Partir en Amérique du Sud, c’est s’offrir un voyage sensoriel : la fraîcheur des brumes andines, le vert étourdissant de la jungle amazonienne, le rouge des canyons péruviens, ou encore le rythme envoûtant des rues de Cartagena. Mais entre les altitudes vertigineuses, les climats changeants et les infrastructures parfois limitées, un détail peut vite devenir un cauchemar : une trousse à pharmacie mal préparée. Trop chargée, elle alourdit le sac ; trop légère, elle laisse sans réponse face à une piqûre de moustique ou une indigestion tropicale. Ce qu’il faut, c’est l’équilibre parfait entre prudence et pragmatisme. À travers les expériences vécues de voyageurs, les conseils de médecins spécialisés en médecine des voyages, et les réalités du terrain, découvrez comment composer une trousse médicale intelligente, adaptée à l’immensité et aux imprévus du continent sud-américain.
Quels sont les risques sanitaires réels en Amérique du Sud ?
Avant de remplir une trousse, il faut comprendre ce qu’elle doit affronter. L’Amérique du Sud n’est pas un bloc homogène : les risques varient du désert d’Atacama à la forêt de Manú, de la Patagonie chilienne aux plages de Florianópolis. Pourtant, quelques menaces récurrentes émergent, souvent sous-estimées par les voyageurs.
La tourista, un passage obligé pour beaucoup ?
Je pensais que ça n’arriverait qu’aux autres , confie Camille Lefebvre, 34 ans, en rentrant de son trek au Salkantay. J’ai mangé une salade dans un petit restaurant à Cusco. Résultat : trois jours clouée au lit, entre déshydratation et crampes. La tourista, ou diarrhée du voyageur, touche près de 40 % des touristes dans certaines régions tropicales ou montagneuses. Elle est souvent bénigne, mais peut devenir handicapante si elle survient pendant une ascension ou un trajet en bus de plusieurs heures.
Elle est causée par des bactéries (comme l’E. coli), des virus ou des parasites présents dans l’eau ou les aliments mal lavés. Prévenir est essentiel, mais avoir un traitement d’appoint reste indispensable.
Les piqûres de moustiques : un danger invisible
En Amazonie, au Venezuela ou au nord du Brésil, les moustiques ne sont pas qu’un désagrément. Ils peuvent transmettre la dengue, le chikungunya, ou le zika. J’ai vu un guide local se faire hospitaliser après une piqûre , raconte Diego Morand, biologiste français en mission au Pérou. Il avait ignoré les premiers symptômes. En quelques heures, la fièvre a grimpé à 40°C.
Les zones rurales ou humides sont particulièrement exposées. Même en journée, les moustiques Aedes aegypti, vecteurs de la dengue, sont actifs. Une piqûre peut donc rapidement devenir un problème de santé publique.
Et les soins en altitude ?
À La Paz (3 650 m) ou à Puno (3 800 m), l’air se raréfie. Le mal d’altitude frappe souvent sans prévenir. J’ai cru que j’allais mourir sur le quai de la gare , témoigne Léa Dubois, arrivée directement à Uyuni après un vol de nuit. J’avais mal au crâne, je vomissais, je ne pouvais plus marcher.
Le corps a besoin de temps pour s’acclimater. Sans préparation, l’hypoxie peut entraîner des œdèmes pulmonaires ou cérébraux, des complications rares mais potentiellement mortelles.
Quels médicaments emporter absolument ?
Il ne s’agit pas d’emporter une pharmacie entière, mais de choisir des produits polyvalents, efficaces, et adaptés aux réalités du terrain.
Les incontournables : une liste ciblée
Les experts en médecine des voyages recommandent une trousse minimaliste mais complète. Voici les essentiels :
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Antidiarrhéique (lopéramide) : pour limiter les épisodes aigus. À utiliser ponctuellement, jamais en cas de fièvre ou de sang dans les selles.
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Repolysaccharidique (soluté de réhydratation orale) : indispensable pour éviter la déshydratation, surtout chez les enfants ou en altitude.
