Des merveilles troglodytiques aussi fascinantes que Petra près de chez vous

Entre les sables dorés du désert égyptien et les falaises calcaires de l’Italie méridionale, deux cités millénaires défient le temps, sculptées non par la main de dieux, mais par celle d’hommes obstinés, visionnaires et profondément ancrés dans leur terre. Matera et Siwa, bien que situées à des frontières géographiques et culturelles différentes, partagent un même ADN : celui de l’habitat troglodytique, de la résilience face aux éléments, et d’un art de vivre qui semble suspendu entre passé et éternité. Ces lieux, moins médiatisés que Petra, offrent pourtant une immersion tout aussi puissante, une atmosphère presque sacrée, où chaque pierre, chaque courbe de sable, raconte une histoire. À l’heure où les voyageurs cherchent l’authenticité plus que le spectacle, ces deux joyaux émergent comme des réponses silencieuses à un monde trop connecté, trop bruyant.

Qu’est-ce qui rend Matera et Siwa si uniques comparées à Petra ?

Si Petra fascine par sa majesté taillée dans le rose vif du grès, Matera et Siwa séduisent par leur intimité, leur humanité palpable. À Petra, on est spectateur d’un chef-d’œuvre monumental. À Matera, on habite l’histoire. À Siwa, on la respire. Ces deux destinations ne se contentent pas d’être des sites archéologiques : elles sont des lieux de vie, où les habitants ont transmis, de génération en génération, un mode d’existence en harmonie avec la roche ou le sable. Ce n’est pas un musée vivant, c’est un vivant qui se souvient.

Élodie, enseignante lyonnaise, s’est rendue à Matera l’automne dernier avec son fils de douze ans. On a passé trois nuits dans une maison troglodytique réhabilitée, raconte-t-elle. Le matin, on ouvrait la fenêtre sur une ruelle en escalier, avec des chats qui traversaient comme s’ils étaient chez eux depuis des siècles. Mon fils a dit : “Maman, on dirait qu’on dort dans un dessin animé.” Ce sentiment d’irréalité douce, cette impression de pénétrer dans un autre monde sans quitter l’Europe, voilà ce que Matera offre.

Comment Matera redéfinit-elle l’identité italienne ?

Située dans la région de Basilicate, loin des clichés du colisée ou des canaux vénitiens, Matera détonne. Classée au patrimoine mondial de l’UNESCO en 1993, la cité des Sassi – ces quartiers troglodytiques creusés dans le tuf – a longtemps été un symbole de pauvreté. Dans les années 1950, le gouvernement italien évacua les habitants, qualifiant les lieux d’insalubres. Mais ce qui fut perçu comme une honte devint, des décennies plus tard, une fierté : un exemple d’architecture vernaculaire, d’ingéniosité adaptée au climat, et d’harmonie entre nature et habitat.

Aujourd’hui, Matera rayonne. Les anciennes grottes abritent des boutiques d’artisanat, des restaurants gastronomiques, des hôtels design. Pourtant, la ville a su préserver son âme. Les fresques byzantines des églises rupestres, certaines datant du IXe siècle, sont encore visibles, comme celle de Santa Maria de Idris, où l’on découvre des scènes de l’Ancien Testament peintes en couleurs passées, mais vibrantes d’intention spirituelle.

Luca, guide local depuis vingt ans, aime raconter cette anecdote : Un jour, une touriste suédoise m’a demandé : “C’est quand, la dernière fois que quelqu’un a vécu ici sans électricité ?” J’ai répondu : “Ma grand-mère. Elle est morte en 1985.” Elle a pleuré. Pas de tristesse, mais d’émotion. Elle réalisait que ce n’était pas du décor, mais de la mémoire vivante.

Que faire à Matera pour une immersion complète ?

Une journée à Matera peut commencer par une promenade dans le Sasso Caveoso, le quartier le plus ancien, où les maisons s’imbriquent comme des nids d’hirondelles. Vers midi, une pause dans une trattoria troglodytique, avec une focaccia aux olives de la région et un vin local, le Aglianico, suffit à ancrer le bonheur dans le concret. L’après-midi, une visite guidée des églises rupestres permet de comprendre comment les moines basiliciens ont transformé la roche en sanctuaires intimes.

Le clou de la journée ? Grimper jusqu’au belvédère de Murgia Timone, accessible à pied ou en 4×4. D’en haut, la vue plongeante sur les Sassi, avec leurs toits blancs et leurs ruelles en lacis, est saisissante, surtout au coucher du soleil, lorsque la lumière dorée caresse la falaise. C’est le moment où la ville semble respirer, et où les visiteurs, souvent silencieux, comprennent qu’ils sont face à quelque chose de rare : une ville qui a résisté à l’oubli.

Siwa, l’oasis perdue : un autre visage de l’Égypte

À 50 kilomètres de la frontière libyenne, nichée entre dunes et lagunes salées, Siwa échappe à toutes les cartes touristiques classiques. Loin des pyramides et des croisières sur le Nil, cette oasis berbère du désert libyque cultive un art de vivre à contre-courant. Ses maisons en kershef – un mélange de sel, d’argile et de paille – fondent presque dans le paysage, comme si elles avaient poussé là naturellement.

Samir, un Égyptien d’Alexandrie, s’est rendu à Siwa il y a trois ans. Je pensais connaître mon pays, dit-il. Mais Siwa, c’est un autre monde. Les gens parlent un dialecte berbère, les femmes portent des bijoux en argent massif, et le soir, personne n’écoute de musique moderne. On chante des chants anciens, sous les étoiles.

