La Bretagne inaugure sa millionième prise fibre, un chantier colossal achevé

La Bretagne entre dans une nouvelle ère numérique. Alors que le déploiement de la fibre optique franchit un jalon historique avec la pose de la millionième prise sur le territoire, les conséquences de cette avancée se font déjà sentir dans les campagnes, les villes et les entreprises. Ce n’est pas dans un centre névralgique de télécommunications, mais au cœur d’une exploitation agricole des Côtes-d’Armor, que ce cap symbolique a été célébré le 30 septembre 2025. À Saint-Gilles-Pligeaux, la ferme de Lucien Le Goff, spécialisée dans la production laitière et l’élevage caprin, est devenue bien malgré elle le théâtre d’une révolution silencieuse : celle du très haut débit en zone rurale. Ce moment marque une étape clé dans une transformation numérique régionale longtemps attendue, et désormais irréversible.

Quelle est la signification du million de prises fibre en Bretagne ?

Atteindre le million de prises fibre en Bretagne n’est pas qu’un simple chiffre. C’est une victoire contre l’isolement numérique. Sur un objectif global de 1,4 million de prises à déployer, cette avancée représente plus de 70 % du réseau finalisé. Pour les habitants, les agriculteurs, les artisans et les chefs d’entreprise, cela signifie désormais un accès fiable, rapide et stable à Internet, là où il était souvent capricieux, voire inexistant il y a encore quelques années.

Lucien Le Goff, qui exploite une ferme de 85 hectares depuis quarante ans, témoigne : Avant, je devais me rendre au bourg pour envoyer un mail ou télécharger un document administratif. Parfois, je perdais une demi-journée. Aujourd’hui, je gère mes commandes, mes factures, et même la traçabilité de mes produits depuis mon bureau, en moins de dix minutes. Son fils, Théo, a récemment intégré l’exploitation après un master en agro-économie à Rennes. La fibre, c’est ce qui m’a convaincu de revenir , confie-t-il. Sans elle, impossible d’imaginer une ferme moderne, connectée aux marchés, capable de suivre les données de production en temps réel.

Comment la fibre transforme-t-elle les zones rurales ?

Le cas de la ferme Le Goff n’est pas isolé. Partout en Bretagne, le déploiement de la fibre redessine les contours du quotidien rural. Dans les villages comme Plouguerneau, Ploërmel ou Guerlédan, les habitants retrouvent une attractivité perdue depuis des décennies. Le télétravail devient une réalité, les jeunes couples reviennent s’installer, les commerces reprennent vie.

À Quintin, c’est Élodie Kerloc’h, créatrice de bijoux artisanaux, qui a profité de la fibre pour lancer sa boutique en ligne. J’ai déménagé ici pour la qualité de vie, mais j’avais peur de couper les ponts avec mes clients parisiens , raconte-t-elle. Dès que la fibre est arrivée, j’ai pu filmer mes créations en haute définition, faire des lives, et même proposer des consultations virtuelles. Mon chiffre d’affaires a doublé en un an.

Pour les collectivités locales, c’est aussi une opportunité de revitalisation. La fibre, c’est devenu un critère d’installation aussi important que l’eau ou l’électricité , souligne Yvon Le Dantec, maire de Saint-Gilles-Pligeaux. On voit des familles s’installer ici, des micro-entrepreneurs lancer des projets. Cela change la donne pour les territoires qui ont longtemps été oubliés.

Quel est le rôle des acteurs publics et privés dans ce déploiement ?

Le succès du réseau fibre en Bretagne repose sur une collaboration inédite entre collectivités territoriales, opérateurs privés et l’État. Le syndicat mixte Bretagne Très Haut Débit (BTHD), créé en 2016, a coordonné les efforts de financement, de planification et de suivi des travaux. Il a notamment permis de mutualiser les coûts entre les départements bretons, évitant les doublons et accélérant les chantiers.

Les opérateurs historiques comme Orange ou SFR ont joué leur rôle, mais c’est aussi l’émergence d’acteurs plus régionaux, comme Bretagne Telecom ou Altitude Infrastructure, qui a permis d’accélérer le raccordement des zones les plus reculées. On ne pouvait pas se contenter d’attendre que les grands opérateurs s’intéressent à nos hameaux , explique Maëlle Le Fur, ingénieure au BTHD. Nous avons dû anticiper, négocier, parfois forcer le destin.

Le financement, quant à lui, a été assuré à hauteur de 40 % par l’Union européenne, 30 % par l’État, et le reste par les régions et départements. Un investissement total de plus de 1,2 milliard d’euros, réparti sur dix ans. C’est une politique publique de long terme, pas une opération de communication , insiste Maëlle Le Fur. On a misé sur la persévérance, et aujourd’hui, on récolte.

Quels sont les défis restants malgré ce succès ?

Si le cap du million de prises est impressionnant, il ne faut pas négliger les obstacles persistants. Plus de 400 000 prises restent à installer, souvent dans des zones géographiquement complexes : montagnes du centre breton, îles du Ponant, ou hameaux dispersés du Finistère nord. Le raccordement de ces derniers foyers s’annonce plus coûteux et plus technique.

