À l’origine conçue comme une plateforme décontractée pour vendre ses vieux vêtements ou dénicher des pièces vintage à petit prix, Vinted a progressivement évolué bien au-delà de son statut de vide-dressing numérique. Ce qui était hier un moyen malin de désencombrer son armoire s’est transformé, pour certains, en une activité économique sérieuse, voire lucrative. Entre organisation rigoureuse, stratégie de vente et professionnalisation poussée, une nouvelle génération de vendeurs a su tirer parti de cette économie de la seconde main pour en faire un véritable business. Mais derrière ces succès, se posent des questions sur la régulation, la légalité, et les limites d’un modèle qui brouille la frontière entre usage personnel et commerce.
Qui sont ces “super vendeurs” qui dominent Vinted ?
Les profils les plus performants sur Vinted ne ressemblent plus à ceux d’il y a quelques années. Là où l’on trouvait des particuliers vendant quelques articles par-ci par-là, on croise désormais des micro-entrepreneurs qui écoulent plus de 300 pièces par mois. Leur chiffre d’affaires mensuel peut atteindre, voire dépasser, les 5 000 euros. Pour certains, comme Camille Lefèvre, 34 ans, ancienne chargée de communication à Lyon, cette transformation s’est faite naturellement. “Au départ, je vendais mes vêtements après une perte de poids. Puis j’ai remarqué que certaines marques, comme Sézane ou The Kooples, se vendaient très vite. J’ai commencé à acheter des pièces en solde, à les revendre avec une petite marge. En six mois, j’avais plus de revenus qu’à mon ancien poste.”
Camille n’est pas isolée. Selon une étude de l’UFC-Que Choisir publiée en 2024, près de 12 % des vendeurs réguliers sur Vinted génèrent plus de 1 000 euros par mois. Pour beaucoup, ces revenus ne sont pas accessoires : ils permettent de subvenir à des besoins essentiels, de financer des projets personnels, ou même de quitter un emploi salarié. “J’ai arrêté mon travail à temps partiel dans la restauration parce que mes ventes sur Vinted étaient plus stables et moins épuisantes”, confie Elias Bertrand, 28 ans, habitant de Lille, qui se spécialise dans la revente de sneakers rares.
Comment ces vendeurs atteignent-ils des performances si élevées ?
Quelles sont les clés d’un bon référencement sur Vinted ?
La réussite sur Vinted ne tient pas à la chance, mais à une stratégie bien rodée. Les “super vendeurs” traitent leur activité comme une véritable entreprise. Le choix des articles est le premier levier : privilégier les marques tendance (Nike, Zara, A.P.C., etc.), les pièces saisonnières (manteaux d’hiver, robes d’été) ou les objets cultes (sacs iconiques, baskets limitées). “Je fais des recherches chaque semaine sur les tendances mode. Je regarde ce qui se vend bien sur Instagram, TikTok, et je m’adapte”, explique Camille.
La mise en avant est tout aussi cruciale. Photos prises en lumière naturelle, fonds neutres, plusieurs angles, descriptions précises : chaque détail compte. “Un vêtement mal photographié, c’est une vente perdue. Je prends mes photos le matin, près de la fenêtre, avec un fond gris que j’ai acheté exprès”, raconte Elias. Certains vendeurs investissent même dans des mini-studios à domicile, avec éclairage professionnel et trépieds.
Quel est le meilleur moment pour publier une annonce ?
Le timing fait partie intégrante de la stratégie. Selon des analyses de données de Statista, les créneaux les plus rentables pour publier sur Vinted sont le dimanche soir et le lundi matin. “C’est là que les gens ont du temps libre, qu’ils consultent l’appli après le week-end. J’ai testé différentes heures pendant des mois, et c’est clairement le moment où mes annonces reçoivent le plus de vues”, affirme Camille. Certains utilisent des outils de planification ou publient en masse à ces horaires précis pour maximiser leur visibilité.
Comment fixer un prix qui incite à l’achat ?
La psychologie du consommateur joue un rôle central. Les vendeurs expérimentés utilisent des prix “ronds” ou “à 9” (ex. 19,99 €, 25 €) pour donner une impression de bon rapport qualité-prix. Ils pratiquent aussi des baisses progressives : “Je commence à 45 €, puis je descends à 39 € après trois jours. Cela crée un effet d’urgence, et souvent, la vente se fait juste après la réduction”, explique Elias. Certains surveillent en temps réel les prix des concurrents pour ajuster les leurs et rester compétitifs.
Pourquoi la rapidité d’expédition est-elle un atout majeur ?
Les acheteurs sur Vinted sont de plus en plus exigeants en matière de délais. Un vendeur qui expédie en moins de 48 heures gagne en crédibilité. “J’ai tout organisé : mes colis sont prêts, les étiquettes imprimées, j’ai un accord avec mon facteur pour qu’il passe tous les matins. Plus vite je livre, plus je monte dans le classement de la plateforme”, détaille Camille. Cette logistique bien huilée permet de fidéliser les acheteurs et d’obtenir de meilleures notes, ce qui améliore encore la visibilité des annonces.
Peut-on vraiment vivre de Vinted ?
