Le 25 novembre, la date idéale pour semer selon les anciens et la science

Le 25 novembre, une date qui sonne comme un appel discret mais puissant dans le monde des jardiniers. À la Sainte-Catherine, tout bois prend racine — un dicton ancien, souvent murmuré avec un sourire complice, mais qui repose sur des fondations bien réelles. Ce n’est pas une simple coïncidence, ni un folklore dépassé : derrière cette formule se cache une connaissance fine du vivant, transmise de génération en génération. Aujourd’hui, entre tradition et science, cette date revêt une nouvelle dimension, à la fois pratique, écologique et symbolique. À travers les gestes simples de plantation, ce sont des liens qui se tissent — avec la terre, avec le temps, avec les autres. Voici l’histoire d’un rendez-vous annuel qui, bien loin d’être oublié, continue d’inspirer ceux qui écoutent le souffle de la nature.

Pourquoi la Sainte-Catherine est-elle une date clé pour le jardinier ?

Une sagesse transmise par les anciens : l’expérience comme guide

Longtemps, les paysans n’avaient ni manuels ni applications météo. Leur science se lisait dans les saisons, dans la texture de la terre, dans le comportement des oiseaux. Et parmi les repères incontournables, la Sainte-Catherine occupait une place singulière. Élodie Mercier, maraîchère bio dans l’Yonne, se souvient des paroles de son grand-père : Il disait toujours : “Si tu veux que ça vive, plante à la Sainte-Catherine.” À l’époque, je pensais que c’était une lubie. Puis j’ai testé. Et chaque fois que j’ai devancé ou repoussé cette date, j’ai vu la différence.

Ce dicton, à la Sainte-Catherine, tout bois prend racine , n’est pas le fruit du hasard. Il émane d’années d’observation. Les jardiniers d’autrefois ont constaté que les végétaux mis en terre vers la fin novembre avaient une meilleure reprise au printemps. Leur croissance était plus régulière, leur résistance aux aléas climatiques plus grande. Cette connaissance orale, transmise dans les familles, dans les villages, est devenue un pilier du calendrier agricole français.

Un rituel de fin d’automne : du geste au symbole

Plantation à la Sainte-Catherine ne rime pas seulement avec bon sens agronomique. C’est aussi un moment de rituel. Dans certaines régions, on préparait le sol plusieurs jours à l’avance, en y incorporant du fumier composté ou des feuilles mortes. On bénissait parfois les plants, comme en Ardèche, où les anciens disaient une prière pour que la terre les accueille . Pour Camille Fournier, éducatrice en permaculture, ces gestes avaient une dimension sacrée : Ce n’était pas qu’une question de rendement. C’était une manière de dire merci à la terre, de marquer le passage de saison, de s’inscrire dans un cycle plus grand que soi.

Le choix des plants était aussi crucial. On privilégiait les sujets robustes, bien formés, sans signe de maladie. Le moment était propice à l’échange : les voisins se passaient des boutures, offraient des greffons, partageaient leurs réussites. Ce n’était pas seulement une opération technique, mais un acte collectif, chargé de sens.

Quels sont les fondements scientifiques de cette tradition ?

Le sol en transition : chaleur, humidité et dormance

Le 25 novembre tombe à un moment précis du cycle végétal. En France métropolitaine, le sol a encore emmagasiné une partie de la chaleur estivale, mais il n’est plus brûlant. L’humidité des pluies automnales est présente, ce qui réduit le risque de dessèchement des jeunes racines. En même temps, les arbres ont perdu leurs feuilles, leur croissance aérienne est suspendue. Toute l’énergie de la plante se concentre désormais sous terre.

C’est comme si la plante entrait en hibernation active , explique le botaniste Thibault Lenoir. Elle ne gaspille pas ses ressources à produire des feuilles ou des fleurs. Elle les investit dans l’élaboration d’un système racinaire solide. Et si elle est plantée à ce moment-là, elle a tout l’hiver pour s’ancrer, sans stress.

La fenêtre climatique idéale : un compromis parfait

Planter trop tôt, en octobre, peut exposer la plante à des chocs thermiques ou à des maladies. Trop tard, en janvier, et le sol peut être gelé, rendant l’implantation difficile. La fin novembre constitue donc une fenêtre optimale. Les gelées légères peuvent déjà apparaître, mais elles sont rares et souvent passagères. Elles ont même un effet bénéfique : elles stimulent la plante à consolider ses défenses.

Les données météorologiques des trente dernières années confirment ce constat. Même avec le réchauffement climatique, la période du 20 au 30 novembre reste la plus fiable pour une plantation réussie dans la majorité des régions françaises. Seules les zones très méridionales, comme le pourtour méditerranéen, peuvent décaler légèrement cette date, en raison d’un automne plus doux.

La science moderne valide-t-elle ce dicton ancestral ?

Dormance et croissance : ce que la biologie nous apprend

Les chercheurs en physiologie végétale ont longuement étudié les phases de dormance. Ils confirment que, dès l’automne, la sève redescend des branches vers les racines. Ce reflux marque une pause dans la croissance aérienne, mais pas une inactivité totale. Bien au contraire : c’est précisément à ce moment que les racines continuent de se développer, profitant d’un sol encore souple et humide.