Par ailleurs, le taux d’équipement n’est pas synonyme d’adoption. Certains habitants, notamment parmi les seniors, hésitent encore à souscrire à la fibre, par crainte de la complexité ou du coût. On a vu des villages entièrement raccordés, mais où seulement 60 % des foyers ont basculé , note Julien Corre, conseiller numérique à la mairie de Loudéac. Il faut accompagner, former, rassurer.

Des initiatives locales tentent de combler ce fossé. À Carhaix, des ateliers de découverte du numérique sont organisés chaque mois dans la médiathèque. À Quimper, des ambassadeurs du très haut débit visitent les maisons pour aider aux démarches de souscription. L’enjeu, maintenant, c’est l’inclusion , affirme Julien Corre. La fibre ne sert à rien si elle reste inutilisée.

Quel impact économique la fibre a-t-elle sur la Bretagne ?

Le très haut débit n’est pas qu’un outil de confort : il devient un levier de développement économique. Une étude menée par l’université de Brest en 2024 estime que le déploiement de la fibre a permis la création de plus de 12 000 emplois indirects en Bretagne, notamment dans les secteurs du numérique, du tourisme et de l’artisanat.

À Lannion, berceau historique de l’industrie des télécoms, la fibre a relancé l’attractivité du pôle d’innovation. Des start-up spécialisées dans l’Internet des objets (IoT) ou l’intelligence artificielle s’installent à proximité des centres de recherche. La qualité du réseau est un critère décisif pour nos recrutements , explique Clara Mével, fondatrice de DataCoast, une entreprise de cybersécurité. Nos ingénieurs veulent vivre à la campagne, mais sans sacrifier leur productivité. La fibre rend cela possible.

Dans le tourisme, les effets sont tout aussi tangibles. À l’île de Bréhat, où la fibre a été déployée en 2023, les gîtes ruraux ont vu leur taux de réservation en ligne augmenter de 35 %. Avant, on recevait des clients par bouche-à-oreille , raconte Hervé Le Berre, gestionnaire d’un hébergement écologique. Aujourd’hui, on est référencé sur les plateformes internationales, et on peut faire des visites virtuelles. C’est un autre niveau.

Quel avenir pour la fibre en Bretagne après 2025 ?

Le million de prises n’est pas une fin, mais une base. D’ici 2028, l’objectif est d’atteindre 100 % du territoire raccordé. Mais les ambitions vont au-delà. Des projets pilotes testent déjà la 5G fixe complémentaire, ou l’intégration de la fibre dans les réseaux électriques intelligents.

La région envisage aussi d’utiliser l’infrastructure fibre pour développer des services publics numériques de prochaine génération : télémédecine, éducation à distance, gestion connectée des ressources agricoles. On est en train de passer d’un réseau d’accès à Internet à un réseau de services , analyse Maëlle Le Fur. La fibre devient une colonne vertébrale du territoire.

Dans les années à venir, le défi sera aussi de maintenir la qualité du réseau, de former les usagers, et d’anticiper les nouvelles technologies. On ne peut pas s’arrêter là , prévient Lucien Le Goff. La ferme de demain sera encore plus connectée. Il faudra des capteurs partout, des analyses de données en continu. Et tout ça, ça passe par la fibre.

Quel est le message à retenir de cette avancée ?

Le déploiement de la fibre en Bretagne est une réussite collective, fruit d’une vision stratégique, d’un engagement territorial et d’une volonté politique. Il montre que les zones rurales ne sont pas condamnées à l’isolement numérique, à condition d’y investir durablement. Ce million de prises, c’est aussi un symbole d’équité : l’accès au numérique n’est plus un privilège urbain, mais un droit pour tous.

A retenir

Quelle est la portée du million de prises fibre en Bretagne ?

Ce jalon marque la transformation numérique d’un territoire autrefois en retard en matière de très haut débit. Il concrétise une politique volontariste de rattrapage, permettant à plus de 500 000 foyers, entreprises et collectivités d’accéder à Internet à haut débit, même dans les zones les plus isolées.

Pourquoi choisir une ferme pour célébrer cet événement ?

Le choix de l’exploitation de Lucien Le Goff à Saint-Gilles-Pligeaux symbolise l’impact concret de la fibre en milieu rural. Il illustre que le numérique n’est pas réservé aux villes, mais qu’il est un outil essentiel pour moderniser l’agriculture, maintenir les populations en milieu rural et dynamiser l’économie locale.

Quels sont les prochains objectifs ?

L’objectif est d’atteindre 1,4 million de prises d’ici 2028, soit la couverture intégrale du territoire breton. Parallèlement, les efforts se concentrent sur l’adoption du réseau, la formation des usagers et le développement de services numériques innovants dans les domaines de la santé, de l’éducation et de l’agriculture.

Qui sont les principaux acteurs de ce déploiement ?

Le syndicat mixte Bretagne Très Haut Débit (BTHD) coordonne le projet, en collaboration avec les départements, la Région, l’État et l’Union européenne. Les opérateurs publics et privés assurent la mise en œuvre technique, tandis que les communes jouent un rôle clé d’interface avec les habitants.

La fibre est-elle accessible à tous financièrement ?

Oui, des aides sont proposées pour les ménages modestes, notamment via le dispositif France Très Haut Débit . De plus, les coûts de raccordement sont souvent pris en charge par les collectivités, et les offres d’abonnement sont de plus en plus compétitives grâce à la concurrence entre opérateurs.