En ce début d’automne 2025, un silence s’installe progressivement dans les jardins français. Un silence qui n’a rien de paisible : il est le signe d’une disparition insidieuse. Le hérisson, ce petit mammifère nocturne autrefois familier, tapissant les pelouses de ses pas furtifs, est en voie de s’effacer. L’Office français de la biodiversité vient de publier un constat alarmant : en deux décennies, la population de hérissons a chuté de 70 %. Ce déclin massif, loin d’être anecdotique, révèle une crise écologique qui se joue à notre porte, dans nos quartiers, derrière nos clôtures. Pourtant, une solution simple, presque symbolique, pourrait inverser la tendance : un trou de 13 centimètres de côté. Ce geste minuscule, à la portée de tous, ouvre bien plus qu’un passage. Il ouvre une porte sur un avenir où la nature reprend sa place, pas à pas, jardin après jardin.
Pourquoi les hérissons disparaissent-ils si vite ?
Le déclin du hérisson n’est pas le fruit du hasard. Il est le résultat d’un environnement de plus en plus hostile. Urbanisation galopante, multiplication des surfaces imperméables, usage intensif des pesticides, et surtout, fragmentation des habitats : chaque élément joue son rôle dans l’effondrement de cette espèce protégée depuis 1981. Mais un facteur, souvent sous-estimé, pèse lourdement sur leur survie : les clôtures hermétiques.
Chaque nuit, un hérisson peut parcourir jusqu’à trois kilomètres à la recherche de nourriture. Il se nourrit de limaces, d’escargots, de larves d’insectes – autant de ravageurs pour les cultures. Mais lorsque les jardins sont entourés de murs sans ouverture, ces petits mammifères se retrouvent piégés dans des zones trop petites pour subvenir à leurs besoins. « J’ai grandi avec les hérissons », raconte Élodie Vasseur, habitante de Compiègne. « Quand j’étais enfant, on en voyait presque chaque soir. Maintenant, je n’en ai pas vu depuis trois ans. Et pourtant, mon jardin est toujours là, avec ses haies, ses massifs. Mais il est fermé, comme une prison. »
Le problème ne s’arrête pas là. Confinés, les hérissons sont contraints de longer les routes pour trouver un passage, exposant leur vie à chaque trajet. La Société Française pour l’Étude et la Protection des Mammifères estime que 1,8 million d’individus sont écrasés chaque année. « Ce chiffre est insoutenable », affirme le biologiste Julien Mercier, chargé de recherche au Muséum national d’Histoire naturelle. « Nous ne parlons pas d’un animal sauvage lointain, mais d’un voisin discret, qui vivait en harmonie avec nous. Le perdre, c’est perdre un maillon essentiel de l’équilibre local. »
Comment un trou de 13 cm peut-il sauver une espèce ?
La réponse tient dans un geste d’apparence anodine : percer un passage de 13 cm sur 13 cm au bas d’une clôture. Ce carré, à peine plus grand qu’une main d’adulte, devient un corridor écologique miniature. Il permet aux hérissons de circuler librement entre jardins, d’accéder à des ressources alimentaires variées, de trouver un abri pour hiberner, et surtout, de se reproduire.
« Au départ, j’ai fait ce trou par curiosité », confie Malik Benhima, jardinier amateur à Montreuil. « Un voisin m’avait parlé de ce geste. J’ai installé une petite caméra. La première nuit, j’ai vu un hérisson passer. Puis un autre. Et puis, j’ai remarqué qu’il revenait régulièrement. Il avait trouvé un refuge. » Depuis, Malik a transformé son jardin en havre de biodiversité : il a planté des haies indigènes, limité l’arrosage, et installé un petit abri en bois. « Ce n’est pas grand-chose, mais je sens que quelque chose revient. »
Le Muséum national d’Histoire naturelle a mené en 2024 une étude sur la continuité écologique dans les zones périurbaines. Résultat : les jardins privés, lorsqu’ils sont connectés, peuvent représenter jusqu’à 15 % du maillage vert local. « Ces corridors sont des artères vitales », explique Julien Mercier. « Ils permettent aux espèces de migrer, de s’adapter au changement climatique, et de maintenir une diversité génétique. Un trou dans une clôture, c’est une infime parcelle d’espoir, mais collectivement, cela peut changer la donne. »
Quels sont les bénéfices pour le jardinier ?
Accueillir les hérissons, c’est aussi faire un choix pragmatique. Ces animaux sont de redoutables alliés contre les nuisibles. Un seul hérisson peut consommer jusqu’à 200 limaces par nuit. « Avant, je passais mon temps à ramasser les escargots sur mes salades », témoigne Cécile Laroche, maraîchère à la retraite dans le Gers. « Depuis que j’ai ouvert des passages, je vois moins de dégâts. Et je n’utilise plus aucun produit chimique. »
Les bénéfices dépassent la simple régulation des insectes. Les hérissons, en se déplaçant, favorisent la circulation des micro-organismes dans le sol. Leur présence stimule l’activité biologique, améliorant la structure et la fertilité du terrain. De plus, en permettant aux crapauds, aux grenouilles et aux insectes auxiliaires de circuler, ces passages miniatures renforcent la biodiversité du jardin.
