Alors que l’automne pointe doucement son nez et que les enfants reprennent le chemin de l’école, une présence discrète, mais de plus en plus remarquée, s’invite dans les jardins français : celle des serpents. Contrairement aux idées reçues, ces reptiles ne battent pas en retraite avec la fin de l’été. Bien au contraire, septembre marque une période d’activité accrue, notamment dans les régions méridionales et occidentales du pays. Ce regain d’activité n’est pas anodin : il s’inscrit dans un cycle biologique précis, amplifié par les changements climatiques et certaines habitudes humaines, parfois bien involontaires. À l’heure où les températures restent élevées et où les jardins offrent encore des refuges idéaux, comprendre ce phénomène devient essentiel pour éviter les mauvaises surprises — et apprendre à cohabiter sereinement avec ces hôtes silencieux.
Pourquoi les serpents sont-ils plus actifs en septembre en France ?
Le mois de septembre correspond à une phase cruciale dans la vie des serpents : celle de la préparation à l’hibernation. Alors que les jours raccourcissent et que l’air devient plus frais, ces reptiles doivent accumuler suffisamment d’énergie pour traverser l’hiver. C’est donc une période de chasse intense, où ils se déplacent davantage à la recherche de proies — souris, grenouilles, insectes — et de lieux abrités pour passer les mois froids.
Le phénomène est particulièrement marqué dans le sud-ouest de la France, où les étés sont de plus en plus longs et secs. Selon les données du CHU d’Angers, centre de référence national en matière de morsures de serpents, le nombre de cas traités a augmenté de manière constante depuis 2022. Cette tendance s’explique en partie par la canicule prolongée, qui repousse les comportements hivernaux et maintient les serpents actifs plus longtemps. En outre, l’urbanisation croissante des zones rurales réduit leur habitat naturel, les poussant à s’approcher des habitations.
Élise Reynaud, biologiste spécialisée en herpétologie à Montpellier, observe : « Les serpents ne sont pas agressifs par nature. Ce qu’ils cherchent, c’est un endroit frais, humide et discret pour se reposer ou hiberner. Or, nos jardins, avec leurs haies, murets et zones ombragées, leur offrent exactement ce dont ils ont besoin. »
Où se cachent les serpents dans les jardins ?
Les reptiles privilégient les zones de transition entre nature sauvage et espace domestique. Les talus, les murets en pierre sèche, les tas de bois ou encore les buissons denses sont des refuges naturels. Mais l’un des lieux les plus improbables — et pourtant les plus fréquents — est un objet que presque tous les jardiniers possèdent : le tuyau d’arrosage.
Lorsqu’il est laissé au sol, enroulé ou étendu, le tuyau devient un abri idéal. Sa forme cylindrique permet aux serpents de s’y glisser facilement, tandis que l’humidité résiduelle, la condensation nocturne et la chaleur emmagasinée par le matériau créent un microclimat parfait. « C’est comme une grotte miniature », explique Julien Mercier, garde-moniteur dans un parc naturel en Dordogne. « Le tuyau offre protection, fraîcheur et discrétion. Pour un serpent, c’est une opportunité qu’il ne laisse pas passer. »
Quels types de serpents sont concernés ?
Deux espèces sont principalement rencontrées dans les jardins français : la vipère aspic et la couleuvre. La première, venimeuse, est souvent crainte. Pourtant, elle n’attaque que lorsqu’elle se sent menacée — par un piétinement ou une manipulation brusque. La seconde, beaucoup plus fréquente, est totalement inoffensive pour l’homme. Longue parfois jusqu’à 1,50 mètre, la couleuvre verte et jaune est même bénéfique : elle régule naturellement les populations de rongeurs et d’insectes.
Théo, un retraité de 68 ans vivant près de Toulouse, raconte : « J’ai trouvé une couleuvre dans mon tuyau un matin en voulant arroser mes tomates. J’ai eu un choc, mais le garde-champêtre m’a rassuré. Il m’a dit qu’elle me rendait service en mangeant les limaces. Depuis, je range mon tuyau, mais je ne la chasse plus. »
Pourquoi le tuyau d’arrosage attire-t-il autant les serpents ?
Plusieurs facteurs expliquent cette attirance. D’abord, la chaleur : même en fin de journée, un tuyau noir exposé au soleil peut rester tiède, offrant une source de thermorégulation pour un animal à sang froid. Ensuite, l’humidité : après un arrosage, l’eau qui stagne ou s’évapore lentement crée une atmosphère propice. Enfin, la discrétion : un tuyau enroulé ressemble à un terrier naturel, caché à l’abri des regards.
Des études menées par l’Utah State University Extension aux États-Unis ont montré que les serpents choisissent fréquemment les tuyaux abandonnés comme refuge. Cette observation, initialement faite outre-Atlantique, se vérifie désormais en France, où les habitudes de jardinage — comme laisser le tuyau traîner — favorisent involontairement ces intrusions.
