, photos de pesage, captures d’écran des messages, numéro de suivi. Plus le dossier est complet, plus les chances de rétablir la vérité sont élevées.
La plateforme affirme examiner chaque cas individuellement, mais reconnaît que sans preuve, il est difficile de trancher. « Nous encourageons les vendeurs à adopter des pratiques sécurisées », indique un porte-parole de Vinted. « Nous prenons très au sérieux les signalements de fraude et nous travaillons à améliorer nos outils de détection. »
Déposer une plainte auprès des autorités
En cas de fraude avérée, il est possible de porter plainte. Le vol par ruse est puni de trois ans de prison et de 45 000 euros d’amende. Si l’arnaque implique une contrefaçon ou une escroquerie en bande organisée, les peines peuvent aller jusqu’à 300 000 euros d’amende et trois ans de prison.
« J’ai porté plainte après avoir perdu un colis de 190 euros », explique Julien Carpentier, vendeur à Marseille. « La police a ouvert une enquête. Ce n’est pas sûr qu’on retrouve l’escroc, mais au moins, ça laisse une trace. »
A retenir
Qu’est-ce que l’arnaque du colis vide ?
Il s’agit d’une fraude où un acheteur reçoit un article, prétend qu’il est défectueux ou non conforme, demande un retour, puis renvoie un colis vide ou contenant un objet sans valeur. Le vendeur perd alors à la fois le produit et le paiement.
Pourquoi les vendeurs sont-ils ciblés ?
Les vendeurs particuliers sont souvent moins protégés que les acheteurs sur les plateformes de seconde main. Leurs profils sont perçus comme plus vulnérables, surtout s’ils ne prennent pas de mesures de preuve lors de l’envoi.
Quels articles sont les plus visés ?
Les produits de luxe ou de grande valeur, notamment les baskets de collection, les sacs de marque, les vêtements tendance difficiles à trouver en magasin, et les articles au-dessus de 50 euros.
Comment prouver qu’on a envoyé le bon article ?
En filmant l’emballage du colis, en pesant le paquet et en conservant la photo du poids, en gardant toutes les conversations avec l’acheteur, et en utilisant un envoi suivi avec numéro de suivi.
Quelles sont les sanctions en cas d’escroquerie ?
Le vol par ruse est puni de trois ans de prison et 45 000 euros d’amende. En cas de contrefaçon ou d’escroquerie organisée, les peines peuvent atteindre 300 000 euros d’amende et trois ans de prison.