L’automne s’installe, les feuilles roussissent, et dans les jardins, une certaine exubérance végétale atteint son paroxysme. Les vivaces, longtemps contenues par l’hiver et la patience des jardiniers, explosent maintenant en touffes généreuses, parfois envahissantes. Ce foisonnement, loin d’être un désordre, peut devenir une opportunité rare : celle de partager, de renouveler, de transmettre. Derrière ce surplus de vie se cache une pratique ancienne, simple, et profondément humaine : la division des vivaces. Gratuit, écologique et rempli de sens, ce geste du jardinier éveillé transforme l’abondance en lien social, le débordement en cadeau.
Pourquoi mes vivaces prennent-elles autant de place chaque automne ?
Les vivaces sont des survivantes. Elles hibernent sous la terre, accumulent de l’énergie pendant les saisons froides, puis, dès que la douceur revient, elles repartent à l’assaut du sol. Après deux ou trois ans, certaines espèces — comme les lupins, les hémérocalles ou les asters — forment de véritables colonies. Leur vigueur n’a d’égale que leur capacité à coloniser l’espace. Leurs racines s’étendent, s’enchevêtrent, et finissent par étouffer les plantes plus discrètes.
Quand la générosité devient encombrement : les limites de la prolifération
Un massif dense, c’est beau au printemps. Mais à l’automne, cette densité devient un problème. Les plantes s’épuisent à se disputer la lumière et les nutriments. Les tiges s’affaissent, les fleurs sont moins nombreuses, et la ventilation devient insuffisante, favorisant les maladies fongiques. Pour Élise Pernier, maraîchère à Clermont-Ferrand, ce constat est récurrent : Chaque année, mes géraniums vivaces envahissent tout. J’ai dû choisir entre les arracher ou trouver une autre solution. J’ai choisi de les diviser. Et ce geste a changé ma relation au jardin.
Diviser pour régénérer : comment donner une seconde vie à ses plantes ?
La division des touffes n’est pas une technique moderne. C’est un savoir-faire transmis de main de maître à apprenti, souvent dans l’intimité d’un jardin familial. Elle consiste à extraire une plante mature, à la séparer en plusieurs fragments, chacun capable de devenir une nouvelle plante autonome. L’automne est le moment idéal : la sève redescend, la plante se prépare au repos, et les racines ont tout l’hiver pour s’établir avant la repousse du printemps.
Pourquoi l’automne est-il la saison rêvée pour diviser les vivaces ?
En octobre, les températures sont douces, les pluies régulières, et la terre encore tiède. Contrairement au printemps, où chaque plante doit être arrosée quotidiennement pour s’établir, l’automne permet une installation naturelle. Je divise mes achillées et mes verveines chaque fin d’été , confie Thomas Lévrier, jardinier amateur à Bordeaux. Elles reprennent racine sans que je doive y penser. Et au printemps suivant, elles sont déjà fortes.
Quel matériel faut-il vraiment ?
Le plus beau dans cette pratique, c’est qu’elle ne demande ni budget, ni équipement sophistiqué. Une bêche bien affûtée, des gants épais, une fourche pour les racines tenaces, et un vieux seau pour transporter les éclats. Pas besoin de sacs de terreau ni de pots neufs. Le jardin lui-même fournit tout. J’utilise une fourche que mon père m’a donnée , raconte Camille Vasseur, habitante d’un petit village en Ardèche. Elle a plus de quarante ans, mais elle fonctionne parfaitement. C’est ça, le vrai jardinage : pas de gaspillage, juste de l’attention.
Comment diviser ses vivaces sans se tromper ?
La division peut sembler délicate, mais elle est accessible à tous. Il s’agit moins de technique que de respect du rythme végétal. L’essentiel est de préserver les bourgeons de base et un système racinaire suffisant pour chaque fragment.
Comment extraire la touffe sans abîmer les racines ?
La première étape consiste à encercler la plante à une vingtaine de centimètres de son centre, avec une bêche. Le but est de soulever délicatement la motte entière, sans la briser. Une fois sortie, on secoue doucement la terre, ou mieux, on plonge la touffe dans un baquet d’eau. Cette méthode, utilisée par les jardiniers expérimentés, permet de décoller la terre sans forcer, et de visualiser clairement les zones de division. J’ai appris ça avec un voisin retraité , sourit Élise. Je pensais que c’était une perte de temps, mais en cinq minutes, mes racines étaient propres, et je voyais exactement où couper.
Combien de plants peut-on obtenir d’une seule touffe ?
Une touffe bien développée peut donner entre 4 et 10 plants, selon l’espèce. Un pied d’iris, par exemple, se divise facilement en plusieurs rhizomes, chacun porteur de bourgeons. Une hémérocalles mature peut fournir jusqu’à huit nouvelles plantes. J’ai divisé un seul pied de lupin l’an dernier , témoigne Thomas. J’en ai offert six à des amis, j’en ai replanté deux, et le reste a atterri dans des coins du jardin que je voulais embellir. Cette année, ils fleurissent tous.
Partager ses plantes, est-ce vraiment un cadeau ?
Offrir un plant de vivace, ce n’est pas seulement donner une fleur. C’est transmettre un morceau de son jardin, un souvenir, une histoire. Ces plantes, issues d’un partage, prennent racine ailleurs, mais elles portent en elles l’empreinte de celui qui les a cultivées.
