Chaque automne, aux premiers frimas, les habitudes changent : les fenêtres se ferment, le chauffage se rallume, et les étendoirs investissent les salons, chambres ou couloirs. Sécher son linge à l’intérieur semble une solution pratique, voire incontournable, quand la pluie tombe sans relâche. Pourtant, ce geste anodin, répété jour après jour, peut transformer un intérieur douillet en nid d’humidité insidieuse. L’eau évaporée par les vêtements mouillés ne disparaît pas : elle s’infiltre dans l’air, se condense sur les murs, et, à la longue, fragilise la qualité de l’air et l’intégrité même du logement. À Paris, dans un appartement haussmannien rénové, Camille Dubreuil, professeure de lettres, a découvert ce phénomène à ses dépens. J’ai commencé à sentir une odeur de sous-sol, même en plein mois de décembre. Puis j’ai vu des taches noires dans l’angle du plafond. J’ai mis du temps à comprendre que c’était mon étendoir, installé chaque semaine devant la baie vitrée, qui était en cause. Son témoignage n’est pas isolé. De nombreux foyers traversent, sans le savoir, une dégradation silencieuse de leur environnement intérieur. Heureusement, quelques ajustements simples suffisent à inverser la tendance, sans renoncer au confort d’un linge propre et bien sec.
Pourquoi le séchage du linge à l’intérieur menace-t-il la qualité de l’air intérieur ?
Le processus semble innocent : des vêtements mouillés accrochés sur un étendoir libèrent progressivement leur eau. Pourtant, chaque machine à laver déchargée dans un espace clos rejette entre 2 et 3 litres d’humidité dans l’air ambiant. Dans un appartement mal ventilé, cette vapeur d’eau s’accumule, surtout lorsque les températures extérieures baissent et que les ouvertures sont rares. L’air intérieur, surchargé en vapeur, atteint rapidement son point de saturation. Résultat : l’humidité se condense sur les surfaces froides — vitres, murs, plafonds — créant un environnement propice aux moisissures et aux acariens.
Les logements modernes, souvent bien isolés, aggravent ce phénomène. Conçus pour limiter les déperditions thermiques, ils empêchent aussi l’évacuation naturelle de l’humidité. On pense faire des économies d’énergie en fermant tout, mais on crée un microclimat instable , explique Thomas Lefebvre, ingénieur en environnement intérieur. Un taux d’humidité supérieur à 60 % favorise la prolifération de champignons microscopiques, dont certains peuvent provoquer des allergies respiratoires, des irritations oculaires ou des crises d’asthme.
À Lyon, Élodie Marchand, mère de deux jeunes enfants, a observé des symptômes inquiétants : toux nocturnes persistantes, nez bouchés sans cause médicale avérée. Après une inspection thermique de son logement, le verdict est tombé : taux d’humidité à 72 % dans la chambre d’enfant, directement lié au séchage du linge dans la pièce adjacente. On s’imagine que c’est discret, mais chaque essorage libère de l’eau invisible qui se fixe partout , précise-t-elle.
Quelles erreurs courantes amplifient le risque d’humidité ?
Pourquoi l’emplacement de l’étendoir est-il crucial ?
Installer un étendoir collé au mur, surtout dans un coin mal ventilé, revient à piéger l’humidité. Les vêtements, serrés les uns contre les autres, sèchent lentement, favorisant la stagnation de l’air humide. Lorsque le linge touche la paroi, l’évaporation se fait directement sur le mur, augmentant les risques de condensation et de moisissures. J’avais placé mon étendoir derrière le canapé, croyant être discret , raconte Julien Berthier, graphiste à Bordeaux. Au bout de deux mois, j’ai vu des traces brunes sur le papier peint. J’ai dû refaire tout le pan de mur.
Le chauffage accélère-t-il réellement le séchage sans danger ?
Beaucoup ont tendance à positionner l’étendoir devant un radiateur, pensant ainsi gagner du temps. Or, cette pratique est contre-productive. Le chauffage augmente la température de l’air, ce qui permet d’absorber plus d’humidité — mais cette humidité reste piégée dans la pièce. Lorsque la température baisse, notamment la nuit, l’air saturé rejette l’eau sous forme de condensation. C’est un cercle vicieux , souligne Thomas Lefebvre. On sèche plus vite en surface, mais on pollue l’air intérieur.
Les sèche-serviettes électriques, souvent utilisés dans les salles de bains, posent le même problème s’ils sont surchargés. Je faisais sécher mes jeans dessus, pensant que c’était pratique , confie Camille Dubreuil. En réalité, la vapeur montait jusqu’au plafond, et l’humidité se répandait dans tout l’appartement.
La surcharge de l’étendoir est-elle un facteur négligé ?
Un étendoir trop chargé empêche la circulation de l’air entre les vêtements. Plus les textiles sont tassés, plus l’évaporation est lente et localisée. Les pièces épaisses, comme les pulls ou les serviettes, retiennent davantage d’eau et prolongent le temps de séchage. Je mettais tout en une seule fois : linge de corps, torchons, vêtements de sport , admet Élodie Marchand. Je me suis rendu compte que certains articles mettaient deux jours à sécher, et que l’air devenait lourd, presque irrespirable.
Quels gestes simples peuvent prévenir l’accumulation d’humidité ?
Comment optimiser l’aération sans perdre en confort ?
La clé réside dans une aération régulière et ciblée. Même par grand froid, ouvrir les fenêtres 10 à 15 minutes par jour permet un renouvellement complet de l’air intérieur. Cette pratique, appelée aération choc , évacue l’humidité accumulée sans nécessiter de surchauffage. J’ouvre en grand deux fois par jour, même en hiver , témoigne Julien Berthier. Je coupe le radiateur pendant 10 minutes, et je ferme. L’appartement ne refroidit pas significativement, mais l’air est nettement plus frais.