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Désinfectant (type chlorhexidine) et pansements imperméables : les plaies s’infectent vite dans un climat humide.
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Antihistaminique et crème à base d’hydrocortisone 1 % : pour les réactions allergiques locales, piqûres d’insectes, ou irritations cutanées.
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Crème antibiotique (néomycine ou bacitracine) : pour les petites coupures ou écorchures.
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Répulsif anti-moustique à base de DEET (20-30 %) ou d’icaridine : efficace jusqu’à 8 heures. À appliquer même en journée.
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Antalgique (paracétamol ou ibuprofène) : pour les maux de tête, fièvre ou courbatures.
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Anti-nauséeux ou traitement contre le mal des transports : utile pour les bus de montagne ou les trajets en bateau.
J’ai vu des voyageurs arriver avec des trousses de 2 kg, et repartir avec tout intact , sourit Élodie Rivière, infirmière expatriée à Quito. Ce qu’il leur manquait, c’était le répulsif. Et c’est ce qui les a rendus malades.
Les médicaments superflus à laisser à la maison
Les sirops, vitamines, pastilles pour la gorge ou compléments alimentaires prennent de la place pour peu d’utilité. En Amérique du Sud, les grandes villes disposent de pharmacies modernes, bien approvisionnées. À Bogotá ou à Santiago, vous trouvez du paracétamol sans problème , assure le Dr Thierry Cazenave, médecin tropicaliste à Bordeaux. En revanche, en pleine forêt, vous ne trouverez ni antibiotique ni désinfectant. C’est là qu’il faut être autonome.
Les trousses prêtes à l’emploi vendues en aéroport sont souvent mal calibrées : trop de produits inutiles, pas assez de soins spécifiques. Mieux vaut composer la sienne soi-même.
Comment organiser sa trousse pour être efficace ?
Une trousse bien conçue est une trousse accessible, claire, et sécurisée.
Une organisation par catégorie
Diviser les médicaments en catégories facilite la recherche en urgence. Des petits sachets zippés, étiquetés Digestion , Peau , Douleur , Altitude , permettent de gagner du temps. J’ai mis mon antidiarrhéique et les sels de réhydratation ensemble , explique Thomas Gaillard, randonneur expérimenté. Quand mon ami a été malade au milieu du trek, j’ai trouvé ce qu’il fallait en dix secondes.
Préserver les dates et les ordonnances
Vérifier les dates de péremption est une étape cruciale. Un antiseptique périmé peut être inefficace, voire dangereux. Pour les traitements chroniques (insuline, anticoagulants, médicaments psychiatriques), garder l’ordonnance et un certificat médical traduit en anglais ou espagnol est indispensable. À la douane à Lima, ils ont demandé des documents pour mon insuline , raconte Amandine Chauvet. Heureusement, je les avais. Sinon, j’aurais risqué une confiscation.
Adapter la trousse au type de voyage
Un trek en Amazonie exige plus de protections contre les insectes qu’un circuit culturel à Buenos Aires. Un voyage en altitude nécessite une préparation spécifique. Pour mon ascension du Huascarán, j’ai emporté de l’acétazolamide sur ordonnance , précise Julien Mercier. Mon médecin me l’a prescrit après un bilan. Cela m’a permis de monter progressivement sans crise.
Quelles erreurs fréquentes faut-il éviter ?
Les regrets de voyageurs sont souvent les mêmes : avoir négligé l’essentiel, ou avoir surchargé inutilement.
Sous-estimer la tourista
Beaucoup pensent que boire de l’eau en bouteille suffit. C’est vrai, mais les aliments lavés avec de l’eau du robinet, les glaçons, ou les fruits pelés par un vendeur peuvent être des vecteurs. J’ai mangé une mangue sur un marché à Salvador , se souvient Clémentine Roux. Résultat : trois jours sans quitter ma chambre d’hôtel. Je n’avais même pas de réhydratant.
Oublier le mal d’altitude
Arriver directement à Cusco (3 400 m) après un vol long-courrier est une erreur courante. Le corps n’a pas le temps de s’acclimater. J’ai vu des touristes monter au Machu Picchu le lendemain de leur arrivée , s’alarme Diego Morand. C’est du suicide sanitaire.