Pour une minorité, la réponse est oui. Certains vendeurs ont transformé cette activité en source de revenus principale. Mais cela demande du temps, de l’investissement, et une gestion rigoureuse. “Je passe au moins quatre heures par jour sur Vinted : prise de photos, réponse aux messages, préparation des colis. C’est un vrai job”, reconnaît Elias. Camille, elle, a embauché une stagiaire en communication pour gérer les descriptions et les messages, tout en conservant le contrôle de la sélection des pièces.
Le revenu moyen des gros vendeurs se situe entre 2 000 et 3 000 euros par mois, mais les meilleurs dépassent largement ce seuil. Pourtant, cette réussite n’est pas sans risques. La Direction générale des finances publiques (DGFiP) rappelle que tout revenu issu de plus de 20 transactions annuelles ou dépassant 3 000 euros doit être déclaré. “Je suis passée à l’auto-entreprise l’année dernière. C’est plus sûr, même si ça implique de payer des charges”, précise Camille.
Quels sont les risques liés à la professionnalisation de Vinted ?
La revente massive est-elle autorisée ?
La politique de Vinted interdit en théorie la revente d’articles achetés en gros dans un but commercial. La plateforme se veut un espace de consommation responsable, pas un marché parallèle. Pourtant, cette règle est souvent contournée. Certains vendeurs rachètent des stocks invendus à des boutiques en liquidation, d’autres s’approvisionnent en masse chez des marques à prix cassés. “J’ai vu des profils qui vendaient 50 paires de baskets neuves la même semaine. Ce n’était clairement pas du surplus personnel”, témoigne Manon Dufresne, acheteuse assidue sur la plateforme.
Le risque de contrefaçon est-il réel ?
Oui, et il est de plus en plus surveillé. En 2023, la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) a signalé une augmentation des litiges liés aux faux articles de luxe vendus en ligne. Vinted a réagi en s’associant à des services comme Entrupy, une technologie d’authentification basée sur l’intelligence artificielle, pour vérifier l’origine des sacs Hermès, Louis Vuitton ou des sneakers rares. “J’ai eu un sac refusé parce que les coutures n’étaient pas conformes. J’ai perdu deux jours de vente, mais au moins, les acheteurs sont protégés”, explique Elias, qui a dû justifier l’origine de plusieurs pièces.
Cependant, la vigilance incombe aussi aux acheteurs. “Je vérifie toujours les photos, les commentaires, et je demande des détails supplémentaires. Sur Vinted, tout peut sembler parfait, mais il faut rester méfiant”, ajoute Manon.
Un nouveau modèle économique dans l’ère de la circularité ?
La montée des “super vendeurs” sur Vinted reflète un changement profond dans les comportements de consommation. En 2025, plus d’un Français sur deux a déjà utilisé la plateforme, selon Médiamétrie. Et 19 % des utilisateurs réguliers affirment avoir gagné plus de 500 euros en un an grâce à leurs ventes. Ce n’est plus seulement une mode, c’est une économie parallèle qui prend de l’ampleur.
Pour certains, comme Camille, cette activité a aussi un sens écologique. “Je recycle des vêtements qui seraient partis à la poubelle, je les remets en circulation. C’est bon pour la planète, et ça me permet de vivre.” Elias, lui, voit surtout une opportunité économique. “Dans mon quartier, beaucoup de jeunes font ça. Ce n’est pas honteux, c’est intelligent. On s’adapte à un monde où les emplois stables sont rares.”
Conclusion
Vinted n’est plus seulement une application de seconde main. Elle est devenue un terrain de jeu pour des micro-entrepreneurs qui, grâce à une organisation rigoureuse, transforment des vêtements en source de revenus. Derrière les photos impeccables et les descriptions soignées, il y a désormais des stratégies, des investissements, et parfois, des tensions avec les règles de la plateforme. Pour ceux qui maîtrisent les codes, Vinted peut devenir bien plus qu’un vide-dressing : un business viable, dans une économie qui valorise la circularité, la flexibilité, et l’initiative individuelle.
A retenir
Quel seuil de revenus doit-on déclarer à l’administration ?
Tout vendeur qui réalise plus de 20 transactions par an ou dont les revenus dépassent 3 000 euros annuels doit déclarer ses gains à la DGFiP. Cette obligation s’applique même si l’activité est exercée sur une plateforme de seconde main comme Vinted.
Peut-on être pro sur Vinted sans créer une entreprise ?
Techniquement, non. Si l’activité devient régulière et lucrative, il est fortement conseillé de passer par un statut officiel (auto-entrepreneur, micro-entreprise, etc.) pour être en conformité avec la loi et bénéficier d’une protection sociale.
Comment éviter les arnaques en tant qu’acheteur ?
Il est essentiel de vérifier les photos en détail, de lire les avis sur le vendeur, et de demander des informations complémentaires (étiquettes, marques, défauts). Méfiance en cas de prix trop bas ou d’annonces trop nombreuses en peu de temps.
Quelles marques se vendent le mieux sur Vinted ?
Les marques comme Nike, Zara, Sézane, The Kooples, A.P.C. ou encore Sandro et Maje sont particulièrement recherchées. Les sneakers, manteaux, sacs et pièces vintage ont également un fort potentiel de vente.
Est-il possible de gagner sa vie avec Vinted ?
Oui, pour certains. Avec une bonne stratégie, une logistique efficace et un suivi rigoureux des tendances, il est possible de générer entre 2 000 et 5 000 euros par mois. Cela demande toutefois un investissement en temps, en argent, et une gestion professionnelle de l’activité.