Chaque automne, alors que les températures commencent à fléchir, un geste familier s’impose dans les foyers : avant de franchir la porte, on tourne le robinet du radiateur, on baisse le thermostat, parfois même on coupe tout. L’objectif ? Ne pas chauffer à vide . Ce réflexe, partagé par une large majorité des Français, semble logique, presque évident. Pourtant, derrière cette bonne intention se cache une erreur coûteuse, que peu soupçonnent. Alors que les ménages cherchent à maîtriser leurs dépenses énergétiques, il est temps de reconsidérer cette pratique. Parce qu’économiser l’énergie, ce n’est pas toujours éteindre, mais parfois réguler avec intelligence.
Pourquoi tant de gens éteignent-ils leur chauffage en partant ?
Ce geste, ancré dans les habitudes, repose sur une logique de surface : si l’on n’est pas là, inutile de consommer. Cette pensée, inspirée du réflexe de débrancher les appareils électriques en veille, semble naturelle. Louise Berthier, enseignante à Lyon, l’explique simplement : J’ai grandi avec l’idée qu’il fallait toujours éteindre pour ne pas gaspiller. Alors quand je pars au collège, je coupe tout. C’est automatique. Ce raisonnement, partagé par près de 80 % des Français selon plusieurs études, s’appuie sur une vision binaire de la consommation : marche ou arrêt, chaud ou froid.
Pourtant, le chauffage ne fonctionne pas comme une lampe. La chaleur, contrairement à l’électricité, ne se consomme pas instantanément. Elle se diffuse, s’accumule, et surtout, elle met du temps à revenir une fois perdue. En coupant totalement le chauffage, on laisse la maison se refroidir rapidement, surtout lorsque les températures extérieures chutent. Le mur thermique ainsi créé oblige le système, au retour, à fournir un effort bien plus intense que s’il avait simplement maintenu une température basse. Ce que l’on croit être une économie se révèle souvent un gaspillage déguisé.
Que se passe-t-il réellement quand on rallume à fond ?
Imaginez : il est 18 heures, vous rentrez après une longue journée. L’appartement est glacial. Votre premier réflexe ? Monter le thermostat à 22 °C, pousser les radiateurs au maximum. Vous voulez retrouver rapidement la chaleur, le confort. Mais ce geste, bien que compréhensible, est contre-productif.
Enzo Morel, technicien en chauffage à Grenoble, l’observe régulièrement chez ses clients : Ils pensent que chauffer plus vite revient à chauffer moins cher. En réalité, c’est l’inverse. Quand un logement a perdu beaucoup de chaleur, le système doit compenser une déperdition importante. Cela crée un pic de consommation très élevé, bien supérieur à ce qu’il aurait fallu pour maintenir une température stable.
Le phénomène est comparable à une voiture : rouler à vitesse constante consomme moins que d’alterner accélérations brutales et freinages. De même, un chauffage qui fonctionne en continu à bas régime est plus efficace qu’un système soumis à des cycles extrêmes. La remontée en température après une coupure totale peut ainsi consommer jusqu’à 20 % d’énergie supplémentaire par rapport à un maintien modéré. L’illusion de l’économie cède la place à une surconsommation silencieuse.
Pourquoi maintenir une température basse est bien plus malin ?
La solution ne réside pas dans l’arrêt complet, mais dans l’ajustement fin. Baisser la température de 3 à 4 °C avant de partir suffit à réduire significativement la consommation sans compromettre la stabilité thermique du logement. Cette stratégie, connue des spécialistes sous le nom de mode absence , permet de limiter les écarts de température et donc les efforts de rattrapage.
Clara Nguyen, architecte d’intérieur à Bordeaux, a adopté cette méthode depuis deux hivers : Avant, je coupais tout. Depuis que j’ai installé des thermostats programmables, je baisse à 17 °C quand je sors. En rentrant, la maison est fraîche, mais pas glaciale. Je remonte à 19 °C, et en moins de 30 minutes, c’est parfait. Ma facture a baissé de 12 % l’année dernière.
Ce geste, simple et sans coût, repose sur un principe physique fondamental : plus la différence entre l’intérieur et l’extérieur est grande, plus la chaleur s’échappe vite. En maintenant une température modérée, on réduit cet écart, donc les pertes. Le système n’a pas besoin de tout refaire , il reprend simplement là où il s’était arrêté. Le confort revient vite, sans surcharge énergétique.
Comment mettre en place cette baisse de température au quotidien ?
Pas besoin de matériel sophistiqué. Sur la plupart des radiateurs, il suffit de tourner le robinet thermostatique d’un cran ou deux. Si vous avez des thermostats intelligents, programmez un scénario absence automatique. Même sans technologie, une vigilance basique suffit : en partant le matin, vérifiez que la température n’est pas maintenue à 20 °C alors que personne ne sera là avant 8 heures.
Le seuil idéal ? Entre 16 et 18 °C. Cette plage garantit un bon compromis entre confort minimal, préservation des matériaux (éviter les écarts trop violents protège aussi les murs et les revêtements) et économie d’énergie. En hiver, une baisse de 1 °C sur 24 heures permet déjà d’économiser environ 7 % de consommation. Multiplié par plusieurs heures d’absence chaque jour, l’impact annuel est non négligeable.
