En France, la population vieillit, et avec elle, les comportements économiques évoluent. En 2016, plus de 17 millions de personnes percevaient une pension de retraite, et ce chiffre devrait dépasser les 20 millions d’ici 2030. Ce phénomène, porté par un allongement de l’espérance de vie et une meilleure prévention des risques sanitaires, transforme profondément la société. Les retraités ne sont plus seulement des bénéficiaires de prestations sociales : ils sont des acteurs économiques à part entière, souvent plus actifs que l’on croit. Pourtant, lorsqu’ils souhaitent emprunter, notamment pour un projet immobilier ou des travaux, ils se heurtent à des obstacles spécifiques liés à leur âge. Alors, comment un senior peut-il concrètement obtenir un crédit ? Quelles sont les solutions, les astuces, et les pièges à éviter ? À travers des témoignages et des analyses, découvrons les leviers qui permettent aux personnes âgées d’accéder au crédit, malgré les réticences des banques.
Pourquoi la retraite change-t-elle la donne pour un emprunt ?
La baisse de revenus impacte-t-elle vraiment les capacités d’emprunt ?
Lorsqu’un salarié passe à la retraite, son revenu mensuel diminue en moyenne de 15 à 40 %. Pour un cadre comme Élodie Vasseur, cette transition a été brutale : J’ai vu mon salaire passer de 3 800 euros à 2 400 euros net par mois. Même si je m’y étais préparée, j’ai dû repenser entièrement mon budget. Cette chute de revenus inquiète les banques, car elle affecte la capacité à rembourser un crédit sur le long terme. Le critère principal des établissements financiers est la stabilité des revenus, or la retraite introduit une forme d’incertitude, surtout si la pension n’est pas encore versée au moment de la demande.
Les banques analysent alors la situation sous l’angle du reste à vivre : la somme qui subsiste après paiement des charges fixes. Si ce montant est jugé insuffisant, le dossier est souvent rejeté. Pour un retraité, ce calcul devient plus serré, car les revenus sont figés, voire amenés à diminuer avec l’âge, tandis que les dépenses de santé peuvent augmenter.
Les seniors sont-ils perçus comme des risques par les banques ?
Malgré l’absence de barème officiel interdisant le prêt aux seniors, une réalité de terrain s’impose : plus on vieillit, plus il devient difficile d’emprunter. Au-delà de 70 ans, les banques hésitent fortement. À 72 ans, on m’a dit que j’étais “trop âgé” pour un prêt immobilier sur 15 ans , raconte Bernard Lefort, ancien professeur de philosophie. Pourtant, j’avais un patrimoine, une pension stable, et je voulais juste moderniser ma maison.
Cette méfiance s’explique par la durée du remboursement. Un emprunt sur 20 ans à 65 ans signifie que le dernier versement interviendra à 85 ans. À cet âge, la banque redoute un décès avant l’extinction de la dette. De plus, les antécédents médicaux peuvent alourdir les conditions d’assurance, voire entraîner un refus.
Comment les banques adaptent-elles leurs conditions aux seniors ?
Quels types de crédits sont accessibles après 60 ans ?
Les mécanismes de crédit restent les mêmes : amortissable ou in fine . Mais pour les seniors, le choix du type de prêt devient stratégique. Le crédit amortissable, où capital et intérêts sont remboursés progressivement, est généralement préféré par les banques, car il réduit le risque de non-remboursement du capital final.
Cependant, certains établissements proposent des solutions sur mesure. Le prêt à palier, par exemple, permet de payer des mensualités plus élevées pendant la période active, puis de les réduire à la retraite. Ce dispositif a séduit Sophie Renard, 61 ans, qui a acheté un appartement à Annecy : J’ai pu rembourser 70 % du prêt avant de partir à la retraite. Ensuite, les mensualités ont baissé de moitié. C’était parfaitement calibré sur mon nouveau revenu.
Pourquoi les assurances sont-elles plus chères pour les seniors ?
L’assurance emprunteur est obligatoire pour la plupart des prêts immobiliers. Or, son coût augmente fortement avec l’âge. À 50 ans, un contrat type peut coûter 0,3 % du capital emprunté par an. À 70 ans, ce taux peut grimper à 1,2 %, voire plus en cas de pathologie.
Les contrats dits seniors proposés par certains assureurs offrent une couverture jusqu’à 85 ou 90 ans, mais à des tarifs élevés. J’ai reçu un devis à 1 200 euros par an pour une assurance sur 10 ans , témoigne Marc Tournier, 68 ans. J’ai négocié avec un courtier, et j’ai trouvé une délégation d’assurance à 680 euros, avec des garanties équivalentes.
Depuis la loi Hamon, il est possible de changer d’assurance emprunteur chaque année. Les seniors peuvent donc comparer les offres et opter pour des contrats individualisés, souvent plus avantageux que ceux imposés par la banque.
Quelles stratégies pour emprunter après 50 ans ?
Comment rassurer une banque sur sa capacité de remboursement ?
La clé du succès réside dans la préparation du dossier. Il faut démontrer que le projet est solide, que les revenus futurs sont stables, et que le patrimoine peut servir de garantie. J’ai travaillé avec un courtier pour établir une projection de mes revenus sur 20 ans , explique Élodie Vasseur. Nous avons inclus ma pension, mes revenus locatifs, et même les aides possibles de mes enfants. Le banquier a vu que je gardais un reste à vivre de 1 800 euros. Cela l’a rassuré.
