Ces gestes simples pour un compost actif tout l’hiver, même à –10 °C

En pleine saison froide, alors que les jardins s’endorment sous une couche de givre et que les feuilles mortes tapissent les allées, certains jardiniers se demandent s’il est encore utile de s’occuper de leur compost. Loin de se transformer en simple tas inactif, le compost peut rester vivant tout l’hiver, à condition de comprendre les mécanismes qui l’animent et d’agir avec bienveillance. Ce processus naturel, porté par des milliards de micro-organismes invisibles, ne s’arrête pas avec le froid, il se transforme. En adaptant quelques gestes simples, il est possible de maintenir une décomposition continue, voire de préparer un terreau exceptionnel pour le printemps. À travers les expériences de plusieurs jardiniers passionnés, découvrons comment garder un compost actif, même sous la neige.

Pourquoi le compost ralentit-il en hiver ?

Le compost est un écosystème vivant, animé par des bactéries, des champignons, des collemboles et des vers de terre. Tous ces organismes dépendent de la chaleur pour décomposer les matières organiques. Dès que les températures descendent en dessous de 10 °C, leur métabolisme ralentit. En dessous de 5 °C, beaucoup entrent en dormance. C’est ce qui donne l’impression que le compost est mort en hiver. Pourtant, même sous zéro, une activité microbienne persiste dans les zones les plus profondes du tas, là où la chaleur s’accumule.

C’est ce qu’a observé Léa Bonnefoy, maraîchère bio à Annecy, qui cultive sur une parcelle en altitude.  L’hiver dernier, on a eu des semaines à −8 °C, raconte-t-elle. Mon compost semblait figé. Mais en creusant au centre, j’ai senti de la chaleur. Des vers étaient encore actifs. Cela m’a donné envie d’agir pour les aider à survivre. 

Quel rôle jouent les micro-organismes ?

Les bactéries psychrophiles, capables de fonctionner à basse température, prennent le relais des espèces mésophiles plus actives en été. Leur action est plus lente, mais elle existe. Pour qu’elles restent efficaces, il faut maintenir un environnement stable : ni trop froid, ni trop humide. Le compost ne doit pas geler en profondeur, car cela tuerait une grande partie de la faune utile.

Où installer son compost pour résister au froid ?

L’emplacement du composteur est un facteur déterminant pour sa survie hivernale. Un tas exposé au vent glacial et à l’ombre permanente aura peu de chances de rester actif. En revanche, un compost bien placé peut bénéficier de la chaleur résiduelle du sol et des apports solaires hivernaux.

Thomas Reygner, ingénieur agronome reconverti dans l’agriculture urbaine à Lyon, a installé son compost contre un mur en pierre plein sud.  Ce mur absorbe la lumière du jour et la restitue la nuit. Cela crée une microclimatisation naturelle. Même quand il fait −3 °C, le côté du compost en contact avec le mur reste à 8 °C. 

Quels matériaux utiliser pour isoler le compost ?

L’isolation est une stratégie efficace. Des matériaux comme la paille, les feuilles mortes, les vieux tapis ou les bâches de jardin peuvent envelopper le composteur. L’idée n’est pas d’étouffer le tas, mais de limiter les pertes de chaleur. Une couche de 10 à 15 centimètres de paille autour du composteur en bois, par exemple, agit comme une couverture thermique.

 J’utilise des palettes recouvertes de bâches agricoles, explique Camille Lestrange, jardinière à Rennes. En hiver, je les installe en arc pour former une petite serre autour du compost. C’est low-cost, mais très efficace. 

Comment nourrir le compost en hiver ?

Un compost bien nourri produit de la chaleur. En hiver, il est essentiel de continuer à ajouter des matières organiques, mais avec méthode. Les déchets de cuisine, riches en azote — épluchures, marc de café, restes de légumes — sont particulièrement précieux. Ils déclenchent des réactions exothermiques lorsqu’ils sont décomposés.

 Je ne jette jamais mon marc de café, confie Léa. Je le conserve dans un bocal sec et je l’ajoute par poignées, en alternance avec des feuilles mortes broyées. Cela fait une super couche chaude au cœur du tas. 

Pourquoi équilibrer matières vertes et brunes ?

Les matières vertes (azotées) activent les micro-organismes, tandis que les matières brunes (carbonées) absorbent l’humidité et aèrent le mélange. Sans ce juste équilibre, le compost risque de devenir compact, froid et malodorant. Feuilles mortes, carton déchiré, sciure ou paille sont autant de ressources faciles à stocker en automne pour l’hiver.

Faut-il retourner le compost en hiver ?

Retourner le compost en hiver peut sembler contre-intuitif : on risque de perdre de la chaleur. Pourtant, une aération régulière, même légère, est indispensable. Elle évite l’anaérobiose, responsable des odeurs de pourriture, et permet aux micro-organismes de continuer à respirer.

Thomas recommande une technique simple :  Je n’inverse pas tout le tas. Je pique profondément avec une fourche à fourrage, en rotation. Cela crée des canaux d’aération sans tout refroidir. Et quand j’ajoute de nouveaux déchets, je les enfouis au centre, là où il fait chaud. 

