L’hôpital du Mans fait le plein de personnel, une victoire inédite

En 2022, l’hôpital du Mans faisait face à une crise de recrutement sans précédent : 170 postes vacants, un chiffre qui reflétait à lui seul les difficultés grandissantes du secteur hospitalier français à attirer et retenir du personnel soignant. Trois ans plus tard, la situation s’est considérablement améliorée. La quasi-totalité de ces postes est désormais pourvue, une performance remarquable dans un contexte national marqué par la pénurie, l’épuisement professionnel et les départs massifs du personnel médical. Comment cet établissement a-t-il réussi à inverser la tendance ? Quelles stratégies ont été mises en œuvre pour transformer une situation critique en un modèle de réussite ? À travers des initiatives ciblées, une politique de formation ambitieuse et une approche humaine du management, l’hôpital du Mans est devenu un laboratoire d’innovation en matière de recrutement et de fidélisation.

Comment l’hôpital du Mans a-t-il réduit sa pénurie de personnel en quelques années ?

La clé du redressement réside dans une combinaison de facteurs internes et externes, pilotée par une direction volontariste. Guillaume Laurent, directeur de l’établissement depuis 2020, a mis en place un plan stratégique en deux volets : stabiliser les effectifs existants et accélérer le recrutement. Dès 2023, l’hôpital a constaté une baisse des départs en retraite et en mobilité, un phénomène qu’il attribue à une meilleure qualité de vie au travail. Mais ce n’est pas le seul levier. Une politique de formation intensive a été lancée, notamment pour les aides-soignantes et les infirmières, deux professions particulièrement touchées par les tensions d’emploi.

Le programme de formation interne, baptisé Parcours Santé Sarthe , a permis à une cinquantaine de candidats chaque année d’intégrer des parcours accélérés, financés en partie par des subventions régionales. On ne peut plus attendre que les écoles forment assez de personnel. Il faut anticiper, accompagner, et surtout, offrir des perspectives claires , explique Guillaume Laurent. Ce dispositif inclut un tutorat personnalisé, un suivi psychosocial, et une intégration progressive en milieu hospitalier, ce qui réduit fortement le taux d’abandon en cours de formation.

Quel rôle joue la formation continue dans la fidélisation du personnel ?

La formation n’est pas seulement un outil de recrutement, elle est devenue un pilier de la fidélisation. Élodie Vasseur, infirmière depuis douze ans, a rejoint l’hôpital du Mans en 2023 après une reconversion. J’étais en burn-out dans un autre établissement. Ici, on m’a proposé un parcours de remise à niveau, avec des modules sur la gestion du stress et les nouvelles technologies. Ce n’était pas juste une embauche, c’était une réintégration , témoigne-t-elle. Ce type de parcours, qui prend en compte le bien-être du soignant, a un impact direct sur la durée de poste. Selon les chiffres internes, les nouveaux recrutés formés en interne restent en moyenne 30 % plus longtemps que les autres.

Par ailleurs, l’hôpital a mis en place des passerelles entre les métiers : des aides-soignantes peuvent désormais accéder à des formations d’infirmières en alternance, avec maintien de salaire et accompagnement pédagogique. C’est le cas de Samira Bendjelloul, qui a gravi les échelons en trois ans. Je commençais à désespérer de pouvoir évoluer. Ici, on m’a dit : “On croit en toi, on t’aide.” Aujourd’hui, je suis infirmière en réanimation, et je ne partirai pas , affirme-t-elle avec conviction.

Quelles sont les innovations managériales mises en place pour améliorer le climat social ?

L’un des changements les plus significatifs concerne la gouvernance interne. Depuis 2023, chaque service dispose d’un comité de vie au travail , composé de soignants, de cadres et de représentants de la direction. Ce comité examine les conditions de travail, les plannings, les besoins en matériel, et propose des ajustements. Avant, on subissait les décisions. Maintenant, on participe. C’est un changement de culture , souligne Thomas Lefebvre, cadre de santé en gériatrie.

Cette démocratie interne a permis de corriger des dysfonctionnements concrets : réduction des heures supplémentaires non planifiées, meilleure répartition des gardes, et mise en place de cellules d’écoute psychologique gratuites et accessibles en dehors des heures de travail. Un système de reconnaissance interne, basé sur des points d’ancienneté, d’engagement et de formation, permet aussi d’attribuer des primes de fidélité. Ce n’est pas une révolution salariale, mais c’est un signe que l’on est vu, que notre travail compte , précise Élodie Vasseur.

Comment l’établissement attire-t-il les jeunes professionnels ?