Le patrimoine immobilier est un atout majeur. Posséder un bien sans crédit ou avec un prêt largement remboursé renforce la solvabilité. Certaines banques acceptent même de considérer la valeur du bien comme garantie, surtout s’il est destiné à être vendu pour rembourser le prêt.
L’apport personnel est-il indispensable ?
Un apport n’est pas obligatoire, mais il pèse lourd dans la décision bancaire. Il montre la capacité d’épargne et diminue le risque pour l’établissement. Je n’avais pas d’apport, mais j’ai expliqué que j’avais dû vendre ma maison après un divorce , raconte Bernard Lefort. J’ai fourni des justificatifs, et la banque a accepté.
En l’absence d’apport, il est crucial de justifier la demande de prêt par un événement de vie : déménagement pour raisons de santé, regroupement familial, ou adaptation du logement. Les banques sont plus enclines à accorder un crédit si le projet est porteur de sens.
Quel rôle joue la gestion des comptes bancaires ?
Un compte bien tenu, sans découvert ni incident de paiement, est un signal fort de responsabilité. Les seniors qui ont conservé une relation bancaire saine pendant des décennies ont un avantage. J’ai toujours été rigoureux avec mes finances , affirme Marc Tournier. Je n’ai jamais eu de découvert, même en période difficile. La banque l’a noté dans mon dossier.
De plus, la souscription à un plan d’épargne retraite (PER) ou à un livret d’épargne renforce la perception de solvabilité. Cela montre que l’emprunteur anticipe ses besoins futurs.
Existe-t-il des aides spécifiques pour les seniors emprunteurs ?
Qu’est-ce que la convention AERAS ?
La convention AERAS (s’Assurer et Emprunter avec un Risque Aggravé de Santé) est un dispositif clé pour les seniors ou les personnes ayant des antécédents médicaux. Elle vise à faciliter l’accès au crédit et à l’assurance pour ceux qui sont souvent exclus du marché.
Grâce à AERAS, un droit à l’oubli peut s’appliquer pour certaines maladies (comme le cancer) après 5 ou 10 ans de rémission. J’ai eu un infarctus à 58 ans , confie Sophie Renard. Au début, les assureurs refusaient de me couvrir. Grâce à AERAS, j’ai pu obtenir une garantie standard après 5 ans.
Ce dispositif impose également une meilleure confidentialité des données médicales, ce qui rassure les emprunteurs sur la protection de leur vie privée.
Les banques proposent-elles des offres dédiées aux seniors ?
Quelques établissements, comme Crédit Agricole ou Banque Postale, proposent des accompagnements spécifiques pour les seniors. Des conseillers spécialisés aident à monter des dossiers adaptés, en tenant compte des particularités de la retraite.
Par ailleurs, les mutuelles de retraités, comme l’UNR, proposent parfois des partenariats avec des banques pour des conditions avantageuses. Ces réseaux peuvent être un levier méconnu mais efficace.
Témoignages : quand les seniors relèvent le défi du crédit
Élodie Vasseur : un projet immobilier à 62 ans
Je voulais quitter Paris pour m’installer en Dordogne, dans une maison plus grande, avec un jardin. J’avais économisé, mais il me manquait 120 000 euros. J’ai contacté un courtier. Il m’a aidée à structurer mon dossier : projection de pension, estimation des charges, valorisation de mon appartement parisien encore en crédit. Au final, j’ai obtenu un prêt sur 12 ans, avec un taux à 2,1 %. L’assurance a été le plus dur : j’ai dû passer par une délégation pour ne pas payer une fortune. Aujourd’hui, je vis dans ma maison, je cultive mes légumes, et je rembourse sans stress.
Bernard Lefort : refusé à 72 ans, mais pas abattu
La banque a refusé mon prêt. Alors, j’ai proposé un prêt viager hypothécaire. Je garde mon logement, mais à ma mort, la banque récupère la propriété ou le capital restant dû. C’est une solution radicale, mais elle a fonctionné. J’ai pu faire les travaux dont j’avais besoin : ascenseur, salle de bain adaptée. Cela me permet de rester chez moi, dignement.
A retenir
Peut-on emprunter à la retraite ?
Oui, il est possible d’emprunter à la retraite, mais les conditions sont plus strictes. La clé est de démontrer une capacité de remboursement stable, un patrimoine solide, et un projet cohérent. L’accompagnement par un courtier ou un conseiller spécialisé augmente considérablement les chances de succès.
Quel âge limite pour un prêt immobilier ?
Il n’existe pas d’âge légal maximal, mais au-delà de 70 ans, les banques deviennent très prudentes. La durée du prêt est souvent limitée à l’espérance de vie, et l’assurance peut devenir un frein majeur.
Faut-il obligatoirement un apport ?
Non, mais un apport renforce le dossier. En l’absence d’apport, il est essentiel de justifier la demande par un projet de vie ou un événement familial.
Comment réduire le coût de l’assurance emprunteur ?
En utilisant la délégation d’assurance, en comparant les offres, et en bénéficiant de la convention AERAS si l’on a des antécédents médicaux. Les contrats seniors peuvent offrir des garanties étendues jusqu’à 90 ans, à des tarifs compétitifs.
Quelles alternatives en cas de refus ?
Le prêt viager hypothécaire, le regroupement de crédits, ou l’aide familiale (prêt entre proches) sont des solutions envisageables. Le recours à un notaire ou à un gestionnaire de patrimoine peut aider à explorer ces options.