Ils enterrent des clous rouillés dans leurs potagers — la raison est surprenante

En ce début d’automne, alors que les jardins s’apprêtent à entrer en sommeil, une pratique ancienne refait surface, portée par les murmures d’un savoir-faire transmis de main de maître à apprenti. Pourquoi donc certains jardiniers, la mine sérieuse et les mains terreuses, prennent-ils soin d’enfouir des clous rouillés au pied de leurs tomates ou sous leurs salades ? Ce geste, à la fois simple et intrigant, n’a rien d’un rituel mystique ni d’un caprice de bricoleur. Il s’inscrit dans une longue tradition de jardinage intuitif, où l’on puise dans les ressources du quotidien pour nourrir la terre sans la forcer. Et si cette astuce, oubliée un temps au fond des granges, était justement ce dont votre potager a besoin pour traverser l’hiver en force ?

Pourquoi enterrer des clous rouillés dans le potager ?

À première vue, l’idée peut sembler saugrenue : glisser un morceau de métal oxydé sous la terre, comme on cacherait un trésor. Pourtant, cette pratique, ancrée dans les habitudes paysannes d’autrefois, repose sur une logique agronomique solide. Lorsqu’un clou en fer rouille, il libère lentement des ions ferreux dans le sol, des éléments que certaines plantes absorbent avec avidité. Ce n’est pas de la magie, c’est de la chimie douce, orchestrée par le temps et l’humidité.

Élodie Ravel, maraîchère à mi-temps dans un jardin partagé à Lyon, raconte : J’ai vu ma voisine faire ça l’an dernier. J’ai rigolé, je dois l’avouer. Mais quand j’ai vu ses salades pousser plus vertes que les miennes, alors que j’avais pourtant tout fait pareil, je me suis dit qu’il y avait peut-être quelque chose à creuser. Depuis, elle a intégré cette méthode à sa préparation automnale, en particulier pour ses pieds de tomates tardifs.

Quelle est l’origine de cette méthode traditionnelle ?

Avant l’ère des engrais chimiques, les jardiniers n’avaient d’autre choix que d’observer, d’expérimenter et de tirer parti de ce que la nature et les déchets domestiques offraient. Dans les fermes du Limousin, on parlait de remède de fer pour les plants fatigués. En Bretagne, les anciens disaient qu’il fallait redonner du sang à la terre après une saison riche en récoltes.

Cette transmission orale, souvent dénigrée comme superstition, s’appuie en réalité sur une intuition précise : le fer est vital pour les plantes, tout comme il l’est pour nous. Et quand il manque, les symptômes sont là, criants de vérité.

Henri Bresson, retraité et passionné de jardinage dans le Gers, se souvient : Mon grand-père mettait des clous rouillés sous les groseilliers. Il disait que “les fruits aiment le fer, comme les vieillards aiment le vin rouge”. À l’époque, je pensais que c’était une blague. Aujourd’hui, je fais pareil. Et les groseilles sont toujours plus grosses chez moi.

Comment reconnaître une carence en fer chez les légumes ?

Le jaunissement des feuilles est souvent le premier cri d’alarme. Mais attention : tout jaunissement n’est pas dû à un manque de fer. Ce qui trahit une carence, c’est un **chlorose interveineuse** : les nervures restent vert foncé, tandis que le reste du limbe devient jaune pâle, parfois presque blanc. Ce phénomène touche particulièrement les jeunes feuilles en premier, signe que la plante ne parvient plus à synthétiser la chlorophylle.

Les tomates, les épinards, les salades et les haricots sont souvent les plus sensibles. Sans intervention, la croissance ralentit, les fruits se font rares, et les plants deviennent vulnérables aux maladies.

J’ai perdu trois pieds de tomates l’année dernière, raconte Camille Lefebvre, jardinière à Nantes. Je pensais à un excès d’eau. Mais un voisin m’a dit : “Tu as vérifié le fer ?” Je n’y avais même pas pensé. Depuis, je regarde mes feuilles comme un médecin regarde une langue.

Pourquoi le fer est-il essentiel pour les plantes ?

Le fer joue un rôle clé dans la photosynthèse. Il est un cofacteur dans la production de chlorophylle, cette molécule qui capte la lumière du soleil pour transformer l’eau et le dioxyde de carbone en énergie végétale. Sans fer, la plante ne peut plus “respirer” correctement, même si elle reçoit assez d’eau, de lumière ou d’azote.

Le paradoxe ? Le fer peut être présent dans le sol, mais sous une forme non assimilable. C’est là que la rouille entre en scène : en s’oxydant, le clou libère du fer ferreux (Fe²⁺), une forme soluble que les racines peuvent capter directement.

Pourquoi utiliser des clous rouillés plutôt que du fer neuf ?

Un clou neuf, en acier galvanisé ou inoxydable, ne rouillera pas, ou trop lentement. Or, c’est la rouille elle-même qui est active. L’oxydation du fer produit des composés solubles qui migrent doucement vers les racines. C’est un apport progressif, naturel, sans risque de brûlure racinaire — contrairement à certains engrais concentrés.

C’est comme un médicament à libération lente , explique Thomas Guérin, formateur en permaculture dans le Tarn. Le clou rouillé agit sur plusieurs mois, en fonction de l’humidité et de l’acidité du sol. C’est du fer au compte-gouttes, exactement ce dont les plantes ont besoin.