Quels autres gestes complémentaires peuvent optimiser le chauffage ?
La gestion de la température en absence est un levier majeur, mais elle s’inscrit dans une démarche globale. Plusieurs habitudes simples, souvent oubliées, renforcent l’efficacité du système et amplifient les économies.
Comment purger ses radiateurs et pourquoi c’est essentiel ?
Au fil du temps, de l’air s’accumule dans les circuits de chauffage. Cela crée des poches qui empêchent l’eau chaude de circuler correctement. Résultat : le radiateur chauffe mal, surtout en haut. La purge, opération rapide et gratuite, consiste à relâcher cet air par la vis de purge située à l’extrémité du radiateur.
Samir Kaci, propriétaire d’un appartement ancien à Marseille, a constaté une différence immédiate : J’ai purgé mes quatre radiateurs un dimanche matin. Le lendemain, ils montaient en température beaucoup plus vite. J’ai pu baisser le thermostat de 1 °C sans perdre en confort. C’est minime, mais sur un mois, ça se ressent.
Comment les volets et les portes influencent-ils la chaleur ?
Fermer les volets le soir, surtout dans les régions froides, peut réduire les déperditions thermiques de 10 à 15 %. Les doubles vitrages ne suffisent pas : l’air froid entre en contact avec la vitre, crée un courant d’air froid, et la chaleur intérieure s’échappe. Un volet fermé agit comme une barrière supplémentaire.
De même, fermer les portes des pièces inoccupées permet de concentrer la chaleur dans les zones de vie. Mais attention : dans les logements mal isolés, fermer trop de portes peut perturber la circulation d’air et nuire au fonctionnement du système. L’équilibre est clé.
Pourquoi ne pas poser de linge sur les radiateurs ?
Ce geste, courant en période humide, bloque la diffusion de la chaleur. Le radiateur chauffe le linge, qui agit comme un isolant, et non l’air de la pièce. Résultat : une consommation inutile, un séchage lent, et un risque accru d’humidité ou de moisissures. Mieux vaut utiliser un sèche-serviette ou un étendoir ventilé dans une pièce bien aérée.
Quels bénéfices concrets sur la facture et le confort ?
Adopter une gestion intelligente du chauffage ne se traduit pas seulement par des économies ponctuelles. Elle transforme la relation au logement, rend le confort plus constant, et diminue les variations désagréables.
Les estimations varient selon les logements, mais une baisse de 3 à 4 °C pendant les absences permet généralement d’économiser entre 5 et 10 % de la consommation annuelle de chauffage. Dans un contexte où les prix de l’énergie restent élevés, ces pourcentages représentent des centaines d’euros par an pour un ménage moyen.
Et ce n’est pas qu’une question de budget. Éléa Dubreuil, mère de deux enfants à Rennes, témoigne : Avant, on rentrait le soir et les enfants grelottaient. On montait le chauffage à fond, mais il fallait attendre longtemps. Depuis qu’on maintient 17 °C, c’est plus doux, plus stable. On ne stresse plus avec la température.
Conclusion
Couper son chauffage en partant n’est pas un geste anodin. C’est une décision qui a un impact direct sur la consommation, le confort, et la facture. Ce réflexe, bien intentionné, repose sur une compréhension simplifiée de la thermodynamique domestique. En réalité, l’intelligence énergétique ne réside pas dans l’arrêt brutal, mais dans la modulation subtile. Baisser la température de quelques degrés, purger les radiateurs, fermer les volets, aérer intelligemment : autant de gestes simples, accessibles à tous, qui, cumulés, transforment profondément la gestion du logement.
Face à l’urgence climatique et à la pression économique, il est temps de remplacer les automatismes par des choix éclairés. Parce que chauffer moins ne veut pas dire souffrir du froid, mais vivre dans un espace mieux maîtrisé, plus durable, et plus serein.
A retenir
Doit-on éteindre complètement le chauffage en quittant la maison ?
Non. Éteindre totalement le chauffage pendant les absences courtes (moins de 8 heures) est contre-productif. Il est préférable de baisser la température de 3 à 4 °C pour éviter un pic de consommation au retour.
Quelle température recommande-t-on en absence ?
Entre 16 et 18 °C. Ce niveau permet de maintenir une inertie thermique suffisante tout en limitant la consommation. Il évite le refroidissement excessif des murs et des matériaux.
Combien peut-on économiser en adoptant cette méthode ?
Entre 5 et 10 % de la consommation annuelle de chauffage, selon le logement, l’isolation et la durée des absences. Ces économies se traduisent par une baisse visible de la facture, surtout en hiver.
Est-ce que cette méthode fonctionne avec tous les types de chauffage ?
Oui. Que vous utilisiez un chauffage central, des radiateurs électriques ou une pompe à chaleur, le principe reste valable : maintenir une température modérée est plus efficace que des cycles extrêmes de chauffage et de refroidissement.
Faut-il purger les radiateurs chaque hiver ?
Oui. Une purge annuelle, au début de la saison froide, permet d’éliminer l’air emprisonné dans les circuits. Cela améliore la diffusion de chaleur, réduit les temps de montée en température et diminue la consommation.