Chaque automne, alors que les feuilles tombent et que l’air se rafraîchit, un phénomène silencieux s’installe dans des milliers de foyers : l’intrusion des souris. Ces petits rongeurs, discrets et rusés, ne frappent pas à la porte, ne laissent aucun avertissement. Pourtant, ils trouvent toujours un moyen de s’inviter, profitant de failles invisibles que nous négligeons. Ce que beaucoup ignorent, c’est que l’invasion commence rarement par une brèche spectaculaire, mais par un détail microscopique, souvent humide, presque imperceptible. Et c’est précisément là que réside le danger.
Pourquoi les souris choisissent-elles votre maison ?
À première vue, une souris semble fragile, vulnérable au froid. Pourtant, c’est un animal extrêmement adapté à la survie urbaine. Dès que les températures chutent, elle devient une chercheuse méthodique d’abris confortables. Ce qu’elle recherche, ce n’est pas seulement un toit, mais un environnement stable : chaleur, humidité, calme, et surtout, une proximité avec de la nourriture. Ce trio – chaleur, humidité, accès à la nourriture – constitue un véritable signal d’appel pour ces rongeurs.
Les études le confirment : selon une synthèse réalisée en mai 2025 par le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC), un taux d’humidité intérieur dépassant 60 % double le risque d’infestation. Les zones les plus vulnérables ne sont pas les pièces à vivre, mais celles que nous oublions : l’arrière de l’armoire sous l’évier, les gaines techniques, les soupentes, ou encore les espaces confinés derrière les appareils électroménagers. Ce sont ces recoins humides, mal ventilés, que les souris transforment en véritables nids.
Le témoignage de Clémentine Béranger, architecte spécialisée en habitat durable à Lyon, illustre bien ce phénomène : « J’ai découvert une famille de souris dans le faux-plafond de ma cuisine, près d’un conduit de ventilation mal isolé. Il n’y avait aucune trace visible, jusqu’au jour où j’ai entendu des grattements. En inspectant, j’ai trouvé un trou d’à peine 1 cm, avec des traces d’humidité. C’est là que tout avait commencé. »
Quels sont les points d’entrée les plus fréquents ?
La plupart des gens imaginent que les souris entrent par des portes mal fermées ou des fenêtres brisées. En réalité, elles exploitent des failles invisibles. Une enquête du National Pest Management Association (NPMA) publiée en août 2025 révèle que 65 % des infestations débutent par des ouvertures inférieures à 1,5 cm – parfois même de 6 mm, la taille d’une pièce de 1 euro. Ce genre de passage est souvent lié à des installations techniques : tuyaux, câbles électriques, bouches d’aération.
Un joint mal posé autour d’un tuyau d’évacuation, un trou laissé par un câble internet ancien, une fente sous un meuble de cuisine mal calé contre le mur… autant de portes d’entrée que nous ne voyons jamais. « Les souris ne creusent pas, elles s’infiltrent », explique Raphaël Tournier, technicien en lutte antiparasitaire à Bordeaux. « Elles sentent l’humidité, la chaleur, et elles suivent ces signaux comme une boussole. Une fois qu’elles trouvent une faille, elles s’y faufilent sans effort. »
Le cas de Julien Mercier, habitant d’un immeuble ancien à Nantes, est parlant. « J’ai remarqué des miettes près du lave-vaisselle, mais je pensais à des négligences. Puis j’ai vu des petites crottes. En déplaçant l’appareil, j’ai découvert un trou minuscule derrière, là où passait l’arrivée d’eau. L’humidité avait ramolli le joint, et la souris était entrée par là. En trois semaines, elles étaient cinq. »
Comment repérer les signes avant-coureurs ?
Les souris sont des animaux nocturnes et discrets. Elles évitent les contacts, ce qui rend leur présence difficile à détecter dans un premier temps. Pourtant, certains indices ne trompent pas. Des crottes minuscules (de 3 à 6 mm), des traces de griffures sur les murs ou les meubles, des fils électriques rongés, ou encore une odeur musquée persistante dans les coins fermés.
Mais le plus inquiétant, c’est ce que révèle le rapport 2025 de l’AFSCA (Agence fédérale belge pour la sécurité alimentaire) : 41 % des foyers touchés n’avaient vu aucun signe avant l’infestation. Cela signifie que les souris étaient déjà installées, parfois depuis des semaines, sans que personne ne s’en rende compte. « Elles sont comme des squatters invisibles », commente Raphaël Tournier. « Elles vivent derrière les murs, dans les cloisons, et ne se montrent que quand la population est trop importante. »
Le témoignage de Léa Delmas, mère de deux enfants à Lille, est alarmant : « J’ai trouvé une souris morte dans le placard de la cuisine. En inspectant, j’ai vu des nids faits de papier et de laine. Je n’avais rien vu venir. Et pourtant, mes enfants jouaient à côté tous les jours. »
Quelles actions concrètes prendre pour les repousser ?
