Chaque jour, des millions de Français branchent leurs téléphones, tablettes ou montres connectées, sans se douter que même une fois la charge terminée, un infime courant continue de circuler dans leurs prises. Ce phénomène silencieux, souvent ignoré, représente un gaspillage d’énergie à grande échelle. Derrière l’apparente inoffensivité d’un chargeur laissé en attente, se cache une consommation résiduelle qui, additionnée à celle de milliers d’autres foyers, pèse lourd sur les factures et sur l’environnement. Pourtant, un simple geste suffirait à changer la donne.
Pourquoi un chargeur inutilisé continue-t-il de tirer du courant ?
La réponse réside dans le fonctionnement même des chargeurs modernes. Même déconnecté de l’appareil, un chargeur branché reste en contact avec le réseau électrique. À l’intérieur, un transformateur miniature continue de fonctionner à bas régime, prêt à fournir de l’énergie dès qu’un appareil sera connecté. Ce processus, bien que minimal, consomme une petite quantité d’électricité en permanence.
Clément Rey, ingénieur en électronique installé à Lyon, l’explique simplement : Un chargeur, c’est comme un robinet entrouvert. Même si personne ne boit, l’eau continue de couler. Ici, c’est le courant qui fuit. Cette fuite, appelée consommation en veille, est inévitable tant que le dispositif reste branché. Et plus le chargeur est ancien, plus cette fuite est importante.
Comment fonctionne la consommation résiduelle ?
Le transformateur, composant central du chargeur, convertit le courant alternatif du réseau (230 volts) en courant continu adapté aux appareils électroniques. Même à vide, ce composant subit des pertes magnétiques et résistives. Ces pertes se traduisent par une consommation continue, d’autant plus marquée chez les modèles non certifiés éco . Un chargeur récent peut consommer entre 0,1 et 0,3 watt en veille, tandis qu’un modèle des années 2000 peut atteindre 1 watt — soit l’équivalent d’une petite ampoule LED laissée allumée toute l’année.
Combien de chargeurs inutilisés avons-nous chez nous ?
La réponse varie selon les foyers, mais une chose est sûre : le nombre a explosé. Avec l’essor des objets connectés, chaque membre d’une famille possède désormais plusieurs appareils : smartphone, tablette, montre, écouteurs, enceinte, ordinateur portable… Chacun a son propre chargeur, souvent laissé branché en permanence.
Camille Lefèvre, mère de deux adolescents à Bordeaux, en a fait le triste constat : Dans la chambre des enfants, il y a trois prises murales, mais au moins six chargeurs branchés à longueur de journée. Et ce n’est que ce qu’on voit. Dans le salon, la cuisine, même dans la salle de bains… Son estimation ? Près de douze chargeurs actifs dans son appartement, dont la moitié inutilisés à tout moment.
Un foyer moyen, combien de chargeurs ?
Les études montrent qu’un foyer français possède en moyenne entre 5 et 10 chargeurs. Certains restent branchés pour des raisons pratiques : on les oublie, on les laisse en attente , ou on les utilise de manière ponctuelle. Mais cette commodité a un coût, invisible mais réel.
Quel est l’impact énergétique réel d’un chargeur laissé branché ?
À première vue, la consommation semble négligeable. Un chargeur qui tire 0,3 watt en veille ne représente qu’une fraction infime de la consommation totale d’un logement. Mais l’effet cumulatif change tout.
Imaginons un foyer avec cinq chargeurs branchés 24 heures sur 24, 365 jours par an. Chaque chargeur consommant 0,3 watt, cela donne une consommation annuelle de 13,14 kWh. À un tarif moyen de 0,20 € le kWh, cela revient à environ 2,63 euros par an. Rien de dramatique pour un seul ménage.
Mais étendons ce calcul à l’ensemble du territoire. En France, on dénombre environ 30 millions de foyers. Si chacun gaspille 2,63 euros par an, le total atteint près de **79 millions d’euros annuels**. C’est l’équivalent du budget annuel d’une ville moyenne, perdu pour rien.
Et si on incluait les anciens modèles ?
Le problème s’aggrave avec les chargeurs obsolètes. Un ancien bloc d’alimentation de téléphone portable peut consommer jusqu’à 1 watt en veille. Dans un foyer avec trois de ces modèles, le gaspillage annuel grimpe à plus de 26 kWh — soit plus de 5 euros. Multiplié par des millions de foyers, cela représente des centaines de millions de kilowattheures gaspillés inutilement.
Pourquoi ce gaspillage est-il plus grave qu’il n’y paraît ?
Le coût financier n’est que la partie visible de l’iceberg. Le véritable enjeu est énergétique et environnemental. La production d’électricité, même en France où le nucléaire domine, a un impact carbone. Chaque kWh consommé en trop nécessite de l’énergie primaire, des ressources et des infrastructures.
Plusieurs facteurs aggravent la situation :
1. L’obsolescence énergétique des anciens modèles
Les chargeurs fabriqués avant 2010 sont souvent peu efficaces. Conçus sans normes strictes de consommation, ils dégagent plus de chaleur et consomment davantage, même à l’arrêt. En les conservant, on perpétue un gaspillage silencieux.
2. La multiplication des appareils personnels
Les adolescents comme Léa, 16 ans, ont souvent un smartphone, une tablette, des écouteurs sans fil et une montre connectée. Chaque appareil a son chargeur, parfois plusieurs. Je laisse toujours mon chargeur de montre branché, explique-t-elle. Comme ça, je n’oublie pas de la recharger. Ce réflexe, partagé par des millions de jeunes, amplifie le phénomène.
