Le groupement hospitalier de Bretagne Sud centralise ses données santé pour une meilleure prise en charge dès 2025

En France, les hôpitaux génèrent chaque jour des quantités phénoménales de données médicales : résultats d’analyses, comptes rendus d’interventions, dossiers patients, historiques de traitements, images radiologiques. Pourtant, malgré cette richesse, ces informations restent souvent cloisonnées, dispersées entre des systèmes informatiques disparates, rendant leur exploitation complexe, voire inefficace. C’est précisément ce constat qu’a dressé Stéphanie Quiguer, responsable innovation au sein du groupement hospitalier Bretagne Sud, qui couvre les territoires de Lorient et Quimperlé. Face à un écosystème numérique fragmenté, elle et ses équipes ont entrepris une transformation profonde, en s’appuyant sur une initiative régionale ambitieuse : le projet Ouest Data Hub. Ce futur entrepôt de données de santé, dont le déploiement complet est prévu pour 2026, pourrait bien redéfinir la manière dont les soins sont organisés, améliorés et personnalisés en Bretagne et au-delà.

Qu’est-ce que l’Ouest Data Hub et pourquoi est-il essentiel ?

L’Ouest Data Hub est un projet phare mené par le groupement de coopération sanitaire Hôpitaux universitaires du Grand Ouest, regroupant des établissements majeurs de Bretagne, des Pays de la Loire et du Grand Ouest français. Lancé en 2023, il vise à créer un entrepôt centralisé de données de santé, interopérable et sécurisé, permettant de relier les informations provenant de multiples sources hospitalières. Ce système ne se contente pas d’archiver des données : il les structure, les normalise et les rend exploitables pour des usages variés — recherche médicale, amélioration des parcours de soins, anticipation des besoins en ressources humaines ou matérielles, et même prévention des épidémies.

Pour Stéphanie Quiguer, ce projet représente une rupture. Jusqu’ici, chaque service, chaque pôle, chaque établissement fonctionnait avec ses propres outils. Un patient suivi à Lorient puis à Quimperlé pouvait avoir deux dossiers totalement séparés, sans lien possible. Les médecins perdaient du temps, les analyses étaient redondantes, et parfois, des alertes importantes passaient inaperçues, explique-t-elle. Le Data Hub vise à résoudre cette fracture numérique en créant un référentiel unique, accessible sous conditions strictes de confidentialité et de consentement.

Comment les données sont-elles collectées et sécurisées ?

Quelles sources alimentent l’entrepôt de données ?

Le futur entrepôt de données du groupement hospitalier Bretagne Sud intégrera des flux provenant de plus de vingt systèmes informatiques différents : logiciels de gestion des patients, systèmes d’information radiologique, plateformes de laboratoire, dossiers médicaux numérisés, applications de télémédecine, et même données issues des dispositifs médicaux connectés. Chaque hospitalisation, chaque consultation, chaque examen génère des traces numériques que le Data Hub va harmoniser.

Émilie Le Gouic, cadre de santé en réanimation à l’hôpital de Lorient, témoigne : Nous avons vu des cas où un patient arrivait en urgence sans pouvoir fournir son historique. Avec le Data Hub, en quelques clics, on pourra accéder à ses allergies, ses traitements antérieurs, ses hospitalisations passées — même s’il a été soigné à 100 km de là. C’est un gain de temps considérable, mais surtout, une garantie de sécurité.

Comment la confidentialité des patients est-elle protégée ?

La question de la sécurité des données est centrale. Toutes les informations sont anonymisées ou pseudonymisées avant d’être intégrées au Data Hub. L’accès est strictement encadré : seuls les professionnels autorisés, dans le cadre d’un parcours de soins ou d’une recherche validée par un comité d’éthique, peuvent consulter certaines données. Le système repose sur une infrastructure certifiée HDS (Hébergeur de Données de Santé) et respecte le RGPD à la lettre.