Des expériences menées à l’Institut national de la recherche agronomique ont montré que les arbres fruitiers plantés entre le 20 et le 30 novembre avaient un système racinaire 30 % plus développé au printemps suivant, comparé à ceux mis en terre en mars. Ce n’est pas magique, c’est mécanique , souligne la chercheuse Sophie Renard. La plante a tout l’hiver pour s’adapter, sans pression. C’est comme apprendre un instrument pendant les vacances : on progresse sans être jugé.

Et avec le changement climatique, la date tient-elle toujours ?

Le climat évolue, les saisons s’étirent, les automnes sont parfois plus longs, plus doux. Certains jardiniers se demandent alors si le 25 novembre reste une référence fiable. La réponse est nuancée. Dans les régions où les hivers sont devenus plus cléments, comme en Bretagne ou en Aquitaine, il est possible de planter jusqu’en décembre. En revanche, dans les zones à fort risque de gel précoce, comme l’Alsace ou les Alpes, mieux vaut ne pas attendre.

La Sainte-Catherine n’est pas une loi, c’est un indicateur , précise Julien Berthier, animateur de jardins partagés à Lyon. Elle nous donne un repère. Mais il faut l’ajuster à sa région, à sa météo locale, à son type de sol. Ce qui compte, c’est de comprendre le principe : profiter de la dormance pour favoriser l’enracinement.

Comment réussir ses plantations à la Sainte-Catherine ?

Quels végétaux privilégier à cette période ?

Tous les végétaux ne répondent pas de la même manière à cette fenêtre de plantation. Les essences les plus adaptées sont celles qui entrent naturellement en dormance à l’automne. C’est le cas des arbres fruitiers à racines nues : pommiers, poiriers, cerisiers, pruniers. Les rosiers, surtout les variétés anciennes, en profitent aussi pour s’établir tranquillement. On peut également planter des petits fruits comme les cassissiers, les groseilliers ou les framboisiers remontants.

Les haies champêtres, composées de charmes, noisetiers, fusains ou érables champêtres, sont idéales pour ce moment. Elles formeront un écran vivant, riche en biodiversité, d’ici quelques années. En revanche, les plantes exotiques, les vivaces sensibles au gel ou les espèces tropicales doivent être évitées à cette date.

Les bonnes pratiques : du choix du plant à la finition

Réussir une plantation, c’est une affaire de détails. D’abord, le choix du plant : il doit être sain, bien hydraté, avec des racines intactes. Si elles sont nues, un pralinage — un bain dans une boue d’argile et de compost — est fortement recommandé pour éviter le dessèchement.

Le trou de plantation doit être deux fois plus large que la motte, mais pas plus profond. Je vois souvent des gens enterrer le collet , regrette Amandine Dubois, paysagiste en Normandie. C’est une erreur fatale. Le point de greffe doit rester au-dessus du sol, sinon la plante pourrit.

Après la mise en terre, un tuteur est nécessaire pour les arbres, mais il faut veiller à ne pas abîmer les racines. Enfin, le paillage est une étape clé : paille, feuilles mortes, broyat de branches — tout est bon pour protéger la base, conserver l’humidité et limiter les mauvaises herbes.

Pourquoi planter à la Sainte-Catherine aujourd’hui ?

Un acte écologique et collectif

Dans un monde de plus en plus urbain, la Sainte-Catherine redevient un moment fort de reconnectation. De nombreuses villes organisent des journées de plantation d’arbres dans les parcs ou les écoles. À Toulouse, les enfants du quartier Saint-Étienne ont planté dix pommiers anciens à la Sainte-Catherine 2023. On leur a expliqué le dicton, raconte leur enseignante, Clémence Vidal. Ils ont adoré. Ils ont même donné un nom à chaque arbre. C’est devenu leur projet de l’année.

Ces initiatives renforcent le lien social, mais aussi la résilience des espaces verts. En plantant des essences adaptées au climat local, on crée des écosystèmes durables, riches en insectes, en oiseaux, en vie.

Un geste simple pour un avenir plus vivant

Planter à la Sainte-Catherine, c’est aussi une manière de ralentir. Dans une société où tout va vite, ce geste impose une pause. Il invite à observer, à écouter, à agir en harmonie avec les rythmes naturels. Ce n’est pas un geste spectaculaire, mais il porte loin. Un arbre planté aujourd’hui donnera des fruits dans dix ans, ombragera une terrasse dans vingt, abritera des oiseaux pendant des décennies.

Comme le dit avec poésie le jardinier retraité Henri Roux : Je plante pour ceux qui viendront après. Je ne verrai pas tous les fruits, mais je sens déjà leur parfum.

A retenir

Le dicton “À la Sainte-Catherine, tout bois prend racine” est-il vrai ?

Oui, dans une large mesure. Cette tradition repose sur des observations précises du cycle végétal. La fin novembre offre des conditions idéales pour l’enracinement : sol encore tiède, humidité présente, végétation en dormance. Ces facteurs combinés maximisent les chances de réussite.

Peut-on planter autre chose qu’un arbre à cette date ?

Absolument. Outre les arbres fruitiers, on peut planter des rosiers, des haies, des petits fruits et certains arbustes ornementaux. L’essentiel est de choisir des végétaux à croissance caduque et à racines nues, qui profitent pleinement de la période de repos hivernal.

Faut-il toujours respecter le 25 novembre à la lettre ?

Le 25 novembre est un repère utile, mais il ne doit pas être suivi aveuglément. Il faut adapter la date à sa région, à la météo du moment et au type de sol. L’important est de planter avant les fortes gelées, en profitant de la fenêtre automnale propice à l’enracinement.