Enterrer du bois pour enrichir la terre : j’ai testé, résultat bluffant

Alors que les étés s’allongent et que les sols peinent à retenir l’humidité, un geste ancien refait surface dans les potagers français : enterrer du bois mort. Ce procédé, longtemps oublié, redonne vie à des terres appauvries et transforme la culture maraîchère en une pratique plus résiliente, plus autonome. Loin de polluer, le bois enfoui devient une source de fertilité, une éponge naturelle, un allié silencieux de la biodiversité. Dans un contexte de raréfaction de l’eau et de recherche de méthodes durables, cette approche, connue sous le nom de hugelkultur, séduit de plus en plus de jardiniers, amateurs comme confirmés. À travers témoignages et observations terrain, découvrons comment un simple morceau de tronc peut révolutionner un jardin.

Qu’est-ce que le hugelkultur, et pourquoi cette méthode fait-elle son retour ?

Le hugelkultur, mot germanique signifiant culture sur butte de bois , repose sur un principe simple : utiliser le bois en décomposition comme cœur nourricier d’un sol de culture. Contrairement aux idées reçues, le bois mort n’est pas un déchet, mais un réservoir de carbone, d’humidité et de nutriments. En l’enfouissant, on crée un écosystème vivant, capable de se régénérer sur plusieurs années.

Élodie Ravel, maraîchère bio dans le Gers, s’est penchée sur cette méthode après avoir perdu deux tiers de ses plants de courges lors de la sécheresse de 2022. J’ai vu mes buttes se craqueler, l’eau s’évaporait en quelques heures. J’ai alors rencontré un ancien jardinier à Auch qui me parlait de ses monticules de vie . Intriguée, j’ai tenté l’expérience sur une parcelle de 4 mètres carrés. Résultat : l’année suivante, mes courges ont poussé deux fois plus vite, avec un tiers d’arrosage en moins.

Ce retour à des savoirs paysans n’est pas une nostalgie, mais une réponse concrète aux enjeux climatiques. Le bois, en se décomposant lentement, libère de l’azote, du potassium et du calcium. Il attire aussi les champignons mycorhiziens, essentiels à la santé des racines. Chaque butte devient un microcosme, une machine biologique autonome.

Comment choisir et préparer le bois pour une butte réussie ?

Le succès d’un hugelkultur dépend largement du choix des matériaux. Tous les bois ne se valent pas, et une erreur peut compromettre l’équilibre du sol.

Quelles essences de bois privilégier ?

Les bois durs, comme le chêne, le frêne ou le châtaignier, sont idéaux. Leur décomposition lente assure une libération progressive des nutriments sur 5 à 10 ans. En revanche, les résineux comme le pin ou l’épicéa sont à éviter : ils contiennent des tanins et des résines qui ralentissent la décomposition et acidifient le sol.

Thibaut Lenoir, jardinier en permaculture dans le Vaucluse, précise : J’ai fait l’erreur d’utiliser des branches de pin l’année dernière. Le sol est devenu compact, acide, et mes salades ont jauni. Depuis, je trie scrupuleusement. Je récupère surtout des branches de taille de haies ou de tailles d’arbres fruitiers.

Quelle taille de bois utiliser ?

La diversité des tailles est essentielle. On commence par de gros tronçons ou branches au fond, qui formeront la structure. Puis on ajoute des rameaux moyens, puis des brindilles fines en surface. Cette gradation favorise la circulation de l’air et de l’eau, tout en créant des galeries pour les vers et les insectes.

Un autre point crucial : le bois doit être sec et non traité. Pas question d’utiliser des palettes, des planches de terrasse ou du bois peint. Les traitements chimiques peuvent contaminer le sol et nuire à la santé des plantes.

Comment construire une butte de hugelkultur étape par étape ?

La construction d’une butte de hugelkultur est à la portée de tous, même sans expérience. Il s’agit de superposer des couches riches en carbone et en azote, comme on ferait un compost géant.

Quelle profondeur pour la tranchée ?

L’idéal est de creuser une tranchée de 20 à 40 cm de profondeur, selon l’espace disponible. Dans les sols lourds ou argileux, une tranchée plus profonde permet une meilleure aération. En terrain sec, on peut simplement poser les branches au sol, puis les recouvrir.

Les troncs et grosses branches forment la base. Elles seront le cœur de la butte, capable de capter et de stocker l’eau de pluie comme une éponge. J’ai utilisé des troncs de cerisier abattus par la tempête , raconte Camille Vasseur, jardinière à la campagne près de Tours. Au début, je trouvais ça étrange de cacher du bois sous la terre. Mais au printemps, j’ai vu des champignons pousser autour de la butte. C’était le signe que la décomposition avait commencé.

Quelles couches superposer ensuite ?

Sur les branches, on ajoute une couche de déchets verts : tontes de gazon, fanes de légumes, feuilles mortes. Ces matières riches en azote compensent le carbone du bois et évitent un déficit initial en azote, phénomène connu sous le nom de blocage azoté .

Ensuite, on dépose du compost mûr, du fumier décomposé ou du terreau. Cette couche nourrit immédiatement les plantes. Enfin, on recouvre le tout de 20 à 30 cm de terre végétale. Cette dernière strate permet de semer ou planter directement.

Chaque couche doit être légèrement arrosée. C’est comme arroser un gâteau en le construisant , sourit Élodie Ravel. L’eau active la décomposition et assure un bon contact entre les couches.

Quels résultats observe-t-on après quelques mois de culture ?

Les effets du hugelkultur ne se font pas attendre. Dès la première année, les changements sont visibles, tant au niveau du sol que des plantes.

