Ce geste courant pourrait aggraver votre maladie — changez-le dès maintenant

Chaque automne, comme un rituel immuable, les rhumes, toux et frissons s’installent dans les foyers français. Les écharpes sortent des placards, le thé à la camomille fume sur les tables, et bien souvent, sans même consulter, on attrape la boîte d’antibiotiques du fond de l’armoire à pharmacie. Ce réflexe, ancré dans les habitudes familiales et parfois transmis de génération en génération, semble logique : soigner vite pour guérir plus vite. Pourtant, ce geste, perçu comme responsable, peut en réalité nuire à la santé, tant individuelle que collective. Entre idées reçues, pression sociale et incompréhension médicale, il est temps de clarifier un enjeu crucial : l’usage approprié des antibiotiques face aux infections hivernales.

Est-il raisonnable de prendre des antibiotiques dès les premiers symptômes ?

À la première toux persistante, Élodie, 42 ans, enseignante dans une école primaire à Lyon, attrape systématiquement son traitement d’antibiotiques. “Je l’ai toujours fait, explique-t-elle. Quand mes enfants sont malades, je veux qu’ils guérissent vite pour ne pas rater l’école. Et moi, je dois être opérationnelle. Je me dis que c’est mieux d’attaquer fort.” Ce raisonnement, partagé par de nombreux Français, repose sur une illusion de contrôle. Or, selon l’Institut national de santé publique, près de 40 % des prescriptions d’antibiotiques en France concernent des infections virales – contre lesquelles ces médicaments sont totalement inefficaces.

L’erreur est humaine, mais elle s’inscrit dans une culture médicale passée, celle d’un temps où les antibiotiques étaient perçus comme des remèdes miracles. Découverts au XXe siècle, ils ont sauvé des millions de vies en traitant des infections mortelles. Aujourd’hui, cette mémoire collective pèse encore : on croit qu’un médicament si puissant doit fonctionner contre tout. Mais la réalité est autre. L’antibiotique ne combat que les bactéries. Il est inutile face aux virus, responsables de 80 % des infections respiratoires hivernales, comme le rhume, la grippe ou la bronchiolite.

Le problème, c’est que ce réflexe, même bien intentionné, fragilise notre système de santé. En consommant des antibiotiques sans indication médicale, on ne soigne pas – on s’expose à des effets secondaires et on participe à un phénomène plus vaste : la résistance bactérienne.

Pourquoi confond-on si souvent virus et bactéries ?

Le généraliste Dr Julien Mercier, installé à Bordeaux, voit passer des dizaines de patients chaque semaine pendant la saison froide. “Souvent, ils arrivent en disant : ‘Je veux un antibiotique, j’ai de la fièvre depuis deux jours.’” Pourtant, selon ses examens, la majorité des cas sont d’origine virale. “Les symptômes se ressemblent : fièvre, fatigue, maux de gorge. Mais la cause n’est pas la même.”

La confusion est compréhensible, mais dangereuse. Un virus, comme celui de la grippe, se traite par le repos, l’hydratation, et parfois des antipyrétiques. Une infection bactérienne, comme une pneumonie ou une angine streptococcique, nécessite effectivement un antibiotique. Mais seul un diagnostic médical fiable peut faire la distinction.

Prendre un antibiotique “au cas où” revient à jouer à pile ou face avec sa santé. Et les conséquences peuvent être lourdes, non pas immédiatement, mais à long terme.

Quels sont les risques d’un usage abusif des antibiotiques ?

La résistance aux antibiotiques, une menace silencieuse

En 2023, Santé publique France a alerté : près de 12 000 décès par an sont liés à des infections résistantes aux antibiotiques. Ce chiffre, en hausse constante, illustre l’ampleur du problème. Lorsqu’on utilise un antibiotique inutilement, certaines bactéries survivent, mutent, et deviennent résistantes. Ces “super-bactéries” ne répondent plus aux traitements classiques.

Le cas de Thomas, 58 ans, retraité à Nantes, est éloquent. Hospitalisé pour une infection urinaire, il a reçu plusieurs antibiotiques sans effet. “Le médecin m’a dit que la bactérie était résistante à presque tout. J’ai passé trois semaines en soins intensifs.” Son histoire n’est pas isolée. Chaque prise injustifiée d’antibiotique augmente le risque que d’autres, un jour, n’en aient plus d’efficaces.

Et les effets secondaires, qu’en est-il ?

Marine, 31 ans, mère de deux enfants, a pris un antibiotique l’hiver dernier pour une bronchite virale. “Je me sentais faible, j’ai voulu accélérer la guérison.” Résultat : une diarrhée sévère, suivie d’une candidose. “Je ne pensais pas que ça pouvait avoir autant de conséquences.”

Les antibiotiques ne font pas que tuer les bactéries pathogènes. Ils détruisent aussi la flore intestinale bénéfique, essentielle à la digestion, à l’immunité et même à l’équilibre émotionnel. Ce déséquilibre, appelé dysbiose, peut durer des semaines, voire des mois, et favoriser des infections opportunistes ou des troubles digestifs chroniques.

Quand faut-il vraiment prendre un antibiotique ?