Le secret ? Passer 24 à 48 heures à une altitude modérée, boire beaucoup d’eau, et éventuellement prendre un traitement préventif sur avis médical.
Se fier aux médicaments locaux sans précaution
Les pharmacies sud-américaines vendent des produits efficaces, mais les dosages peuvent varier. Certains médicaments contiennent des substances interdites en France. J’ai pris un anti-inflammatoire en Colombie , raconte Thomas Gaillard. J’ai fait une réaction allergique violente. Le principe actif n’était pas le même que chez nous.
Conseil : montrer le nom du principe actif (ex. : paracetamol , ibuprofen ) au pharmacien, plutôt que de demander une marque.
Comment se ravitailler sur place ?
Une trousse bien pensée ne doit pas être définitive. Elle peut être complétée en cours de route.
Identifier les pharmacies fiables
Dans les grandes villes (Lima, Santiago, Quito), les pharmacies sont nombreuses, souvent ouvertes tard, et bien approvisionnées. Rechercher celles qui portent un logo officiel (comme Cruz Verde au Chili ou Farmatodo en Colombie) garantit une certaine qualité.
Demander conseil aux locaux
Les hébergeurs, guides ou employés d’auberge connaissent les meilleures adresses. Mon hôte à Mancora m’a emmené dans une petite pharmacie tenue par une infirmière , témoigne Camille Lefebvre. Elle m’a conseillé un antiseptique local beaucoup plus puissant que celui que j’avais.
Ne pas hésiter à se faire aider
En cas de doute, consulter un médecin local est toujours préférable à l’automédication. Les cliniques privées dans les capitales sont souvent de bon niveau. Pour les urgences, les ambassades peuvent fournir des listes d’établissements recommandés.
Anticiper pour mieux profiter : la philosophie du voyageur éclairé
La trousse idéale n’existe pas. Elle dépend du parcours, de la durée, de la saison, et de la condition physique du voyageur. Mais tous les témoignages convergent vers une vérité simple : quelques minutes passées à organiser sa trousse avant le départ peuvent épargner des jours de souffrance sur place.
J’ai appris à voyager léger, mais pas trop , résume Julien Mercier. Maintenant, je prépare ma trousse comme une partie du voyage. C’est rassurant.
L’Amérique du Sud mérite d’être vécue intensément : dans les marchés colorés de Cusco, sur les chemins inca, ou en canoë dans les eaux noires du Rio Negro. Pour cela, il faut être prêt. Pas surarmé, mais vigilant. La trousse à pharmacie, ce n’est pas un gadget. C’est un outil de liberté.
A retenir
Quels sont les 5 médicaments absolument indispensables ?
Un antidiarrhéique, un désinfectant, des pansements imperméables, un répulsif efficace (DEET ou icaridine), et un antalgique. Ajouter un soluté de réhydratation orale et une crème à base d’hydrocortisone pour plus de sécurité.
Faut-il emporter des antibiotiques ?
Seulement sur prescription médicale, en cas de risque élevé (randonnée isolée, plongée, immersion en zone tropicale). Ne jamais les utiliser sans avis médical.
Comment éviter le mal d’altitude ?
Monter progressivement, boire beaucoup d’eau, éviter l’alcool et l’effort physique les premiers jours. En cas de risque, consulter son médecin pour un traitement préventif comme l’acétazolamide.
Peut-on acheter des médicaments sans ordonnance en Amérique du Sud ?
Oui, dans la plupart des pays, mais avec prudence. Les pharmaciens peuvent vendre des antibiotiques sans ordonnance, mais cela augmente les risques d’automédication inadaptée. Privilégier les grands centres urbains et les pharmacies connues.
Comment transporter des médicaments en avion ?
Les médicaments sont autorisés en cabine, même en liquide (insuline, sprays). Garder les boîtes d’origine et les ordonnances. Pour les médicaments injectables, un certificat médical est fortement recommandé.