Le 1er octobre prochain, Saint-Herblain s’apprête à vivre un moment rare, à la croisée de la médecine, de l’humain et du progrès technologique. Dans l’enceinte solennelle de la Chambre de commerce et d’industrie, une avant-première cinématographique va réunir patients, soignants, chercheurs et curieux autour d’un documentaire bouleversant : La Mue – De chair et de métal. Réalisé par Noélie Giraud, ce film plonge au cœur d’un parcours de reconstruction physique et psychique, porté par deux destins singuliers et une innovation chirurgicale révolutionnaire. À travers les histoires de Nicolas Kraszewski et Priscille Deborah, le spectateur est invité à repenser la douleur, l’identité et la frontière entre le corps humain et la machine.
Qu’est-ce que La Mue – De chair et de métal raconte ?
Le documentaire suit, sur plusieurs mois, les trajectoires croisées de deux personnes amputées, confrontées à une réalité souvent méconnue du grand public : celle de la douleur fantôme, de la perte d’autonomie, mais aussi de l’espoir permis par la médecine de pointe. Nicolas Kraszewski, ingénieur en robotique de 38 ans, a perdu une jambe suite à un accident de moto. Priscille Deborah, kinésithérapeute de 42 ans, a subi l’amputation d’un bras après un accident vasculaire compliqué. Tous deux ont un point commun : ils ont décidé de franchir une étape radicale dans leur reconstruction, en se faisant opérer selon une technique innovante : la TMR (Targeted Muscle Reinnervation).
Le film ne se contente pas de décrire un protocole médical. Il explore les silences, les doutes, les moments de fragilité comme ceux de victoire. On y voit Nicolas, assis sur son lit d’hôpital, tester pour la première fois sa prothèse bionique, les yeux brillants d’un mélange d’émotion et d’incrédulité. C’est comme si mon cerveau parlait directement à la machine , confie-t-il dans une scène poignante. Priscille, elle, raconte avoir pleuré la première fois où elle a pu tenir une tasse avec sa nouvelle main artificielle. Ce n’est pas juste une prothèse. C’est un retour à moi-même.
En quoi la chirurgie TMR est-elle une révolution médicale ?
La TMR, ou réinnervation musculaire ciblée, est une technique chirurgicale qui consiste à rediriger les nerfs sectionnés lors d’une amputation vers des muscles résiduels ou réaffectés. Avant cette avancée, les patients amputés devaient souvent se contenter de prothèses mécaniques rudimentaires, contrôlées par des mouvements de surface, peu précis et source de fatigue. Les douleurs fantômes, ces sensations douloureuses persistantes dans le membre manquant, restaient mal comprises et mal traitées.
À la clinique Jules-Verne de Nantes, le Dr Edward De Keating Hart a introduit cette méthode en France, devenant ainsi un pionnier dans le domaine. La TMR permet de recréer un pont entre le cerveau et la machine , explique-t-il dans le documentaire. En reconnectant les nerfs à des muscles vivants, on crée des signaux électriques que la prothèse peut capter. Cela transforme l’interaction homme-machine en une extension naturelle du corps.
Pour Nicolas, cette opération a été décisive. Avant, ma jambe me faisait souffrir tous les soirs. Je sentais mes orteils, alors qu’ils n’existaient plus. Après la TMR, les douleurs se sont atténuées de 80 %. Et surtout, j’ai retrouvé un contrôle fin. Je peux monter des escaliers, courir, même danser.
Où et quand voir cette avant-première ?
L’avant-première de La Mue – De chair et de métal se tiendra le mercredi 1er octobre à 19h30, à la Maison de l’entrepreneuriat et des transitions, située 1 rue Françoise-Sagan à Saint-Herblain, en Loire-Atlantique. L’événement, organisé dans le grand amphithéâtre de la Chambre de commerce et d’industrie, est ouvert au public, dans la limite des places disponibles. Une attention particulière est portée à l’accueil des personnes concernées par l’amputation, des professionnels de santé, des chercheurs, mais aussi de simples citoyens sensibles aux questions de handicap, de technologie et de corps humain.
Ce film, ce n’est pas qu’un documentaire médical, insiste Noélie Giraud, la réalisatrice. C’est une plongée dans l’intime. J’ai voulu montrer que derrière chaque prothèse, il y a une histoire, une lutte, une renaissance.
Qui sont les patients suivis dans le film ?
Nicolas Kraszewski, originaire de Rezé, vivait une vie intense avant son accident. Passionné de randonnée et de vélo, il a dû tout réapprendre. Son métier d’ingénieur en robotique l’a poussé à s’intéresser de près aux prothèses bioniques. J’ai toujours été fasciné par la machine. Aujourd’hui, je suis devenu une sorte de cyborg. Mais ce n’est pas une perte d’humanité. C’est une adaptation.
Priscille Deborah, quant à elle, exerçait depuis quinze ans dans un cabinet de kinésithérapie à Nantes. Perdre l’usage de son bras dominant a mis en péril non seulement son travail, mais aussi sa relation à son corps. Je me sentais amputée de ma profession, de ma dextérité, de mon identité. La TMR, c’était une chance de retrouver une forme de normalité. Et aujourd’hui, je peux de nouveau masser mes patients. C’est une victoire quotidienne.