Il est préférable de ventiler en fin de matinée ou en début d’après-midi, lorsque l’humidité relative est plus basse. Croiser les ouvertures — fenêtres opposées ou porte entrebâillée — améliore encore l’efficacité du renouvellement d’air.
Quelle est la meilleure disposition pour l’étendoir ?
Placer l’étendoir au centre d’une pièce, loin des murs et des meubles, favorise la circulation de l’air autour du linge. Les vêtements doivent être espacés, avec les manches étendues et les pièces lourdes positionnées en bas pour éviter les gouttes. Depuis que j’utilise un étendoir en X, avec plusieurs niveaux, tout sèche plus vite , note Camille Dubreuil. Et je déplace l’ensemble chaque jour pour éviter que l’humidité ne s’installe au même endroit.
Éviter les pièces à faible circulation d’air, comme les couloirs étroits ou les chambres closes, est également essentiel. Si possible, privilégier la salle de bain après la douche, lorsque l’air est déjà en partie saturé et que la VMC est en marche.
Les absorbeurs d’humidité sont-ils réellement efficaces ?
Les absorbeurs du commerce, à base de chlorure de calcium, captent l’humidité ambiante et la stockent dans un bac. Ils sont particulièrement utiles dans les pièces où l’on fait souvent sécher du linge. J’en ai installé un près de l’étendoir, et un autre dans la chambre , raconte Élodie Marchand. En deux semaines, les traces de condensation sur les fenêtres ont disparu.
À défaut, une bassine remplie de gros sel ou de bicarbonate de soude peut jouer un rôle similaire, bien que moins puissant. Le sel attire naturellement l’humidité, mais il doit être changé régulièrement. J’ai testé avec du gros sel dans une grille au sol , explique Julien Berthier. Ce n’est pas miraculeux, mais ça aide, surtout combiné à l’aération.
Quelles astuces supplémentaires pour un intérieur sain ?
Où placer l’étendoir pour limiter les dégâts ?
Le salon, souvent spacieux et central, semble un choix logique. Mais c’est aussi la pièce la plus fréquentée, où l’on passe du temps assis, exposé à l’air humide. Préférer une entrée, un dégagement ou une salle de bain équipée d’une VMC est plus judicieux. J’ai libéré un coin de mon dressing , confie Camille Dubreuil. C’est petit, mais bien ventilé grâce à une grille d’aération. Et je ferme la porte quand je fais sécher.
Si l’espace le permet, un sèche-linge ventilé à l’extérieur reste la solution la plus saine, bien qu’énergivore. Pour les logements sans accès extérieur, un modèle à condensation avec récupération d’eau est une alternative, à condition de le vider régulièrement.
Comment entretenir les zones sensibles ?
Les angles de murs, les cadres de fenêtres et les zones derrière les meubles sont des points noirs pour l’humidité. Un nettoyage mensuel avec une solution d’alcool à 70 % ou de vinaigre blanc permet d’éliminer les premières traces de moisissures. J’utilise un chiffon imbibé d’alcool pour frotter les joints des fenêtres , indique Élodie Marchand. C’est rapide, et ça prévient les proliférations.
Veiller à ne pas laisser les meubles collés aux murs — une distance de 5 à 10 cm suffit — améliore la circulation de l’air et réduit les risques de condensation.
Conclusion
Sécher son linge à l’intérieur n’est ni interdit ni nécessairement dangereux. C’est une pratique courante, souvent incontournable, surtout dans les logements urbains. Le danger ne réside pas dans l’acte lui-même, mais dans la manière de le réaliser. L’humidité excessive, silencieuse et invisible, peut compromettre la qualité de l’air, la santé des occupants et l’état du bâti. Pourtant, quelques gestes simples — aération quotidienne, bon positionnement de l’étendoir, utilisation d’absorbeurs — suffisent à prévenir ces dérives. Comme l’a constaté Thomas Lefebvre : Ce n’est pas la technologie qui sauve l’intérieur, c’est la vigilance. En adoptant des routines adaptées, il est possible de concilier confort, hygiène et bien-être, sans craindre que le moindre torchon mouillé ne devienne un ennemi du foyer.
A retenir
Peut-on sécher son linge à l’intérieur sans risque ?
Oui, à condition de bien aérer la pièce, de ne pas surcharger l’étendoir et de l’installer loin des murs. Une aération quotidienne de 10 à 15 minutes, même par temps froid, suffit à évacuer l’humidité produite.
Quel est le meilleur emplacement pour un étendoir ?
Le centre d’une pièce bien ventilée, comme une entrée ou une salle de bain équipée d’une VMC. Éviter les coins fermés, les chambres sans aération et les zones proches des radiateurs.
Les absorbeurs d’humidité fonctionnent-ils vraiment ?
Oui, surtout ceux à base de chlorure de calcium. Ils captent l’humidité ambiante et sont particulièrement utiles dans les pièces où l’on fait souvent sécher du linge. Le gros sel ou le bicarbonate peuvent servir d’alternatives naturelles, bien que moins efficaces.
Comment savoir si l’humidité devient problématique ?
Les signes révélateurs sont : condensation fréquente sur les vitres, odeur de renfermé persistante, taches sombres sur les murs ou plafonds, et sensation de moiteur dans l’air. Un hygromètre, peu coûteux, permet de mesurer précisément le taux d’humidité (au-dessus de 60 %, il est préoccupant).
Le chauffage aide-t-il à sécher le linge plus vite ?
Il accélère l’évaporation en surface, mais augmente aussi la saturation de l’air en humidité. Sans aération, cela favorise la condensation nocturne et la prolifération de moisissures. Mieux vaut associer chaleur modérée et ventilation régulière.