Ces fleurs populaires meurent à cause du paillage : l’alerte d’un spécialiste

En cette saison où le jardin semble s’assoupir sous un ciel bas et gris, de nombreux jardiniers s’activent à protéger leurs massifs avec soin. Le paillage, geste emblématique de l’entretien automnal, est souvent appliqué avec la conviction qu’il préserve la vie végétale des rigueurs de l’hiver. Pourtant, derrière cette intention bienveillante, une erreur fréquente pourrait compromettre la floraison tant attendue au printemps. Iris, pivoines, vivaces rustiques : certaines plantes, pourtant robustes en apparence, souffrent en silence sous un manteau trop épais. Et si, par amour, on les étouffait sans le savoir ?

Pourquoi le paillage hivernal peut-il nuire à certaines fleurs ?

Quelle est l’origine de cette croyance bienveillante ?

Depuis des décennies, les jardineries vantent les mérites du paillage : rétention d’eau, lutte contre les mauvaises herbes, enrichissement progressif du sol. Ces arguments sont valides, mais souvent généralisés à l’ensemble des plantes, sans distinction. Ainsi, des jardiniers comme Élise Rambert, passionnée de jardinage dans le Lubéron, ont longtemps appliqué la même méthode partout. “Je paillais tout en novembre, raconte-t-elle. Paille, feuilles mortes, écorces… Je pensais que mes plantes seraient plus fortes au printemps. Et pourtant, mes iris ont commencé à disparaître, mes pivoines à ne plus fleurir. J’ai mis des années à comprendre que c’était peut-être moi qui les tuais doucement.”

Cette généralisation du paillage repose sur une idée reçue : tout végétal a besoin d’être “protégé” en hiver. Or, certaines plantes, précisément celles qui survivent naturellement aux grands froids, ont évolué pour fonctionner autrement. Leur stratégie n’est pas de se blottir sous une couverture, mais de respirer, de rester en contact avec un sol bien drainé, même sous la gelée.

Quelles plantes sont particulièrement sensibles au paillage excessif ?

Les iris, les pivoines et de nombreuses vivaces rustiques — comme les rudbeckias, les echinacées ou les sauges — entrent en dormance à l’automne. Leur système racinaire, souvent constitué de rhizomes ou de racines profondes, a besoin d’un sol aéré pour éviter la pourriture. “Les iris, par exemple, ont des rhizomes qui se développent en surface, explique Thomas Lefort, horticulteur dans le Vaucluse. S’ils sont recouverts d’un paillis épais, l’humidité stagne, les champignons s’installent, et le rhizome pourrit. Ce n’est pas le froid qui les tue, c’est l’eau.”

Les pivoines, elles, possèdent des racines charnues très sensibles à l’excès d’humidité. Un paillage mal placé en décembre peut transformer leur environnement en serre humide, propice aux moisissures. “J’ai vu des jardiniers pailler leurs pivoines comme s’il s’agissait de fraisiers, s’indigne Thomas. Mais ces plantes sont faites pour survivre en plein air, sans protection. Elles ont besoin de cycles de gel et de dégel, pas d’un cocon permanent.”

Comment l’humidité devient-elle un ennemi invisible ?

Le paillage, éponge naturelle en hiver

En automne, les pluies s’intensifient, surtout dans les régions à climat océanique ou humide. Un paillage épais, composé de feuilles mortes ou de bois raméal fragmenté, agit alors comme une éponge. Il retient l’eau au lieu de la laisser s’écouler. “Je me souviens avoir déposé une couche de feuilles de chêne de 10 cm sous mes vivaces, témoigne Marc Tissier, jardinier amateur en Normandie. En février, j’ai voulu vérifier l’état des racines : le sol était noir, compact, avec une odeur de moisi. Mes echinacées étaient mortes.”

Le problème s’aggrave sur les sols lourds, argileux ou mal drainés. Le paillage empêche l’évaporation naturelle et bloque la circulation de l’air. Le sol ne respire plus. Les racines, privées d’oxygène, s’asphyxient lentement. Ce microclimat humide et froid favorise les champignons pathogènes comme le *Phytophthora* ou le *Fusarium*, responsables de nombreuses pourritures racinaires.

Quels sont les signes avant-coureurs d’un étouffement hivernal ?

Les premiers signes apparaissent au dégel. Les tiges ne repoussent pas, ou émergent molles et jaunâtres. Le collet — la base de la plante, au niveau du sol — noircit. En creusant légèrement, on découvre des racines brunes, spongieuses, parfois putréfiées. “J’ai perdu trois pivoines en deux ans, raconte Élise. Au printemps, elles ne sortaient pas. Quand j’ai creusé, les racines étaient molles, comme du fromage fondu. J’ai compris que l’eau s’était accumulée sous le paillis.”

Ces symptômes sont souvent confondus avec un mauvais emplacement ou une maladie inexpliquée. Pourtant, la cause est fréquemment une surprotection bien intentionnée. Un simple test en décembre — soulever un coin de paillage pour observer l’état du sol — peut éviter des pertes importantes au printemps.

Pourquoi le sol doit-il respirer même en hiver ?

La respiration racinaire, un besoin méconnu

Contrairement à une idée reçue, les plantes ne “dorment” pas complètement en hiver. Même en dormance, leurs racines échangent des gaz avec le sol. Ce processus, essentiel à leur survie, nécessite un sol aéré. “L’oxygène pénètre dans le sol par diffusion, explique Thomas Lefort. Si le sol est saturé d’eau ou recouvert d’un matériau compact, cet échange est bloqué. Les cellules racinaires meurent par asphyxie, même si la température ne descend pas en dessous de zéro.”