Quand et comment aérer sans tout gâcher ?

Le meilleur moment pour aérer est une journée douce, idéalement au-dessus de 5 °C. On peut aussi profiter de la mise en place de nouveaux apports pour mélanger légèrement les couches. L’objectif n’est pas de tout remuer, mais de casser les zones compactées et de répartir la chaleur.

Comment gérer l’humidité en hiver ?

L’eau est essentielle au compost, mais en excès, elle devient un ennemi. En hiver, la pluie et la neige peuvent saturer le tas, le transformant en boue froide et inerte. À l’inverse, les vents froids peuvent dessécher certaines zones, stoppant l’activité microbienne.

Camille a mis au point une méthode simple :  J’ai installé un petit toit en polycarbonate au-dessus de mon composteur. Il protège du ruissellement, mais laisse passer l’air. Quand je vois que le compost est trop mouillé, j’ajoute une poignée de sciure ou du carton broyé. Si c’est trop sec, je verse un peu d’eau tiède, jamais froide. 

Quel est le bon taux d’humidité ?

Le compost idéal en hiver doit avoir la texture d’une éponge essorée. Si vous pressez une poignée et qu’une goutte ou deux tombent, c’est parfait. S’il en sort un filet d’eau, il est trop humide. S’il ne dégage aucune humidité, il faut réhydrater légèrement.

Peut-on utiliser des activateurs naturels ?

Quand le compost peine à se réchauffer, certains ajouts peuvent relancer la machine. Le fumier de cheval ou de poule, riche en azote, est un excellent activateur. Il suffit d’en incorporer une fine couche au centre du tas pour stimuler la fermentation.

 J’ai un voisin éleveur de chevaux, raconte Léa. Il me donne quelques pelletées de fumier mélangé à de la paille. Je l’enfouis profondément. En 48 heures, le compost monte à 40 °C. C’est magique. 

Quels autres stimulateurs naturels sont efficaces ?

Les plantes comme l’ortie ou la consoude, broyées et ajoutées en couches, libèrent des nutriments et des enzymes qui accélèrent la décomposition. Le purin d’ortie dilué (10 %) peut aussi être pulvérisé sur les couches de compost. Ces solutions, issues du jardin lui-même, renforcent le cycle de la matière sans aucun produit chimique.

Que faire si le compost semble figé ?

Même avec les meilleurs soins, le compost peut sembler inactif en surface. C’est souvent une illusion. L’activité se concentre en profondeur, là où les températures sont plus stables. Il ne faut pas paniquer ni tout remuer brutalement.

 En janvier dernier, mon compost était gelé sur 10 centimètres, témoigne Thomas. J’ai continué à ajouter des déchets au centre, en les recouvrant de feuilles sèches. Au mois de mars, j’ai découvert un cœur noir, chaud et friable. Le travail n’avait jamais cessé. 

Comment vérifier l’activité microbienne ?

Insérez un thermomètre à compost profondément. Si la température dépasse 20 °C en son cœur, les micro-organismes sont au travail. Vous pouvez aussi sentir une odeur de sous-bois humide, signe d’une décomposition saine. L’absence d’odeurs fortes ou de mouches est rassurante.

Un compost actif toute l’année, c’est possible ?

Oui, à condition d’adopter une approche attentive et respectueuse du vivant. Le compost d’hiver n’a pas vocation à produire du terreau en quelques semaines, mais à maintenir une activité biologique continue. Ce travail silencieux, mené sous la neige, prépare un amendement riche, stable et prêt à nourrir le sol dès les premières semaines du printemps.

 Mon compost d’hiver est mon allié le plus discret, confie Camille. Il ne fait pas de bruit, il ne pousse pas, mais il transforme. Et chaque pelletée de terreau que j’en retire en avril me rappelle que la nature ne s’arrête jamais. 

A retenir

Le compost peut-il fonctionner sous zéro ?

Oui, même si l’activité ralentit. En profondeur, les températures restent plus élevées grâce à la décomposition. Avec une bonne isolation et des apports équilibrés, le compost continue de vivre, même par grand froid.

Faut-il arrêter d’ajouter des déchets en hiver ?

Non. Il est important de continuer à nourrir le compost, mais par petites quantités et en les enfouissant au centre. Cela maintient l’activité microbienne et génère de la chaleur.

Peut-on utiliser un composteur fermé en hiver ?

Oui, et c’est même recommandé. Les composteurs fermés isolent mieux du froid et protègent des intempéries. Les modèles en bois ou en plastique épais conservent mieux la chaleur que les tas à ciel ouvert.

Comment éviter les nuisibles en hiver ?

Évitez de mettre des restes de viande ou de produits laitiers. Couvrez chaque apport avec une couche de matières brunes. Une bonne isolation naturelle (paille, feuilles) empêche aussi les rats ou les mouffettes d’accéder au tas.

Quand récolter le compost après l’hiver ?

Le compost hivernal n’est pas forcément mûr au printemps. Il peut nécessiter quelques semaines supplémentaires de maturation. Si certaines matières sont encore reconnaissables, laissez-les se transformer. Le résultat sera un terreau homogène, riche et stable.