Ces plantes bannies pour chasser les mauvais esprits reviennent en force aujourd’hui

Chaque hiver, comme un appel silencieux, les parfums de la lavande, du romarin ou de la sauge semblent reprendre leur place dans nos maisons. Ces plantes autrefois bercées par les gestes des ancêtres – suspendues aux portes, tressées en bouquets, brûlées en offrande – retrouvent aujourd’hui une nouvelle résonance. Non pas seulement pour leur esthétique, mais pour ce qu’elles portent en elles : une mémoire sensorielle, un lien avec la nature, une forme de protection douce. Dans un monde où le stress s’invite souvent entre nos murs, ces végétaux, simples et résistants, deviennent des alliés précieux. Leur retour n’est pas une mode éphémère, mais une reconnexion à des rituels intemporels, réinventés pour des foyers modernes en quête d’apaisement.

Quelles sont les racines de cette renaissance végétale ?

Quand les herbes faisaient office de gardiennes

Avant l’ère des systèmes de sécurité et des purificateurs d’air, les maisons étaient protégées par autre chose que des technologies : des plantes. En Auvergne, on suspendait une branche de romarin au-dessus de la porte d’entrée pour éloigner les mauvais sorts. En Normandie, la sauge était glissée sous les oreillers des enfants malades, censée absorber les fièvres comme les peurs. Ces gestes, souvent transmis oralement, n’étaient pas seulement superstitieux. Ils s’inscrivaient dans une vision holistique du foyer, où l’espace domestique devait être pur, respirant, en harmonie avec les cycles naturels.

Clémentine Moreau, ethnobotaniste et autrice d’un ouvrage sur les plantes rituelles en France, raconte : J’ai grandi dans un village du Lot, chez ma grand-mère Élodie. Chaque automne, elle cueillait la lavande tardive, la faisait sécher en tresses, puis les accrochait dans chaque chambre. Elle disait que ça “empêchait les rêves lourds”. Aujourd’hui, je comprends qu’elle parlait d’anxiété, de sommeil agité. Elle n’avait pas de mots scientifiques, mais une intuition profonde du lien entre odeur, esprit et corps.

Des rituels oubliés, mais pas perdus

En Bretagne, le millepertuis, cette plante aux fleurs jaunes qui semblent capturer la lumière, était traditionnellement cueillie le jour de la Saint-Jean. Séchée, elle était suspendue dans les granges pour protéger les bêtes, ou dans les maisons pour repousser les esprits. Mon grand-père Julien disait que le millepertuis “sentait le soleil coincé dans les feuilles” , confie Lou-Anne Le Goff, habitante de Quimper. Quand j’étais petite, il m’emmenait en forêt pour en ramasser. Aujourd’hui, j’en ai planté un massif près de ma terrasse. Ce n’est plus seulement un souvenir : c’est une manière de dire que la nature peut nous tenir compagnie, même en hiver.

Ces gestes, autrefois ancrés dans le quotidien rural, retrouvent un sens dans nos intérieurs urbains. Le bouquet sec de lavande posé sur une commode, la branche de romarin accrochée près de la fenêtre – autant de gestes simples qui réintroduisent du rituel, de la lenteur, de la présence.

Quels bienfaits réels ces plantes apportent-elles aujourd’hui ?

Lavande et romarin : sérénité et vitalité au rendez-vous

La lavande n’a pas attendu les études scientifiques pour être reconnue pour ses vertus apaisantes. Mais aujourd’hui, la recherche confirme ce que les grands-mères savaient intuitivement : ses composés aromatiques, comme le linalol, ont un effet mesurable sur la réduction de l’anxiété et l’amélioration de la qualité du sommeil. Un simple sachet de lavande sous l’oreiller peut suffire à apaiser un esprit surchargé.

Le romarin, lui, agit comme un stimulant naturel. Son parfum boisé et camphré active les fonctions cognitives. Dans les jardins, il forme des haies basses, résistantes au vent et aux gelées légères. En intérieur, une branche fraîche sur une table de cuisine diffuse une odeur vivifiante, surtout en janvier, quand la lumière manque.

Thomas Ravel, architecte paysager à Montpellier, explique : J’intègre souvent du romarin dans les petits jardins urbains. Ce n’est pas seulement pour l’esthétique – même si son feuillage argenté structure bien les massifs. C’est aussi pour son côté “actif”. Il ne se contente pas d’être beau : il participe à l’ambiance. Les gens me disent souvent qu’ils se sentent “plus alertes” quand ils passent près de ces plantes.

Sauge et millepertuis : des boucliers naturels

La sauge officinale, dont le nom vient du latin *salvare* – guérir –, est une plante à la fois robuste et symbolique. Elle pousse sur des sols pauvres, demande peu d’arrosage, et résiste aux hivers doux. En infusion, elle est connue pour ses propriétés digestives. Mais c’est surtout son utilisation en fumigation – la brûler délicatement – qui revient en force. Ce geste, appelé smudging , bien que d’origine amérindienne, trouve un écho dans les pratiques anciennes européennes.