3. L’oubli des autres appareils en veille
Les chargeurs ne sont que la pointe de l’iceberg. D’autres équipements, souvent négligés, consomment bien davantage : box internet, téléviseurs, consoles de jeux, ordinateurs portables, imprimantes. Une box peut consommer jusqu’à 200 kWh par an, soit l’équivalent d’un petit réfrigérateur. Un téléviseur en veille peut tirer 15 à 20 watts, soit plus qu’une dizaine de chargeurs réunis.
Quelles solutions concrètes pour réduire ce gaspillage ?
Le bonheur, c’est que ce gaspillage est facilement évitable. Pas besoin d’investir des milliers d’euros ou de changer radicalement ses habitudes. Quelques gestes simples, répétés au quotidien, suffisent à faire une réelle différence.
1. Débrancher systématiquement après utilisation
Le geste le plus efficace : retirer le chargeur de la prise dès que l’appareil est chargé. Cela peut sembler fastidieux, mais avec un peu de discipline, cela devient un automatisme. J’ai mis un petit post-it sur ma table de nuit, raconte Thomas Berthier, enseignant à Grenoble. Ça me rappelle de débrancher. Au bout de deux semaines, c’était devenu naturel.
2. Utiliser des multiprises avec interrupteur
Idéal pour les zones où plusieurs appareils sont regroupés — bureau, salon, chambre. Une multiprise avec interrupteur permet de couper l’alimentation de plusieurs chargeurs d’un seul clic. Très pratique le soir avant de dormir ou en partant au travail.
3. Opter pour des chargeurs intelligents
Les chargeurs dits intelligents détectent quand l’appareil est plein et coupent automatiquement l’alimentation. Certains modèles récents consomment aussi moins de 0,1 watt en veille. Une solution pratique pour ceux qui oublient souvent de débrancher.
4. Sensibiliser toute la famille
Le changement passe par l’éducation. Dans les foyers avec enfants, il est crucial de parler de ce gaspillage. Des jeux, des défis ( celui qui débranche le plus de chargeurs gagne un dessert ), ou simplement des explications claires, peuvent faire la différence. J’ai expliqué à mes enfants que chaque watt gaspillé, c’était une petite fumée invisible qui sortait d’une centrale, témoigne Camille Lefèvre. Depuis, ils sont les premiers à tirer les chargeurs.
Et les autres appareils en veille ? Où en est la situation ?
Les chargeurs sont visibles, mais d’autres appareils sont encore plus voraces. Une box internet, par exemple, fonctionne 24h/24, 365 jours par an. Même en veille, elle consomme en permanence. Un téléviseur moderne, même éteint à la télécommande, continue de tirer de l’énergie pour capter les signaux ou mettre à jour ses applications.
Les ordinateurs portables laissés branchés en permanence, même éteints, consomment aussi. Et les imprimantes ? Beaucoup restent en mode veille réseau , prêtes à recevoir une impression à distance, mais au prix d’une consommation continue.
Un foyer qui souhaite réduire sa facture doit donc adopter une vision globale : c’est l’ensemble des appareils en veille qu’il faut cibler, pas seulement les chargeurs.
Un geste simple, un impact collectif colossal
Si chaque foyer en France réduisait de 10 % sa consommation en veille, cela représenterait des économies de plusieurs centaines de millions d’euros par an. Ce n’est pas une utopie : c’est une question de prise de conscience.
Le défi n’est pas technologique, il est comportemental. Il s’agit de transformer de petits gestes en habitudes durables. Et quand des millions de personnes adoptent ces gestes, l’effet de levier est immense.
Comme le souligne Clément Rey : On ne sauvera pas la planète en débranchant un chargeur. Mais on montre qu’on prend conscience de notre impact. Et c’est le début de tout.
En conclusion : le pouvoir des petits gestes
Laisser un chargeur branché sans appareil connecté semble anodin. Pourtant, multiplié par des dizaines de millions de foyers, ce geste devient un véritable gouffre énergétique. Le gaspillage est silencieux, mais il a un coût : financier, écologique, collectif.
Chaque watt économisé compte. Chaque chargeur débranché est une petite victoire. Et ce sont ces victoires quotidiennes qui, à l’échelle nationale, permettent de réduire les factures, de diminuer la pression sur les réseaux électriques et de contribuer à la transition énergétique.
Le plus beau, c’est que cela ne coûte rien. Juste un peu d’attention. Alors, la prochaine fois que vous finirez de charger votre téléphone, pensez-y : retirez le chargeur. Ce geste minuscule pourrait bien être l’un des plus importants de votre journée.
A retenir
Un chargeur inutilisé consomme-t-il vraiment de l’électricité ?
Oui, même sans appareil connecté, un chargeur branché continue de consommer une petite quantité d’électricité, appelée consommation en veille. Cette consommation varie entre 0,1 et 1 watt selon l’ancienneté du modèle.
Combien cela coûte-t-il par an ?
Pour un chargeur consommant 0,3 watt en continu, le coût annuel est d’environ 0,50 euro. Dans un foyer avec cinq chargeurs laissés branchés, cela peut atteindre 2,50 à 3 euros par an. À l’échelle nationale, le gaspillage dépasse les 70 millions d’euros.
Comment éviter ce gaspillage ?
Les solutions sont simples : débrancher les chargeurs après utilisation, utiliser des multiprises avec interrupteur, opter pour des chargeurs intelligents et sensibiliser les membres du foyer. Ces gestes, répétés, ont un impact significatif.
Les autres appareils en veille sont-ils aussi concernés ?
Oui, et souvent davantage. Les box internet, téléviseurs, ordinateurs et imprimantes consomment parfois des dizaines de watts en veille. Réduire cette consommation nécessite une approche globale, au-delà des seuls chargeurs.