Le Mans a misé sur une communication moderne et authentique. Plutôt que de se contenter de publier des offres d’emploi, l’hôpital a lancé une campagne de témoignages filmés, mettant en scène des soignants de tous horizons. Ces vidéos, diffusées sur les réseaux sociaux et dans les écoles de santé, montrent le quotidien réel des métiers : les moments difficiles, mais aussi les réussites, les émotions, les relations avec les patients. On ne vend pas du rêve, on montre la réalité, mais une réalité où l’on se sent soutenu , explique Camille Roche, chargée de communication.

Le partenariat avec les universités locales, notamment l’UFR de médecine de Le Mans, a été renforcé. Des stages de découverte sont proposés dès la première année d’études, avec un accompagnement personnalisé. J’ai fait un stage ici en première année de soins infirmiers. J’ai été accueillie comme une professionnelle, pas comme une stagiaire. C’est ce qui m’a décidé à postuler , raconte Lina Khouas, 23 ans, aujourd’hui en poste en pédiatrie.

Quel est l’impact des conditions matérielles sur la performance de l’hôpital ?

La modernisation des infrastructures a également joué un rôle clé. Entre 2022 et 2024, l’hôpital a bénéficié d’un plan de rénovation de 18 millions d’euros, financé par l’Agence régionale de santé et le conseil départemental. Les chambres ont été réaménagées, les salles de soins équipées de nouvelles technologies, et un nouveau centre de stérilisation a été inauguré, réduisant les risques d’infection et allégeant la charge de travail des équipes.

Les espaces de pause ont été repensés : salles de repos avec canapés, cuisine équipée, terrasse aménagée. Un soignant fatigué est un soignant moins efficace. On a compris qu’il fallait lui offrir des lieux où souffler, vraiment , note Guillaume Laurent. Ces améliorations, bien que parfois perçues comme secondaires, ont un effet direct sur la satisfaction des équipes. Une enquête interne menée en 2024 montre que 87 % du personnel juge les conditions de travail satisfaisantes ou très satisfaisantes , contre 54 % en 2021.

Quels défis restent à relever malgré cette réussite ?

Malgré les progrès, l’hôpital du Mans ne se considère pas à l’abri des tensions futures. Comme le précise Guillaume Laurent, une trentaine de postes restent vacants, principalement dans les fonctions supports (logistique, maintenance, secrétariat médical) et certains métiers paramédicaux (ergothérapeutes, orthophonistes). On a fait un bond en avant, mais ce n’est pas fini. La concurrence est féroce, et le risque de reprise de l’émigration vers le privé ou l’étranger est toujours là , alerte-t-il.

Le vieillissement des effectifs reste une préoccupation. D’ici 2030, près de 40 % du personnel sera éligible à la retraite. L’établissement travaille donc sur un plan de transition intergénérationnel, avec des binômes jeunes/expérimentés et des programmes de mentorat. Il ne s’agit pas seulement de remplacer les départs, mais de transmettre une culture du soin, une éthique, une manière d’être avec les patients , insiste Thomas Lefebvre.

Quelle leçon peut-on tirer de l’expérience du Mans pour le reste du système hospitalier ?

L’exemple du Mans montre que la pénurie de personnel n’est pas une fatalité. Elle peut être combattue par des politiques locales audacieuses, ancrées dans la réalité des équipes. La formation, la reconnaissance, la participation à la décision et les conditions de travail dignes sont autant de leviers qui, combinés, peuvent transformer un hôpital en lieu d’attractivité.

Comme le résume Samira Bendjelloul : On ne recrute pas des bras, on recrute des personnes. Et si on veut qu’elles restent, il faut leur offrir autre chose que des contrats. Il faut leur offrir un sens, un avenir. Ce message, porté par des actions concrètes, est peut-être la véritable innovation de l’hôpital du Mans.

A retenir

Comment l’hôpital du Mans a-t-il comblé 170 postes vacants en quelques années ?

Grâce à une politique de formation intensive, une amélioration des conditions de travail, et une stratégie de fidélisation basée sur la reconnaissance et la participation des soignants à la gouvernance interne.

Quel est le rôle de la direction dans cette réussite ?

La direction, menée par Guillaume Laurent, a initié un changement de culture en plaçant le personnel au cœur des décisions, en investissant dans la formation et en modernisant les infrastructures.

Les salaires ont-ils été augmentés pour attirer plus de candidats ?

Il n’y a pas eu de revalorisation massive des salaires, mais des primes de fidélité, des primes de fin d’année liées à la performance collective, et un maintien du salaire pendant les formations internes, ce qui constitue un avantage significatif.

Quels métiers restent difficiles à pourvoir ?

Les postes dans les fonctions supports (logistique, maintenance) et certains métiers paramédicaux comme ergothérapeute, orthophoniste ou psychomotricien restent en tension.

Le modèle du Mans peut-il être reproduit ailleurs ?

Oui, à condition de disposer d’un leadership engagé, de soutiens financiers régionaux, et d’une volonté collective de transformer la culture hospitalière. Le Mans montre que des solutions existent, même dans des contextes difficiles.