Chaque automne, alors que les feuilles commencent à tomber et que l’air se fait plus frais, un phénomène silencieux mais tenace s’installe dans les jardins français : l’arrivée des rats. Moins visible que les écureuils ou les oiseaux, leur présence se devine à des signes discrets mais révélateurs. En septembre, ces rongeurs sortent de l’ombre, attirés par des conditions climatiques et humaines qui leur sont particulièrement favorables. Ce n’est pas un hasard si les signalements s’intensifient à cette période. Entre réchauffement climatique, habitudes de tri et aménagement extérieur, plusieurs facteurs convergent pour transformer certains jardins en sanctuaires involontaires pour Rattus norvegicus, le rat brun. Comprendre pourquoi, c’est déjà commencer à agir.
Pourquoi les rats sont-ils si présents en septembre ?
Septembre marque une transition clé dans le cycle de vie des rats. Les températures douces, ni trop chaudes ni trop froides, leur permettent de se déplacer sans effort. L’humidité croissante, liée aux premières pluies automnales, favorise la prolifération des micro-organismes dans les déchets organiques, amplifiant les odeurs qui guident leur recherche de nourriture. Mais surtout, le réchauffement climatique a profondément modifié leur comportement. Selon l’INRAE, la saison de reproduction des rats s’est allongée de plusieurs semaines ces dernières années, passant d’un pic estival à une activité quasi continue de mai à novembre. Moins de stress thermique, plus de ressources : les villes et leurs périphéries deviennent des territoires idéaux.
À Paris, on estime leur population à plus de quatre millions, soit deux rats par habitant. Une statistique qui choque, mais qui s’explique par l’urbanisation dense, les réseaux souterrains et, surtout, la facilité avec laquelle ils trouvent à manger. Le jardinier amateur n’est pas à l’abri. Bien au contraire : c’est souvent dans les zones mi-urbaines, où nature et habitat se mêlent, que les rats trouvent les meilleures conditions pour s’installer durablement.
Comment les rats repèrent-ils un jardin accueillant ?
Le rat brun possède un odorat redoutable. Capable de détecter des résidus alimentaires à plus de cent mètres, il navigue comme un chasseur nocturne, guidé par des effluves invisibles. Un pain rassis, des épluchures de pomme, un reste de pâtes dans un sac-poubelle : autant de signaux olfactifs qui, pour un humain, passent inaperçus, mais qui, pour un rat, équivalent à une invitation à dîner.
C’est là que l’erreur la plus banale devient fatale : poser un sac-poubelle à même le sol, la veille du ramassage. Même bien noué, le plastique fin n’empêche pas les odeurs de s’échapper. Et face aux incisives acérées des rats, un sac-poubelle n’est qu’un vulgaire emballage à déchirer. En quelques minutes, une nuit, ils ont accès à un buffet. Et une fois qu’ils ont trouvé une source fiable, ils y reviennent. Régulièrement. Jusqu’à s’installer à proximité.
Clara Dubois, habitante d’un petit pavillon à Montreuil, raconte : « J’ai commencé à voir des traces sous ma haie. Je pensais à des souris. Puis, un matin, j’ai trouvé le sac-poubelle déchiqueté, éparpillé sur trois mètres. En une semaine, ils étaient cinq à tourner autour du cabanon. » Son erreur ? Sortir les déchets la veille au soir, sans bac. « Je croyais que le sac bien fermé suffisait. Je me trompais. »
Quels sont les risques réels d’une infestation de rats ?
La présence de rats n’est pas une simple gêne esthétique ou sonore. Elle pose des risques sanitaires sérieux. L’ANSES alerte régulièrement sur la leptospirose, une maladie bactérienne transmise par l’urine de rats. Elle peut contaminer l’eau de pluie stagnante, la terre du potager, ou les surfaces fréquentées. Les symptômes, souvent confondus avec une grippe, peuvent évoluer vers des complications hépatiques ou rénales si non traités.
En 2023, plusieurs cas ont été signalés dans des jardins partagés de Lyon et de Nantes, notamment chez des personnes ayant manipulé de la terre sans gants. « J’ai eu de la fièvre, des douleurs musculaires, et je pensais à une infection virale », témoigne Julien Mercier, maraîcher amateur. « Le diagnostic de leptospirose est tombé deux semaines plus tard. Depuis, je porte des gants, et je fais très attention à la propreté de mon espace. »
Les dégâts matériels peuvent-ils être importants ?
Les rats ne se contentent pas de manger. Ils rongent. Câbles électriques, tuyaux d’arrosage, isolation des cabanons : tout ce qui est organique ou souple devient une cible. À Bordeaux, une famille a dû faire face à une panne électrique généralisée causée par des rats ayant sectionné les fils d’alimentation d’un abri de jardin. Le coût de la réparation s’est élevé à plus de 2 500 euros.
Les municipalités ne sont pas épargnées. Certaines, comme Villeurbanne ou Saint-Denis, ont vu leurs budgets de dératisation exploser ces trois dernières années, avec des dépenses annuelles dépassant les 50 000 euros. Les entreprises spécialisées constatent une hausse de 28 % des interventions en jardin privé entre septembre et novembre 2023. « Avant, on intervenait surtout en centre-ville ou dans les immeubles », explique Léa Fournier, technicienne en lutte contre les nuisibles. « Aujourd’hui, ce sont des pavillons, des maisons avec jardin, qui nous appellent. Les rats sont partout. »
Comment empêcher les rats de s’installer ?
La prévention est la clé. Et elle repose sur des gestes simples, mais souvent négligés. Le premier principe : éliminer toute source d’odeur alimentaire accessible. Cela commence par la gestion des déchets.