Le professeur Romain Delahaye, bio-informaticien au CHU de Rennes et membre du comité scientifique du projet, insiste : La confiance du patient est la clé. Nous ne collectons rien sans transparence. D’ailleurs, chaque patient pourra, via un portail sécurisé, savoir quelles données le concernant ont été utilisées, par qui, et dans quel but.

Quels bénéfices concrets pour les patients et les soignants ?

Une amélioration des diagnostics et des traitements

En croisant des données massives, le Data Hub permet d’identifier des patterns invisibles à l’œil nu. Par exemple, en analysant les parcours de patients atteints de diabète de type 2, les équipes médicales ont pu repérer des facteurs de risque spécifiques aux zones rurales du sud Finistère — comme l’isolement social ou l’accès limité à des spécialistes — qui influencent la progression de la maladie.

Clément Rozec, médecin généraliste à Quimperlé, raconte : J’ai un patient de 68 ans, agriculteur, dont l’état se dégradait sans cause apparente. Grâce à l’analyse croisée de ses données médicales, de ses habitudes de déplacement et de son activité professionnelle, on a découvert un lien avec une exposition prolongée à certains pesticides. Ce genre d’insight, avant, c’était de l’intuition. Aujourd’hui, c’est de la médecine prédictive.

Une meilleure coordination entre les établissements

Le groupement hospitalier Bretagne Sud regroupe plusieurs sites distants, parfois mal connectés. Le Data Hub va permettre une réelle continuité des soins. Un patient opéré à Lorient pourra être suivi en rééducation à Quimperlé sans que son dossier soit perdu ou incomplet. Les prescriptions, les bilans biologiques, les comptes rendus d’imagerie seront disponibles en temps réel.

Marion Kerdudo, infirmière coordinatrice en oncologie, souligne l’impact humain : Avant, on passait des heures au téléphone ou par fax pour récupérer des documents. Maintenant, on gagne du temps, mais surtout, on évite les erreurs. Un traitement peut commencer plus tôt, une complication peut être anticipée. C’est tout le système qui devient plus réactif.

Quel rôle joue la recherche médicale dans cette transformation ?

Des données au service des découvertes scientifiques

L’un des objectifs majeurs du Data Hub est d’alimenter la recherche clinique. En mettant à disposition des cohortes de patients anonymisées, les chercheurs peuvent mener des études épidémiologiques, tester des hypothèses thérapeutiques, ou évaluer l’efficacité de nouveaux protocoles.

À Rennes, une équipe de l’Inserm utilise déjà les premières données du Hub pour étudier la résistance aux antibiotiques dans les infections nosocomiales. En croisant les données de prélèvements, d’antibiothérapie et de trajectoires de patients, ils ont pu identifier des comportements à risque dans certains services — et proposer des recommandations d’usage plus ciblées.

C’est une révolution méthodologique, affirme le docteur Nolwenn Le Bras, chercheuse en infectiologie. Avant, on devait constituer manuellement des bases de données sur des échantillons limités. Là, on travaille sur des milliers de cas, en quelques semaines. Les résultats sont plus robustes, plus généralisables.

Et l’intelligence artificielle dans tout ça ?

Le Data Hub ouvre la porte à l’utilisation de l’intelligence artificielle (IA) en milieu hospitalier. Des algorithmes sont en cours de développement pour détecter précocement des signes d’insuffisance rénale, prédire les risques de réadmission, ou encore optimiser les plannings chirurgicaux.

Cependant, les équipes insistent sur une IA encadrée, assistante et non remplaçante. L’IA ne décide pas, elle alerte, précise Stéphanie Quiguer. Par exemple, un algorithme peut repérer qu’un patient âgé a une légère variation de ses paramètres vitaux sur 48 heures. Il envoie une alerte au personnel soignant, qui décide ensuite de la conduite à tenir. C’est un outil d’aide, pas un juge.

Quels défis restent à surmonter d’ici 2026 ?