Leurs témoignages, filmés avec une discrétion empathique, montrent que la reconstruction va bien au-delà du physique. Elle touche à la dignité, à la confiance en soi, à la place dans la société.
Quel est le rôle de la clinique Jules-Verne dans cette innovation ?
La clinique Jules-Verne, située à Nantes, est devenue un centre de référence en chirurgie de la réinnervation musculaire ciblée. Elle est l’un des rares établissements en France à proposer cette technique, qui demande une coordination étroite entre chirurgiens, neurologues, ingénieurs en biomécanique et rééducateurs. Le Dr Edward De Keating Hart, chirurgien orthopédiste de formation, a été formé aux États-Unis, où la TMR a été développée initialement par des équipes du Massachusetts. Depuis son retour en France, il a formé une équipe pluridisciplinaire capable de reproduire et d’adapter cette méthode au contexte européen.
Ce qui est fascinant, c’est que la TMR ne se limite pas à améliorer le contrôle de la prothèse, précise le Dr De Keating Hart. Elle agit aussi sur le système nerveux central. En redonnant un but aux nerfs sectionnés, on évite qu’ils s’affolent, qu’ils envoient des signaux erratiques. C’est une forme de réparation neurologique.
Quelles sont les perspectives d’avenir pour les patients amputés ?
Le documentaire ouvre des pistes d’espoir. La TMR, bien que encore marginale en France, pourrait devenir une solution standard dans les années à venir, surtout si les études cliniques en cours confirment ses bénéfices à long terme. Des recherches s’intéressent désormais à l’intégration de capteurs tactiles dans les prothèses, permettant aux patients de ressentir la pression, la température, voire la texture des objets.
On est en train de passer d’une prothèse passive à une prothèse intelligente, connectée au cerveau , analyse Claire Lenoir, chercheuse en neuroprothèse à l’Inserm, interviewée dans le film. Dans dix ans, les patients pourraient avoir des membres artificiels qui répondent à leurs intentions motrices avec une précision quasi naturelle.
Pour Priscille, ces perspectives sont déjà une réalité partielle. Ma main bionique ne sent pas encore, mais elle obéit. Et chaque jour, je me sens un peu plus complète.
Comment la société perçoit-elle ces nouvelles formes de corps augmentés ?
Le film interroge aussi les représentations sociales du handicap et de la technologie. Nicolas raconte avoir été dévisagé dans la rue, ou avoir entendu des enfants demander à leurs parents : Pourquoi il a une jambe en métal ? . Au début, ça me gênait. Maintenant, je réponds avec fierté. Je suis un exemple vivant de ce que la médecine peut accomplir.
Priscille, elle, a été confrontée à une forme de pitié maladroite. On me disait : “Tu es courageuse.” Mais je ne veux pas être vue comme une héroïne du malheur. Je suis une femme qui a subi une épreuve, et qui s’est battue.
Le documentaire montre que la mue dont parle son titre n’est pas seulement physique. Elle est sociale, identitaire, existentielle. On ne devient pas un autre soi-même après une amputation, conclut Noélie Giraud. On devient soi, autrement.
Conclusion
La Mue – De chair et de métal est bien plus qu’un documentaire sur une innovation médicale. C’est une méditation sensible sur la résilience humaine, sur la manière dont le corps peut se réinventer face à la perte. À travers les parcours de Nicolas Kraszewski et Priscille Deborah, le film donne une voix à des milliers de personnes invisibles, tout en célébrant le travail discret et visionnaire d’une équipe médicale nantaise. L’avant-première du 1er octobre à Saint-Herblain s’annonce comme un moment fort, à la fois scientifique, humain et émotionnel. Un rendez-vous à ne pas manquer pour qui s’intéresse à l’avenir du corps, de la médecine, et de l’humain.
A retenir
Qu’est-ce que la chirurgie TMR ?
La TMR (Targeted Muscle Reinnervation) est une technique chirurgicale qui consiste à reconnecter les nerfs sectionnés lors d’une amputation à des muscles résiduels. Cela permet un meilleur contrôle des prothèses bioniques et une réduction significative des douleurs fantômes.
Où est pratiquée la TMR en France ?
La clinique Jules-Verne de Nantes est le seul centre en France à proposer régulièrement cette technique, sous la direction du Dr Edward De Keating Hart.
Qui sont les protagonistes du documentaire ?
Le film suit Nicolas Kraszewski, ingénieur amputé de la jambe, et Priscille Deborah, kinésithérapeute amputée du bras, tous deux bénéficiaires de la chirurgie TMR.
Où et quand a lieu l’avant-première ?
Elle se déroule le mercredi 1er octobre à 19h30, à la Maison de l’entrepreneuriat et des transitions, 1 rue Françoise-Sagan, à Saint-Herblain (Loire-Atlantique).
Le film est-il accessible au grand public ?
Oui, l’événement est ouvert à tous, dans la limite des places disponibles, avec une priorité implicite pour les personnes concernées par le handicap, les professionnels de santé et les chercheurs.