Une terre plus souple, plus vivante

Le sol devient plus grumeleux, plus aéré. Les vers de terre, attirés par la matière organique, s’installent en grand nombre. J’ai compté jusqu’à 15 vers par pelletée dans ma butte , témoigne Thibaut Lenoir. La terre respire, elle ne colle plus aux bottes.

La rétention d’eau est spectaculaire. Une butte bien construite peut stocker l’équivalent de plusieurs arrosages. En été, alors que les autres parcelles nécessitent un arrosage tous les deux jours, la butte de hugelkultur tient facilement une semaine sans eau.

Des récoltes plus abondantes, des plantes plus résistantes

Les légumes profitent d’un sol riche et stable. Les tomates, les courgettes, les choux ou les fraisiers poussent plus vigoureusement. Mes plants de tomates ont atteint 2,50 mètres de haut , s’étonne Camille Vasseur. Et les fruits étaient plus sucrés, plus parfumés. Je pense que les racines ont pu puiser en profondeur, là où l’humidité et les nutriments sont stockés.

Même les cultures exigeantes, comme les pommes de terre ou les aubergines, réussissent mieux sur les buttes. Les rendements augmentent, les maladies diminuent, car le sol bien drainé limite les pourritures racinaires.

Quels sont les avantages à long terme pour le jardinier et l’environnement ?

Le hugelkultur n’est pas une solution d’urgence, mais un investissement pour les années à venir. Une butte bien faite peut rester productive entre 5 et 15 ans, selon la taille du bois utilisé.

Moins d’arrosage, moins d’efforts

Le gain de temps est considérable. Moins d’arrosage signifie moins de trajets avec le tuyau, moins de fatigue. Dans les régions sèches, comme le Midi ou le sud-ouest, cette économie d’eau est vitale.

Élodie Ravel calcule : Avant, je passais 3 heures par semaine à arroser mes 20 mètres carrés. Aujourd’hui, avec mes deux buttes, je n’y passe plus que 45 minutes, et seulement en juillet-août.

Un sol qui s’améliore seul

Contrairement aux méthodes conventionnelles, qui nécessitent des apports réguliers de compost ou d’engrais, le hugelkultur fonctionne en autonomie. Le bois se décompose lentement, libérant des nutriments année après année. Le sol gagne en profondeur, en structure, en vie.

Thibaut Lenoir ajoute : Je n’ai pas ajouté de compost sur ma butte depuis trois ans. Et pourtant, elle reste fertile. Le système s’autorégule.

Comment démarrer sans se tromper, et quels ajustements prévoir ?

Le meilleur moyen de se lancer est de commencer petit. Une butte d’essai de 1 à 2 mètres carrés suffit pour observer les effets.

Quand et où installer sa première butte ?

L’automne est la saison idéale. Les feuilles mortes, les branches de taille, les tontes d’herbe sont disponibles en abondance. En laissant la butte hiverner, elle a le temps de se stabiliser avant le printemps.

Il est préférable de choisir un emplacement ensoleillé, à l’abri des vents forts. Pour les petits jardins urbains, on peut adapter la méthode en utilisant des jardinières profondes ou des carrés potagers surélevés.

Quels ajustements faire selon les résultats ?

La première année, il peut y avoir un léger déficit en azote. Les feuilles des jeunes plants peuvent jaunir. Dans ce cas, un paillage de compost ou de fumier bien décomposé corrige rapidement le déséquilibre.

Dans les zones humides, il est conseillé de surélever la butte pour éviter l’eau stagnante. À l’inverse, en région sèche, on peut l’enfouir davantage pour maximiser la rétention.

Quels témoignages de jardiniers confirmés sur cette méthode ?

Les retours sont largement positifs. Camille Vasseur résume : C’est la méthode la plus intelligente que j’ai testée. Elle respecte la nature, elle coûte presque rien, et elle donne des résultats visibles.

Thibaut Lenoir, plus technique, souligne : Le hugelkultur n’est pas un gadget. C’est une vraie stratégie de résilience. Il faut le voir comme une infrastructure vivante, pas juste une butte de culture.

Élodie Ravel conclut : Aujourd’hui, je refais tout mon potager en hugelkultur. Même mes voisins me demandent des conseils. On a monté une butte ensemble, et ils sont épatés.

A retenir

Est-ce que le bois va pourrir et affaisser la butte ?

Oui, le bois se tasse progressivement au fil des années, mais c’est normal. Cet affaissement est compensé par la formation de nouvelles matières organiques. Il est même recommandé de surélever la butte de 10 à 20 cm à la construction, pour anticiper ce retrait.

Faut-il attendre un an avant de planter ?

Non, on peut planter dès la construction, surtout si on a bien équilibré les couches azotées. Pour les cultures délicates, un semis tardif au printemps peut être préférable, le temps que le système se stabilise.

Peut-on utiliser cette méthode en potager surélevé ?

Oui, parfaitement. Dans les jardinières profondes (au moins 60 cm), on peut créer un cœur de bois au fond, puis superposer les couches de compost et de terre. C’est une excellente solution pour les balcons ou les terrasses.

Le hugelkultur convient-il à tous les types de sol ?

Oui, mais avec des adaptations. En sol lourd, il améliore le drainage. En sol pauvre ou sableux, il augmente la fertilité et la rétention d’eau. Il est particulièrement efficace dans les zones sujettes à la sécheresse.

Y a-t-il des risques pour la santé des plantes ?

Seulement si on utilise du bois malade, traité ou infesté. Il est crucial de vérifier l’origine du bois. En revanche, le bois sain, même ancien, ne présente aucun risque et devient rapidement un atout pour la biodiversité du sol.