Quelle est l’âme de Siwa ?

Le cœur de Siwa bat autour de la forteresse de Shali, construite au XIIIe siècle en kershef. Partiellement effondrée après des pluies rares mais violentes, elle n’en reste pas moins impressionnante, perchée sur une colline, dominant l’oasis comme une sentinelle du temps. Autour, les palmeraies s’étendent à perte de vue, entrecoupées de sources chaudes et de lacs salés, comme le célèbre “Lac du Miel”, où flotter devient une expérience presque mystique.

La vie à Siwa tourne autour de l’eau, de la terre et des traditions. L’artisanat y est vivant : tissage, poterie, fabrication de bijoux en argent ornés de motifs symboliques. Un marché hebdomadaire réunit les habitants des villages alentour, où l’on vend dattes, miel local, huile d’olive et sel cristallisé. Rien n’est standardisé, tout est fait main, avec une lenteur qui force le respect.

Comment vivre une nuit inoubliable à Siwa ?

Dormir dans une kasbah traditionnelle, restaurée en écolodge, c’est entrer dans un rêve éveillé. Les chambres, creusées dans le mur ou construites en kershef, sont fraîches même en plein jour. Le soir, un dîner composé de pain local, de fromage de chèvre et de dattes fraîches est servi sous un ciel sans pollution lumineuse. Les étoiles y sont si nombreuses qu’elles semblent former une voie lactée au sol, tant le reflet sur le sable est intense.

Un rituel presque obligatoire : le bain dans les sources chaudes de Cleopâtre, à la tombée du jour. L’eau, à 28 °C, détend les muscles après une journée de marche ou de vélo dans les dunes. Et quand le soleil disparaît derrière les crêtes de sable, le silence devient total. C’est là que j’ai compris ce que signifiait “hors du temps”, confie Camille, photographe parisienne. Je n’ai rien fait pendant une heure. Juste respiré. Et j’ai eu l’impression de rattraper dix ans de sommeil en retard.

Pourquoi partir à l’automne ?

Les mois d’octobre et novembre offrent des conditions idéales pour visiter ces deux destinations. À Matera, les températures oscillent entre 18 et 22 °C, idéales pour arpenter les ruelles sans transpirer. Les touristes sont moins nombreux qu’en été, et la lumière, plus douce, sublime les façades blanchies à la chaux. À Siwa, l’automne permet d’éviter les chaleurs extrêmes du désert, tout en profitant de journées ensoleillées et de nuits fraîches, parfaites pour les balades nocturnes.

La Toussaint, souvent synonyme de vacances scolaires en France, devient une fenêtre magique pour s’échapper. Moins de monde, des vols encore abordables, et un sentiment de découverte qui, en haute saison, se perd dans la foule.

A retenir

Quelles sont les similitudes entre Matera, Siwa et Petra ?

Les trois villes illustrent l’ingéniosité humaine face aux contraintes géographiques. Troglodytiques, elles exploitent la roche ou le sable pour créer des habitats durables, protégés des intempéries. Elles partagent aussi une dimension spirituelle : Petra était un centre religieux nabatéen, Matera abrite des églises rupestres, Siwa possède un oracle antique dédié à Ammon. Enfin, elles offrent toutes une expérience sensorielle forte : lumière rasante, silence, écho des pas dans les galeries.

Peut-on visiter ces lieux en famille ?

Oui, à condition d’adapter le rythme. À Matera, les escaliers peuvent être fatigants pour les jeunes enfants, mais les maisons troglodytiques les fascinent. À Siwa, l’environnement calme, les bains salés et les balades à vélo sont idéaux pour les enfants curieux. Les récits berbères et les légendes locales captivent les plus jeunes comme les adultes.

Quel budget prévoir pour un séjour ?

Un week-end à Matera peut coûter entre 500 et 800 euros par personne, vols inclus, selon la saison. À Siwa, comptez entre 900 et 1 300 euros pour une semaine, avec vol, transfert, hébergement en écolodge et activités locales. Moins chers que les destinations phares de l’Égypte ou de l’Italie du Nord, ces lieux offrent un excellent rapport qualité-prix pour un voyage authentique.

Quels souvenirs rapporter ?

De Matera, on rapporte souvent des objets en céramique locale, des textiles brodés ou une bouteille de vin Aglianico. À Siwa, les bijoux en argent berbère, les savons au miel de palme, ou encore des tapis tissés main font des cadeaux précieux. Mais le plus beau souvenir, selon les voyageurs, reste l’empreinte sensorielle : l’odeur du feu de bois dans une grotte, le goût du pain cuit au four traditionnel, ou le silence du désert à l’aube.

Conclusion

Matera et Siwa ne cherchent pas à imiter Petra. Elles ne veulent pas de son faste, ni de ses foules. Elles offrent autre chose : une intimité avec l’histoire, une complicité avec la nature, et une invitation à ralentir. Ce ne sont pas des destinations à cocher sur une liste, mais des lieux où l’on s’arrête, où l’on écoute, où l’on respire. À l’automne, quand l’air se fait plus doux et que le monde semble reprendre son souffle, ces deux cités troglodytiques deviennent des refuges pour l’âme. Et peut-être, pour certains, le début d’un autre rapport au voyage : moins loin, mais plus profond.