La fracture numérique entre professionnels

Toute transformation numérique soulève des résistances. Certains soignants, notamment parmi les plus expérimentés, expriment des inquiétudes quant à la complexité des nouveaux outils ou au temps de formation requis. Des ateliers de sensibilisation sont mis en place dans chaque établissement, avec des ambassadeurs numériques — des soignants formés pour accompagner leurs collègues.

Yannick Le Moal, infirmier en cardiologie depuis trente ans, reconnaît : J’étais sceptique au début. J’avais peur que ça ajoute de la paperasse numérique. Mais après une semaine de formation, j’ai vu que c’était l’inverse. Le système m’aide à mieux cibler mes observations, à ne rien oublier. Maintenant, je ne pourrais plus m’en passer.

L’interopérabilité avec d’autres régions

Le Data Hub est un projet régional, mais les patients ne s’arrêtent pas aux frontières administratives. Le défi à venir sera de connecter ce système à d’autres plateformes nationales, comme le futur Health Data Hub national, ou les bases des hôpitaux parisiens ou lyonnais. Des discussions sont en cours avec la Direction générale de l’offre de soins (DGOS) pour harmoniser les standards techniques.

Quel avenir pour la santé connectée en Bretagne ?

Le projet Ouest Data Hub ne se limite pas à un simple outil technique. Il incarne une nouvelle vision de la santé : intégrée, prédictive, personnalisée. D’ici 2026, le groupement hospitalier Bretagne Sud espère non seulement améliorer la qualité des soins, mais aussi réduire les inégalités d’accès, notamment dans les zones rurales ou isolées.

Des initiatives complémentaires sont déjà en marche : des applications mobiles pour les patients chroniques, des dispositifs de suivi à distance, ou encore des plateformes de télémédecine renforcées. Le Data Hub en sera le cœur informatique.

On ne parle plus seulement de soigner, mais d’anticiper, résume Stéphanie Quiguer. Notre objectif, c’est qu’un jour, un patient puisse recevoir un message : “Votre taux de glucose montre une tendance à la hausse. Voici un ajustement de traitement proposé par votre médecin.” Ce n’est plus de la science-fiction, c’est en train de devenir notre réalité.

Conclusion

Le groupement hospitalier Bretagne Sud s’inscrit dans une mutation profonde du système de santé. En s’appuyant sur le projet Ouest Data Hub, il transforme la fragmentation numérique en force collective. Grâce à un entrepôt de données centralisé, sécurisé et intelligent, il ouvre la voie à des soins plus cohérents, plus rapides, et surtout, plus humains. Les défis restent nombreux — techniques, éthiques, humains — mais les premiers témoignages des soignants et des patients montrent que le cap est bon. En 2026, la Bretagne pourrait bien devenir un modèle de santé connectée, où la donnée n’est pas un obstacle, mais un levier d’amélioration continue.

A retenir

Qu’est-ce que le groupement hospitalier Bretagne Sud ?

Le groupement hospitalier Bretagne Sud regroupe plusieurs établissements de santé situés entre Lorient et Quimperlé. Il assure la coordination des soins sur un territoire mixte, urbain et rural, et s’engage dans une modernisation numérique de ses services.

Quand le Data Hub sera-t-il opérationnel ?

Le déploiement complet du Data Hub au sein du groupement hospitalier Bretagne Sud est prévu pour 2026. Certaines fonctionnalités sont déjà testées en phase pilote depuis 2024.

Les données des patients sont-elles en sécurité ?

Oui. Toutes les données sont anonymisées ou pseudonymisées, stockées sur des serveurs certifiés HDS, et soumises à des protocoles d’accès stricts. Le respect du RGPD et de la vie privée est une priorité absolue.

Les soignants sont-ils formés à utiliser ces nouveaux outils ?

Des programmes de formation continue sont mis en place, avec des ambassadeurs numériques dans chaque service. L’accent est mis sur l’accompagnement et la simplicité d’utilisation.

Le Data Hub concerne-t-il uniquement les hôpitaux ?

Non. À terme, il pourra intégrer des données issues de médecins libéraux, de maisons de santé, et de dispositifs de prévention, pour offrir une vision complète du parcours de soins.