La Ligue pour la Protection des Oiseaux souligne également que ces corridors profitent aux oiseaux insectivores. « Moins de pesticides, plus d’insectes, plus d’oiseaux », résume Camille Dubreuil, chargée de mission à la LPO. « C’est un cercle vertueux. En aidant les hérissons, on aide tout un écosystème. »
Comment installer un passage pour hérisson ?
Installer un passage est à la portée de tous. Trois méthodes simples permettent de créer une ouverture sans compromettre la sécurité du jardin :
- Découper un carré de 13 x 13 cm au ras du sol dans une clôture en bois ou en grillage.
- Soulever légèrement une latte de bois ou un panneau existant, en laissant un espace libre au bas.
- Creuser un petit tunnel sous une dalle ou un muret, en le consolidant avec un tuyau ou une plaque de protection.
Il est conseillé de placer ces passages entre jardins, et non face à une route. Pour les propriétaires de chiens, une grille amovible peut être installée : elle laisse passer les hérissons, mais empêche les chiens de sortir. « J’ai mis une petite grille en métal que je retire le soir », explique Malik Benhima. « Mon chien ne passe pas, mais le hérisson, lui, a libre accès. »
Un geste symbolique, mais puissant
Ce trou de 13 cm n’est pas qu’une mesure technique. Il est un symbole de cohabitation. Il incarne une prise de conscience collective : notre espace privé peut devenir un espace partagé, un refuge pour la vie sauvage. « Quand j’ai vu le premier hérisson traverser mon jardin, j’ai eu les larmes aux yeux », confie Élodie Vasseur. « C’était comme un retour du vivant. Comme si la nature me disait merci. »
Ce geste, simple et gratuit, transforme le jardin en un acteur de la préservation de la biodiversité. Il invite à repenser notre rapport à l’environnement : non pas comme un domaine à dominer, mais comme un écosystème à entretenir. Chaque passage ouvert est une promesse : celle d’un monde où l’humain et le sauvage peuvent coexister.
A retenir
Le hérisson est-il vraiment en danger en France ?
Oui. Selon l’Office français de la biodiversité, la population de hérissons a diminué de 70 % en vingt ans. L’espèce est désormais classée comme vulnérable, voire en danger dans certaines régions. Bien qu’elle soit protégée par la loi depuis 1981, son déclin s’accélère en raison de la fragmentation des habitats, de la circulation routière et des pratiques jardinères peu favorables.
Pourquoi un trou de 13 cm est-il suffisant ?
Les hérissons ont besoin d’un passage d’au moins 13 cm sur 13 cm pour circuler librement. Cette taille est idéale : elle permet aux hérissons, aux grenouilles et à de nombreux insectes de passer, tout en restant trop petite pour les chiens ou les chats errants, qui peuvent facilement sauter par-dessus une clôture.
Est-ce que cela attire d’autres animaux indésirables ?
Non. Les animaux qui profitent de ces passages sont principalement des espèces bénéfiques : hérissons, amphibiens, insectes auxiliaires. Les nuisibles comme les rongeurs ou les renards ne sont pas attirés par ce type d’ouverture, qui ne facilite pas leur accès. Au contraire, la présence de prédateurs naturels comme le hérisson aide à réguler ces populations.
Faut-il demander l’autorisation à son voisin ?
Il est fortement recommandé de discuter avec les voisins avant de créer un passage, surtout si la clôture est mitoyenne. Cependant, ce geste est généralement bien accueilli, d’autant qu’il peut bénéficier à plusieurs jardins. Certaines communes encouragent même ces initiatives en distribuant des kits ou en organisant des ateliers de sensibilisation.
Peut-on installer un passage dans un jardin en ville ?
Absolument. Les hérissons sont présents même en milieu urbain, notamment dans les jardins, les parcs et les friches végétalisées. Les villes comme Lille, Nantes ou Lyon ont lancé des campagnes pour encourager les habitants à ouvrir des passages. En milieu dense, ces corridors sont encore plus essentiels, car les animaux ont moins d’espaces naturels pour se déplacer.
Quels autres gestes peuvent accompagner l’installation d’un passage ?
Ouvrir un passage est une excellente première étape. On peut ensuite enrichir le jardin en y ajoutant des abris à hérissons (caisses en bois remplies de feuilles mortes), en évitant les pesticides, en laissant des zones de friche, en plantant des espèces locales, et en installant une petite mare. Chaque élément contribue à créer un refuge durable pour la faune utile.