Pourquoi les gens apprécient-ils tant les plantes offertes ?
Les cadeaux vivants touchent différemment. Ils ne s’usent pas, ils grandissent. Ils évoluent. Et chaque floraison rappelle à celui qui les reçoit : Quelqu’un a pensé à moi. Camille raconte : J’ai offert des éclats de verveine à ma voisine, qui venait d’arriver. Elle m’a appelée au printemps suivant, en pleurant presque. Elle disait que voir ces fleurs rouges lui avait redonné le moral. Je n’aurais jamais imaginé que quelques racines puissent faire autant de bien.
Le troc de plants, une tradition qui revient en force
Dans de nombreux quartiers, les trocs de plantes automnaux deviennent des événements attendus. Pas de monnaie, juste des échanges : un géranium contre des asters, une touffe de lavande contre des vivaces à ombre. Ces moments sont souvent simples, parfois accompagnés d’un thé ou d’un café partagé. On parle moins de jardinage que de vie , observe Élise. On échange des astuces, bien sûr, mais aussi des nouvelles, des souvenirs. C’est devenu un moment social, presque rituel.
Comment transformer la division en geste zéro déchet ?
Diviser les vivaces, c’est refuser le gaspillage. Au lieu de jeter des plantes jugées trop envahissantes, on leur donne une nouvelle chance. On valorise ce que la nature offre abondamment.
Peut-on tout réutiliser, même les petits fragments ?
Oui. Même les plus petits éclats, pourvu qu’ils comportent un bout de racine et un bourgeon, peuvent être replantés. Certains jardiniers les mettent en pots, les offrent à des débutants, ou les utilisent pour couvrir des zones difficiles. J’ai donné des petits morceaux d’achillée à une amie qui voulait apprendre , explique Thomas. Elle les a mis en godets, et six mois plus tard, elle avait un massif entier. Elle m’a dit : “Tu m’as appris à faire pousser la vie.”
Où replanter les divisions pour un maximum d’impact ?
Les coins oubliés du jardin — talus, bordures, zones ombragées — sont parfaits pour accueillir ces nouvelles plantes. Elles stabilisent les sols, attirent les insectes, et embellissent des espaces longtemps négligés. J’ai planté des éclats de verveine sur un talus qui glissait , raconte Camille. Maintenant, les racines tiennent la terre, et au printemps, c’est un tapis de fleurs. Personne ne pensait que ça pouvait devenir beau.
Le jardin, un lieu de transmission et de mémoire
Un jardin n’est pas qu’un espace de culture. C’est un lieu de mémoire, où chaque plante peut raconter une histoire. Les vivaces divisées et offertes deviennent des relais de souvenirs, des témoins silencieux de rencontres, de partages, d’affection.
Comment une plante devient-elle un souvenir ?
Qui n’a pas, dans son jardin, une plante reçue d’un être cher ? Un rosier de sa mère, une lavande d’une amie décédée, un pied de sauge donné par un voisin disparu. Ces plantes ne se contentent pas de fleurir : elles font revivre des moments, des voix, des rires. J’ai une touffe de géranium qui vient de ma grand-tante , confie Élise. Elle est morte il y a dix ans, mais chaque été, quand elle fleurit, je pense à elle. Et quand je la divise, je transmets un peu d’elle. C’est plus qu’un geste de jardinage : c’est une forme de continuité.
Transmettre sa passion, sans discours ni pression
La division des vivaces est une manière douce de transmettre son amour des plantes. Pas besoin de conférence ou de manuel. Un simple échange de mains, un pot tendu, et la passion passe. J’ai offert des iris à mon neveu, qui n’avait jamais touché une bêche , raconte Thomas. Il les a plantés dans son jardin. L’année d’après, il m’a envoyé une photo : ils fleurissaient. Il m’a écrit : “Je comprends pourquoi tu aimes ça.” C’était la plus belle réponse possible.
A retenir
Quand faut-il diviser les vivaces ?
La période idéale se situe entre septembre et novembre, lorsque les températures sont douces et la terre encore tiède. Les plantes sont en phase de repos végétatif, ce qui leur permet de mieux supporter la division et de s’enraciner tranquillement pendant l’hiver.
Quelles vivaces peut-on diviser ?
La plupart des vivaces à touffe dense se prêtent bien à la division : hémérocalles, lupins, géraniums vivaces, asters, achillées, verveines, pivoines, irises rhizomateux. En revanche, les vivaces à racines pivotantes (comme les delphiniums ou les pavots) sont plus délicates à diviser.
Faut-il désinfecter les outils ?
Oui, surtout si on utilise un couteau pour couper des souches coriaces. Un chiffon imbibé d’alcool ou une solution de javel diluée suffit à éviter la propagation de maladies entre les plantes.
Peut-on planter les divisions immédiatement ?
Oui, et c’est même recommandé. Les plants doivent être replantés dans les heures suivant la division, à une profondeur équivalente à celle qu’ils avaient auparavant, et arrosés si la terre est sèche. L’automne offrant souvent des pluies régulières, l’arrosage complémentaire n’est pas toujours nécessaire.
Comment offrir des plants de manière durable ?
On peut les remettre en godets avec un peu de terre, ou les envelopper dans un linge humide pour le transport. Un petit mot indiquant le nom de la plante, la date de division et quelques conseils de plantation ajoute une touche personnelle et utile.