Le bac fermé est-il indispensable ?
Oui, et ce n’est pas une option. Un bac rigide, muni d’un couvercle hermétique, est la meilleure barrière contre les rongeurs. Contrairement au sac-poubelle posé à même le sol, il limite la diffusion des odeurs et résiste aux tentatives d’intrusion. Même si le sac à l’intérieur est bien fermé, le conteneur joue un rôle de double protection.
En l’absence de bac, une alternative existe : poser le sac sur une surface surélevée, dégagée, loin des haies, des buissons ou des murs. Une palette en bois, un plot en béton, ou même une table de jardin peuvent suffire. L’idée est de priver les rats de couvert et de rendre l’accès plus difficile.
Quelle est l’importance du timing ?
Sortir les déchets la veille au soir est une habitude profondément ancrée. Mais elle est aussi l’une des principales causes d’infestation. En sortant les poubelles le matin même du ramassage, on réduit drastiquement la fenêtre d’exposition. Une nuit, c’est le temps qu’il faut à un rat pour repérer, attaquer et marquer un site comme source alimentaire fiable. En limitant cette opportunité, on casse la chaîne.
« Depuis que je sors mes poubelles à 7h du matin, plus aucun signe de rats », confirme Thomas Lenoir, retraité à Rennes. « C’est un petit effort, mais ça change tout. »
Et l’entretien du jardin, quel rôle joue-t-il ?
Un jardin bien entretenu est un jardin moins vulnérable. Les rats cherchent des cachettes : tas de bois, compost mal géré, haies denses, cabanons mal isolés. Or, ces zones deviennent des refuges idéaux, surtout en automne. Il est donc crucial de nettoyer régulièrement les recoins, de déplacer les matériaux stockés, et de sécuriser les abris.
Le compost, en particulier, est un piège fréquent. Il attire les rats s’il contient des restes de cuisine non compostables ou s’il n’est pas suffisamment aéré. Un compost fermé, ventilé, et sans accès direct au sol est la meilleure solution. « J’ai mis un composteur en bois surélevé, avec une grille métallique », raconte Élodie Vasseur, habitante de Grenoble. « Avant, je voyais des traces tous les matins. Depuis, plus rien. »
Peut-on compter sur des solutions naturelles ou répulsives ?
De nombreuses solutions maison circulent : feuilles d’aluminium, huiles essentielles, ultrasons. En réalité, aucune n’a fait ses preuves à long terme. Les rats s’adaptent vite. Les ultrasons, par exemple, peuvent les déranger initialement, mais ils finissent par s’y habituer. Les odeurs fortes, comme la menthe ou l’eucalyptus, ont un effet ponctuel, mais ne remplacent pas une gestion rigoureuse des déchets.
La seule stratégie durable repose sur la suppression des ressources : nourriture, eau, abri. Sans cela, aucun répulsif ne suffira.
Que faire en cas de présence avérée ?
Si des galeries, des crottes ou des bruits nocturnes sont observés, il est temps d’agir. La première étape consiste à identifier les points d’entrée et les sources d’attraction. Puis, nettoyer en profondeur, sécuriser les déchets, et boucher les accès potentiels.
En cas d’infestation avérée, il est fortement conseillé de faire appel à un professionnel. Les pièges amateurs peuvent aggraver la situation en dispersant la colonie sans l’éliminer. Un technicien identifiera les nids, posera des pièges adaptés, et proposera un plan de prévention sur mesure.
Conclusion
Les rats ne sont pas des intrus par hasard. Leur présence en septembre est le résultat d’un équilibre fragile entre climat, urbanisation et comportements humains. En adoptant quelques gestes simples — utiliser un bac fermé, sortir les déchets au dernier moment, entretenir son extérieur — on peut éviter de devenir un relais involontaire pour ces rongeurs. La vigilance, surtout en automne, est la meilleure alliée du jardinier soucieux de tranquillité et de santé. Car un jardin sain, c’est d’abord un jardin bien géré.
A retenir
Pourquoi les rats sont-ils plus actifs en septembre ?
Les températures douces, l’humidité croissante et l’allongement de la saison de reproduction liée au réchauffement climatique rendent cette période particulièrement favorable à l’activité des rats. Ils quittent les égouts pour explorer les jardins à la recherche de nourriture et d’abris.
Un sac-poubelle bien fermé suffit-il à les repousser ?
Non. Même bien noué, un sac en plastique diffuse des odeurs que les rats peuvent détecter à plus de 100 mètres. De plus, leurs incisives percent facilement le plastique. Le sac doit être placé dans un bac rigide fermé, ou sur une surface surélevée et dégagée.
Quels sont les dangers sanitaires liés aux rats ?
Les rats peuvent transmettre la leptospirose par leur urine, une maladie potentiellement grave. Ils contaminent la terre, l’eau stagnante ou les surfaces extérieures. Le contact, même indirect, peut entraîner une infection nécessitant un traitement médical.
Peut-on empêcher l’infestation sans recourir à des produits chimiques ?
Oui. La prévention passe par la suppression des ressources : nourriture, eau, abri. En adoptant de bonnes pratiques de gestion des déchets et d’entretien du jardin, on peut dissuader durablement les rats sans utiliser de pesticides ou de pièges toxiques.
Quand faire appel à un professionnel ?
Dès qu’il y a des signes visibles d’occupation — galeries, crottes, bruits nocturnes — et surtout si l’on suspecte la présence d’un nid. Un technicien en lutte contre les nuisibles peut intervenir efficacement, sans risque de dispersion de la colonie.