Je brûle une petite touffe de sauge une fois par semaine, dans mon salon , témoigne Léa Tisserand, habitante de Lyon. Ce n’est pas un rituel religieux, mais un moment pour moi. J’éteins les lumières, j’allume la sauge, je laisse monter la fumée. Ensuite, j’ai l’impression que l’air est “neuf”.

Le millepertuis, quant à lui, est étudié pour ses effets sur l’humeur. Des extraits standardisés sont utilisés en phytothérapie pour accompagner les états dépressifs légers. En jardin, sa floraison dorée en fin d’été prolonge la lumière. Et son feuillage persistant offre une touche de vert même en hiver.

Comment intégrer ces plantes dans un intérieur moderne ?

Des rituels simples pour un bien-être quotidien

Le retour des plantes protectrices ne demande pas de transformer son appartement en herbularium. Il suffit de gestes modestes : un petit pot de lavande sur le rebord d’une fenêtre exposée au sud, un bouquet sec de romarin suspendu dans l’entrée, une branche de sauge posée sur une étagère.

J’ai commencé par un seul pied de romarin, dans un vieux pot en terre cuite , raconte Samuel Berthier, habitant de Nantes. Je n’y connaissais rien en jardinage. Mais cette plante a survécu à tout : mes oublis d’arrosage, le chauffage trop fort, les courants d’air. Aujourd’hui, j’en ai trois. Et chaque matin, je passe la main dans les feuilles. L’odeur me réveille mieux qu’un café.

Pour les débutants, ces plantes sont idéales : elles demandent peu d’entretien, supportent les conditions urbaines, et s’adaptent à des espaces réduits. En hiver, elles offrent une touche de vie végétale là où d’autres plantes se fanent.

Entre déco et symbolisme : créer une ambiance chaleureuse

En décembre, ces plantes deviennent des éléments de décoration naturelle et significative. Un centre de table composé de branches de romarin, de baies de houx et de brins de lavande séchée apporte une touche rustique et élégante. J’ai remplacé les bougies parfumées chimiques par des bouquets de plantes séchées , dit Camille Dubreuil, décoratrice d’intérieur. C’est plus durable, plus honnête. Et les invités sentent la différence. Ils me demandent toujours ce que c’est, d’où ça vient. C’est un point de départ pour parler, pour partager.

Leur esthétique sobre, presque monastique, s’accorde avec les tendances actuelles : le design naturel, le minimalisme, les matériaux bruts. Et leur parfum, discret mais présent, crée une atmosphère intime, enveloppante.

Pourquoi ces plantes parlent-elles autant à notre génération ?

Un lien transgénérationnel retrouvé

Derrière le retour de ces plantes, il y a une quête de racines. Une volonté de se reconnecter à ce que nos aînés savaient, sans l’avoir lu dans des livres. Quand j’ai planté de la sauge pour la première fois, j’ai appelé ma mère , sourit Léa Tisserand. Elle m’a dit : “Ah, comme faisait mamie !” Ce simple mot, “mamie”, m’a donné envie de continuer. C’est comme si je reprenais le fil d’une histoire que j’avais oubliée.

Ces plantes deviennent des relais de mémoire. Elles incarnent une transmission douce, faite de gestes répétés, de parfums familiers, de silences partagés.

Un luxe discret, à portée de tous

Dans un monde saturé d’objets, de bruits, de stimulations, le vrai luxe n’est plus dans l’accumulation, mais dans la présence. Un bouquet de lavande séchée, un pot de romarin sur un appui de fenêtre, une tresse de sauge accrochée à une poutre – autant de gestes qui ralentissent le temps, qui ramènent à l’essentiel.

Le plus beau cadeau de Noël que j’aie reçu, c’était un petit jardin en pot offert par ma fille , raconte Hélène Vasseur, retraitée à Bordeaux. Il contenait de la lavande, du thym, de la sauge. Elle avait écrit sur une étiquette : “Pour que tu sentes le bonheur en ouvrant la fenêtre.” C’est resté sur mon balcon toute l’année. Même gelé en hiver, il me fait du bien.

A retenir

Quelles plantes choisir pour un jardin ou un intérieur hivernal ?

La lavande, le romarin, la sauge officinale et le millepertuis sont des essences robustes, parfumées et symboliques. Elles s’adaptent à des sols pauvres, demandent peu d’arrosage et résistent bien aux hivers doux. En intérieur, elles apportent une touche naturelle et apaisante. En extérieur, elles structurent les massifs avec élégance.

Peut-on vraiment sentir un effet sur le bien-être ?

Oui. Les parfums de ces plantes ont un impact mesurable sur l’humeur, le stress et la qualité du sommeil. Leur culture, simple et accessible, devient un acte de soin quotidien, autant pour la maison que pour soi.

Comment commencer, même sans jardin ?

Un pot sur un rebord de fenêtre suffit. Choisissez un contenant avec un bon drainage, un terreau léger, et exposez la plante à la lumière. Arrosez modérément. En quelques semaines, vous verrez pousser non seulement la plante, mais aussi un sentiment de calme et de connexion.