Comment mettre en œuvre cette technique efficacement ?

Passer de la théorie à la pratique est simple, mais demande un peu de rigueur. Voici les étapes clés :

Quel type de clou choisir ?

Optez pour des clous en fer doux, non traités, non galvanisés. Les vieux clous de charpente, ceux trouvés dans des planches de récupération, sont parfaits. On peut aussi laisser rouiller des clous neufs en les exposant à l’humidité pendant deux à trois semaines.

Où et comment enterrer les clous ?

Placez un ou deux clous par pied de plante, à 5 à 10 cm de la tige, sans toucher les racines principales. Enfouissez-les à 3 à 5 cm de profondeur, puis recouvrez de terre. Arrosez légèrement pour activer le processus d’oxydation.

Je les mets en diagonale, comme des petites flèches vers les racines , sourit Élodie Ravel. C’est un peu symbolique, mais ça me donne l’impression qu’ils “pointent” vers là où il faut.

Quand et combien de fois renouveler l’opération ?

L’automne est le moment idéal, lors de la préparation du sol pour l’hiver. Cela laisse tout l’hiver au clou pour libérer son fer. On peut renouveler au printemps si les signes de carence persistent, mais une fois par saison suffit généralement.

Quelles erreurs éviter avec les clous rouillés ?

Le principal piège ? L’excès. Un potager n’est pas une décharge de ferraille. Plusieurs clous par mètre carré peuvent saturer le sol et nuire à l’équilibre biologique. De plus, les clous peints, huilés ou en acier inoxydable sont inutiles — voire potentiellement toxiques.

J’ai vu quelqu’un enterrer une vieille casserole rouillée, raconte Thomas Guérin. C’était bien intentionné, mais c’est contre-productif. Il faut du fer pur, en petite quantité, bien réparti.

Quels bénéfices observe-t-on après quelques semaines ?

Les résultats ne sont pas instantanés, mais visibles en 3 à 6 semaines. Les nouvelles feuilles repoussent vert foncé, le jaunissement diminue, et les plants retrouvent une vigueur étonnante. Les salades deviennent plus croquantes, les tomates plus résistantes aux attaques fongiques.

Mes laitues, qui d’habitude jaunissaient en octobre, sont restées vertes jusqu’en décembre , témoigne Camille Lefebvre. Et cette année, j’ai eu des pousses d’épinards en novembre, alors que je pensais tout arracher.

Une méthode écologique et économique, pour tous les jardiniers

Dans un contexte de prise de conscience environnementale, cette astuce séduit autant les urbains que les ruraux. Elle coûte presque rien, utilise des déchets, et évite d’acheter des correcteurs chimiques. Elle s’intègre parfaitement dans une démarche de jardinage bio, en permaculture ou en culture sur balcon.

C’est du jardinage intelligent, résume Henri Bresson. On ne combat pas la nature, on la comprend. Et parfois, la solution est dans un vieux clou qu’on allait jeter.

Peut-on combiner cette méthode avec d’autres techniques naturelles ?

Absolument. Le clou rouillé n’est pas un remède miracle, mais un complément. Il fonctionne mieux lorsqu’il est associé à un sol vivant : compost bien mûr, paillage organique, rotation des cultures et biodiversité végétale. Le fer agit, mais il a besoin d’un écosystème favorable pour être efficace.

J’ajoute toujours un peu de marc de café au pied des plants , confie Élodie. C’est acide, ça aide à la solubilisation du fer. Et les vers adorent.

Conclusion : une tradition qui mérite de perdurer

Entre science et sagesse populaire, l’enterrage de clous rouillés incarne un jardinage humble, attentif, respectueux. Il ne s’agit pas de rejeter les connaissances modernes, mais de les enrichir par l’expérience accumulée. Alors que novembre approche et que la terre s’endort, glisser quelques clous rouillés dans le sol, c’est semer de l’énergie pour le printemps. C’est un geste minuscule, presque invisible, qui peut faire toute la différence.

A retenir

À quoi servent les clous rouillés dans le potager ?

Les clous rouillés libèrent progressivement du fer ferreux dans le sol, une forme assimilable par les racines des plantes. Cet apport naturel corrige les carences en fer, responsables du jaunissement des feuilles et du ralentissement de la croissance.

Quels types de clous utiliser ?

Privilégiez des clous en fer non traité, galvanisé ou inoxydable. Les clous déjà rouillés sont idéaux. Évitez les pièces peintes, huilées ou composées d’alliages complexes.

Où et comment enfouir les clous ?

Placez un ou deux clous par pied de plante, à 5-10 cm du collet, à une profondeur de 3-5 cm. Arrosez légèrement après enfouissement pour activer la dissolution du fer.

Quand pratiquer cette méthode ?

Le meilleur moment est l’automne, lors de la préparation du potager pour l’hiver. Cela permet un apport lent et continu pendant la période de repos. On peut renouveler au printemps si nécessaire.

Quels légumes en profitent le plus ?

Les tomates, salades, épinards, haricots et groseilliers sont particulièrement sensibles aux carences en fer et répondent bien à cette méthode.

Y a-t-il des risques à enterrer des clous ?

Non, si l’on respecte les quantités. Un ou deux clous par plante suffisent. L’excès peut déséquilibrer le sol. Il est crucial d’éviter les métaux traités, qui pourraient libérer des substances toxiques.