Les antibiotiques restent des médicaments vitaux. Mais leur efficacité dépend de leur bon usage. “Ils ne sont pas mauvais, ils sont mal utilisés”, insiste le Dr Mercier. Face à une pneumonie bactérienne, une otite sévère chez un jeune enfant, ou une angine confirmée par test rapide, l’antibiotique est indispensable – et parfois salvateur.

Le point clé ? Le diagnostic. “Les symptômes doivent évoluer de façon atypique : fièvre persistante au-delà de 48 heures, douleurs localisées, difficultés respiratoires. C’est là qu’on parle d’infection secondaire bactérienne”, précise-t-il. Mais dans 90 % des cas de rhume, le corps combat seul le virus en une à deux semaines.

Léa, infirmière à Toulouse, le rappelle : “J’ai appris à ne pas céder à la pression. Quand mon fils a eu une bronchiolite, j’ai refusé l’antibiotique que son pédiatre voulait prescrire par habitude. J’ai insisté pour un examen complet. Il n’en avait pas besoin. Aujourd’hui, il guérit plus vite que ses camarades – parce qu’on ne perturbe pas son système immunitaire pour rien.”

Comment adopter de nouveaux réflexes face aux infections ?

Privilégier les soins de support

Face à un rhume, les solutions les plus simples sont souvent les meilleures. Le repos, l’hydratation abondante (eau, tisanes), les aliments riches en vitamine C (citrus, kiwi, poivron) et en magnésium (amandes, épinards, légumineuses) renforcent naturellement les défenses immunitaires.

La famille Dubois, installée en Alsace, a changé ses habitudes. “Avant, on prenait des antibiotiques dès le premier éternuement”, raconte Camille, 38 ans. “Maintenant, on fait des tisanes, on ventile bien la maison, on lave les mains. Et on attend. La plupart du temps, ça passe.”

Consulter avant d’agir

En cas de doute, le recours à un professionnel de santé est la meilleure garantie. Le pharmacien, souvent accessible sans rendez-vous, peut orienter, conseiller sur les traitements symptomatiques, et signaler les signes d’alerte.

“Je vois trop de patients qui vident leur boîte à pharmacie sans réfléchir”, déplore Fatima, pharmacienne à Marseille. “Je prends le temps de les écouter, de les informer. Parfois, un simple spray saline ou un humidificateur d’air suffit.”

Éduquer dès le plus jeune âge

À l’école maternelle de Montreuil, une campagne de sensibilisation a été mise en place. Les enfants apprennent à se laver les mains, à éternuer dans leur coude, et à ne pas partager leurs gobelets. “On leur dit : ‘Ton corps est un super-héros. Il sait se battre tout seul.’” Ce discours, repris à la maison, change les comportements.

Quel avenir pour les antibiotiques ?

La préservation de l’efficacité des antibiotiques est un enjeu de santé publique mondiale. L’Organisation mondiale de la santé les qualifie de “ressources non renouvelables”. Chaque prise injustifiée diminue leur puissance future.

En France, des campagnes nationales comme “Antibiotiques, pas automatiques” ont permis de réduire la consommation de 25 % entre 2002 et 2020. Mais le combat n’est pas gagné. “Il faut continuer à informer, à former, à responsabiliser”, affirme le Dr Mercier. “Le bon réflexe, ce n’est pas d’agir vite. C’est d’agir juste.”

A retenir

Les antibiotiques sont-ils efficaces contre le rhume ?

Non. Le rhume est causé par un virus, et les antibiotiques n’ont aucun effet sur les virus. Leur prise en cas de rhume est inutile et potentiellement nocive.

Peut-on devenir résistant aux antibiotiques ?

Non, ce n’est pas l’individu qui devient résistant, mais les bactéries. Lorsqu’elles sont exposées à des antibiotiques sans raison, elles évoluent et deviennent capables de survivre aux traitements, rendant les infections plus difficiles à soigner.

Quels sont les signes qui justifient une prescription d’antibiotique ?

Une fièvre persistante (plus de 48 heures), des douleurs localisées (oreille, sinus, poitrine), une aggravation inattendue des symptômes après une amélioration initiale, ou un test médical confirmant une infection bactérienne.

Faut-il terminer tout traitement antibiotique commencé ?

Oui, même en cas de mieux. Arrêter prématurément un antibiotique permet aux bactéries les plus résistantes de survivre et de se multiplier, augmentant le risque de rechute et de résistance.

Que faire en cas de doute sur un traitement ?

Consulter un professionnel de santé : médecin, pharmacien, ou ligne d’information médicale. Ne jamais s’automédiquer, surtout avec des antibiotiques.

Chaque automne, nous sommes tentés de reprendre les anciens réflexes. Mais la sagesse médicale d’aujourd’hui nous invite à ralentir, à observer, à écouter notre corps. Les antibiotiques ne sont pas des vitamines. Ils sont des armes puissantes, mais précieuses. Les utiliser à bon escient, c’est protéger non seulement notre santé immédiate, mais aussi celle de nos enfants, de nos proches, et de la société tout entière. Le geste le plus responsable, parfois, n’est pas d’agir vite, mais de savoir attendre.