C’est particulièrement vrai pour les plantes originaires de milieux secs ou bien drainés — comme les iris barbus, originaires du Moyen-Orient, ou les pivoines herbacées, venues des steppes d’Asie centrale. Elles ont évolué dans des sols légers, souvent sablonneux ou caillouteux, où l’eau s’écoule rapidement. Leur physiologie ne supporte pas les conditions humides prolongées.

Quels gestes adopter pour favoriser la respiration du sol ?

La solution n’est pas de tout laisser nu, mais d’adapter ses pratiques. Pour les iris, pivoines et vivaces rustiques, la règle est simple : pas de paillage épais en hiver. “Je laisse mes iris à l’air libre, confie Marc Tissier. Parfois, je pose une fine couche de feuilles sèches, mais je la retire dès février. Le sol reste propre, aéré, et mes plantes repartent mieux.”

Voici quelques gestes clés :

  • Éviter tout paillage organique épais (plus de 2 cm) sur les vivaces rustiques en novembre-décembre.
  • Nettoyer régulièrement les feuilles mortes qui s’accumulent, surtout sous les arbustes ou dans les massifs denses.
  • Aérer délicatement le sol avec une fourche à bêche, sans toucher les racines.
  • Sur les pentes ou les sols lourds, créer de petits sillons pour favoriser le drainage.
  • En cas de gel intense, protéger ponctuellement avec un voile d’hivernage, jamais avec un matériau imperméable.

Quand et comment pailler sans risque ?

Dans quels cas le paillage reste-t-il utile ?

Le paillage n’est pas à bannir, loin de là. Il reste indispensable pour certaines plantes. Les arbustes peu rustiques, comme les lauriers-roses ou les oliviers en région froide, bénéficient d’une couche de paille ou de feuilles autour du pied. Les haies persistantes, les jeunes arbres ou les massifs sur pentes érodables trouvent dans le paillage une protection efficace contre le gel et le ruissellement.

“J’utilise du paillage en écorce de pin sur mes camélias et mes rhododendrons, précise Élise. Ces plantes aiment l’humidité, mais pas le gel brutal. Le paillage les protège sans les étouffer.”

La clé est la précision : adapter le type de paillage, son épaisseur et sa durée d’application à chaque plante. Un massif mixte, par exemple, doit être traité avec discernement : pailler les plantes frileuses, laisser nues celles qui respirent mieux à l’air libre.

Quelles alternatives au paillage classique ?

Pour protéger sans nuire, plusieurs alternatives intelligentes existent :

  • Utiliser un paillage très léger (1 à 2 cm) de paille ou de feuilles sèches, facile à retirer au printemps.
  • Installer des touffes d’herbes ornementales hautes (comme les stipas) qui forment un abri naturel sans toucher le sol.
  • Planter des vivaces en plate-bande surélevée, où le drainage est optimal.
  • Privilégier les plantes méditerranéennes (lavande, santoline, yucca) qui supportent parfaitement le sol nu en hiver.

“J’ai restructuré mon jardin en zones, raconte Thomas Lefort. Une section pour les plantes sensibles, paillées en hiver. Une autre pour les vivaces rustiques, laissées à nu. Résultat : aucune perte depuis trois ans, et des floraisons spectaculaires.”

Que recommandent les experts pour un jardin en bonne santé ?

Comment adapter ses soins à chaque type de plante ?

Les spécialistes insistent sur la nécessité d’observer, de connaître les besoins spécifiques de chaque espèce. Pour les iris et les pivoines : pas de paillage en hiver, un sol bien drainé, un emplacement en plein soleil. Pour les plantes frileuses : protection modérée, paillage léger, voile d’hivernage en cas de gel sévère.

“Le jardin n’est pas un lieu uniforme, rappelle Thomas. C’est un écosystème diversifié. Appliquer la même règle partout, c’est risquer de nuire à ceux qui n’en ont pas besoin.”

Quelles sont les bonnes pratiques pour un jardin durable ?

Le jardin idéal est celui qui respecte les rythmes naturels. Pailler oui, mais avec discernement. Protéger, mais sans surprotéger. Observer, adapter, rectifier. “J’ai appris à regarder mon jardin comme un tout vivant, témoigne Élise. Chaque plante parle, à condition de savoir l’écouter.”

En 2025, une prise de conscience grandit : le jardinage est une science du juste milieu. Laisser respirer le sol sous les pivoines, c’est parfois la meilleure protection qu’on puisse leur offrir. Et lorsque le printemps revient, les massifs s’épanouissent non pas malgré l’hiver, mais grâce à un hiver bien accompagné — sans excès, sans gestes automatiques.

Doit-on pailler toutes les plantes en hiver ?

Non. Les iris, pivoines et vivaces rustiques ne doivent pas être paillés en hiver. Un sol nu et bien drainé est préférable pour éviter la pourriture des racines.

Quels signes indiquent un problème d’humidité sous le paillage ?

Feuilles molles, tiges noircies au collet, odeur de moisi, racines spongieuses ou absentes. Ces symptômes apparaissent souvent au dégel.

Quelles plantes peuvent être paillées sans risque ?

Les plantes frileuses (camélias, lauriers-roses), les jeunes arbres, les haies persistantes et les sols érodables profitent d’un paillage léger en hiver.

Quelles alternatives au paillage existe-t-il pour protéger les plantes ?

Utiliser une fine couche de feuilles sèches ou de paille, retirée au printemps, ou installer des voiles d’hivernage légers. Privilégier aussi les plantes adaptées au climat local.

Comment savoir si mon sol est bien drainé ?

Après une pluie, le sol doit sécher en 24 à 48 heures. S’il reste imbibé, il est trop lourd. Ajouter du sable ou du gravier en sous-couche peut améliorer le drainage.

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