« Ce n’est pas le serpent qui vient chez vous, c’est vous qui lui construisez une maison », ironise Élise Reynaud. « En ne rangeant pas ce tuyau, on lui offre un hôtel 5 étoiles. »
Comment éviter que les serpents s’installent dans votre jardin ?
Prévenir les intrusions ne demande ni grands travaux ni produits chimiques. Quelques gestes simples suffisent à rendre votre jardin moins accueillant pour les reptiles.
1. Rangez systématiquement le tuyau d’arrosage
La règle d’or est de ne jamais le laisser au sol. Utilisez un enrouleur mural ou un support sur pied. En l’élevant du sol, vous supprimez non seulement l’abri, mais aussi l’humidité accumulée en dessous.
2. Éliminez les zones d’ombre et d’humidité inutiles
Les serpents fuient la lumière et le bruit. Débarrassez-vous des tas de feuilles mortes, des bâches plastiques posées à même le sol, ou des vieux pots empilés. Ces accumulations créent des zones d’ombre et d’humidité, idéales pour les reptiles — mais aussi pour les rongeurs, qu’ils viennent chasser.
3. Vérifiez les fuites d’eau
Un tuyau qui goutte ou une canalisation défectueuse peut créer une mare miniature, attirant insectes, amphibiens… et donc serpents. Une inspection régulière des raccords et des robinets permet d’éviter ces micro-écosystèmes involontaires.
4. Entretenez votre pelouse et vos haies
Une herbe trop longue ou des buissons mal taillés offrent des couloirs de déplacement discrets. En maintenant un espace dégagé, vous limitez les passages furtifs et augmentez vos chances de repérer un serpent avant qu’il ne s’installe.
Que faire en cas de rencontre avec un serpent ?
Paniquer est la pire réaction. La majorité des morsures surviennent parce qu’un humain tente de chasser ou de tuer le reptile, souvent à mains nues. Or, même une vipère ne mord que si elle se sent acculée.
Le protocole est simple : restez calme, éloignez-vous doucement, et surtout, n’essayez pas de l’attraper. Si le serpent est dans un lieu fréquenté (proche d’une terrasse, d’un bac à sable, ou d’un abri de jardin), il est conseillé de contacter les services de la mairie ou un spécialiste de la faune locale. En cas de morsure, il faut immédiatement appeler le centre antipoison (0 800 59 59 59) et limiter les mouvements de la zone touchée.
Camille, une mère de famille habitant près de Nîmes, témoigne : « Mon fils a vu un serpent sous le tuyau. Il a crié, j’ai accouru… et j’ai failli le taper avec un balai. Heureusement, mon voisin, un ancien guide nature, m’a arrêtée. Il a appelé un spécialiste qui l’a capturé sans danger. Depuis, j’explique à mes enfants que les serpents ne sont pas des monstres. »
Comment cohabiter avec les serpents ?
Plutôt que de les considérer comme une menace, il est possible de les voir comme des alliés du jardin. Les couleuvres, en particulier, sont des régulateurs naturels. Leur présence signifie souvent que l’écosystème local est équilibré.
Adopter une approche bienveillante ne signifie pas laisser les serpents s’installer n’importe où. Il s’agit plutôt d’éviter les comportements qui les attirent — comme laisser traîner des objets ou négliger l’entretien — tout en respectant leur rôle écologique.
Julien Mercier conclut : « On ne vivra jamais sans serpents dans le sud de la France. Alors autant apprendre à les connaître, à les éviter sans les craindre, et à respecter leur place dans la nature. »
A retenir
Pourquoi les serpents sont-ils plus actifs en septembre ?
Les serpents se préparent à l’hibernation et doivent accumuler de l’énergie. Cette période de recherche de nourriture et d’abri coïncide avec les dernières chaleurs de l’année, rendant leur activité plus visible, surtout dans le sud et l’ouest de la France.
Le tuyau d’arrosage est-il vraiment un refuge pour les serpents ?
Oui. Laisser un tuyau au sol, surtout s’il est humide ou enroulé, crée un microclimat idéal : frais, sombre, discret. C’est un abri fréquemment utilisé par les couleuvres et parfois par les vipères.
Quelle est la meilleure façon de prévenir les intrusions de serpents ?
Ranger le tuyau après chaque utilisation, éliminer les zones d’ombre et d’humidité, entretenir le jardin, et vérifier les fuites d’eau. Ces gestes simples réduisent fortement les risques.
Les serpents du jardin sont-ils dangereux ?
La plupart ne le sont pas. La couleuvre est inoffensive. La vipère, bien qu’elle soit venimeuse, ne mord que si elle se sent menacée. La prudence est de mise, mais la peur n’a pas sa place.
Que faire en cas de morsure ?
Ne pas paniquer, limiter les mouvements du membre touché, et appeler immédiatement le centre antipoison au 0 800 59 59 59. Ne pas tenter de sucer le venin ni de faire un garrot.