La bonne nouvelle, c’est qu’il n’est pas nécessaire de recourir à des poisons ou des traitements chimiques agressifs. La lutte intégrée contre les rongeurs repose sur la prévention, l’hygiène et la fermeture des accès. Voici les gestes essentiels à appliquer dès maintenant :
Passez la maison au peigne fin
Inspectez tous les recoins : derrière le réfrigérateur, sous les meubles bas, autour des canalisations, derrière les machines à laver. Utilisez une lampe de poche pour repérer les trous ou les traces d’humidité.
Calfeutrez les interstices
Tout espace de plus de 6 mm doit être obturé. La laine d’acier est particulièrement efficace : les souris ne peuvent pas la ronger. On peut aussi utiliser du grillage galvanisé ou un mastic acrylique résistant. Attention : le silicone ordinaire ne suffit pas, il est trop mou.
Contrôlez l’humidité
Un taux d’humidité intérieur idéal se situe entre 40 et 55 %. Au-delà, l’air devient propice à la condensation, donc à l’attraction des rongeurs. Dans les zones techniques, un déshumidificateur ou des absorbeurs d’humidité peuvent faire une grande différence.
Rangez la nourriture
Les croquettes pour animaux, la farine, le pain, les graines… doivent être stockés dans des contenants hermétiques en plastique rigide ou en verre. Même les miettes oubliées derrière un meuble peuvent servir de repère olfactif aux souris.
Nettoyez les zones oubliées
Derrière les meubles, sous les étagères, autour des machines : ces endroits accumulent poussière, miettes et humidité. Un nettoyage régulier, au moins une fois par mois, suffit souvent à dissuader les intrus.
Évitez les pièges à glu et les ultrasons
Contrairement à ce que l’on croit, ces solutions sont inefficaces. Le rapport de la DGCCRF de février 2025 les déconseille formellement : les pièges à glu sont inhumains et souvent contournés, tandis que les répulsifs ultrasons n’ont aucun effet durable. Les souris s’y habituent en quelques jours.
Quand l’oubli devient une habitude : le vrai danger
Le problème ne vient pas toujours de la structure du logement, mais de nos habitudes. Un sac de croquettes laissé ouvert, un linge entassé dans le garage, une boîte de conserve entamée oubliée dans le cellier… autant de détails qui, pris isolément, semblent anodins, mais qui, cumulés, créent un environnement idéal pour les rongeurs.
Le plus grand risque, c’est la zone technique qu’on ne visite jamais. « Beaucoup de gens n’ouvrent jamais leur armoire technique, ni ne déplacent leur machine à laver », note Clémentine Béranger. « C’est là que tout commence. Un petit trou, un peu d’humidité, et en quelques semaines, c’est la colonie. »
Protéger sa maison, ce n’est pas seulement entretenir les pièces à vivre, c’est aussi regarder là où on ne regarde jamais. C’est accepter que l’ordre et la propreté ne se limitent pas aux espaces visibles, mais s’étendent aux recoins sombres, aux joints invisibles, aux passages techniques.
A retenir
À quelle taille de trou une souris peut-elle passer ?
Une souris peut se faufiler dans un trou de 6 mm de diamètre, soit à peine plus grand qu’une pièce de 1 euro. Cette capacité lui permet d’exploiter des failles invisibles dans les installations électriques, hydrauliques ou de ventilation.
Les souris ont-elles besoin d’eau pour survivre ?
Non, elles peuvent survivre jusqu’à 10 jours sans eau directe, en puisant l’humidité nécessaire dans les aliments ou l’air ambiant. C’est pourquoi les zones humides sont particulièrement attractives pour elles.
Combien de petits une souris peut-elle avoir par an ?
Jusqu’à 60 petits par an. Grâce à une gestation rapide (19 à 21 jours) et des portées nombreuses (5 à 10 souriceaux), une seule femelle peut fonder une colonie en quelques mois.
Les souris peuvent-elles endommager une maison ?
Oui. Elles rongent les fils électriques, ce qui pose un risque d’incendie, ainsi que les isolants, les meubles ou les documents stockés. Leurs déjections peuvent aussi contaminer l’environnement et transmettre des maladies.
Est-il possible d’avoir des souris sans les voir ?
Malheureusement oui. Comme le montre le rapport de l’AFSCA, près de la moitié des infestations sont découvertes trop tard. Les souris restent cachées, surtout la journée, et ne se montrent qu’en cas de surpopulation.
Les souris représentent-elles un danger pour la santé ?
Oui. Elles peuvent transmettre des maladies comme la leptospirose, la salmonellose ou encore la fièvre hémorragique. Leurs déjections, leur urine et leurs poils sont des vecteurs potentiels de contamination, surtout pour les enfants et les personnes immunodéprimées.