Un silence lourd, un fleuve sombre, des vies emportées en une poignée d’instants. L’accident de car survenu sur la Route nationale inter-États n° 2, entre le Togo et le Bénin, a frappé comme un coup de tonnerre en pleine nuit. Ce n’était pas qu’un simple déraillement mécanique ou un incident de parcours : c’était une rupture brutale, un effondrement du quotidien. Derrière les chiffres froids du bilan, il y a des noms, des souvenirs, des enfants qui ne rentreront pas à la maison. Et pour ceux qui survivent, physiquement ou moralement, l’attente devient une épreuve en elle-même. Alors que les équipes de secours luttent contre le courant et le temps, les familles, elles, luttent contre l’angoisse. Cet événement, loin d’être un fait divers isolé, interroge sur la sécurité des transports interurbains, sur la rapidité des réponses d’urgence, et sur la manière dont un pays pleure collectivement.
Quel est le bilan humain de l’accident de car ?
Le bilan, tragiquement confirmé par la protection civile, s’élève à 37 morts, dont trois enfants. Sur les 52 passagers à bord du car, seulement 9 ont survécu, tous hospitalisés dans un état jugé stable. Pourtant, les chiffres ne racontent qu’une partie du drame. Alors que certains corps ont été récupérés rapidement, d’autres ont été emportés par le courant du fleuve. Les autorités font état de six personnes encore introuvables, bien que certaines sources évoquent jusqu’à 16 disparus. Cette incertitude prolonge le calvaire des familles, suspendues entre l’espoir et la douleur.
Les opérations de récupération se sont déroulées en deux phases. Le premier jour, 27 corps ont été localisés, principalement à l’intérieur du bus, coincés entre les sièges déformés et les tôles tordues. Le lendemain, les plongeurs ont sorti 10 autres victimes, dont trois avaient été emportées à plusieurs kilomètres en aval. Le premier corps avait été repêché dès dimanche, flottant près d’une anse calme. Chaque découverte est un moment douloureux, mais aussi une étape vers la reconnaissance. Pour les proches, chaque identification, aussi difficile soit-elle, apporte un début de paix.
Comment les secours ont-ils réagi après l’accident ?
Dès l’alerte donnée, vers 23h30, les équipes de secours se sont mobilisées. Le bus, tombé dans le fleuve depuis un pont en mauvais état, ne s’est pas immergé immédiatement. Selon les constats de la protection civile, il a flotté quelques instants, offrant une fenêtre de quelques minutes aux passagers pour tenter de s’échapper. Certains ont brisé les vitres à mains nues, d’autres ont forcé les trappes de secours. Mais dans l’obscurité totale, sans repères, ces gestes de survie se sont souvent transformés en désespoir.
Des témoins, comme Amélie Dossou, une infirmière de Malanville qui se trouvait sur les berges ce soir-là, racontent avoir entendu des cris étouffés. « J’ai vu des silhouettes s’agiter dans l’eau, mais le courant était trop fort. Des gens appelaient à l’aide, mais ils disparaissaient rapidement. » Ceux qui ne savaient pas nager ont tenté de rejoindre la rive, souvent en se tenant les uns aux autres. Malheureusement, la force du fleuve a tout emporté. Des corps ont été retrouvés à plus de huit kilomètres du point d’impact, coincés dans des racines ou piégés sous des épaves flottantes.
Les équipes aquatiques, composées de plongeurs expérimentés et de sauveteurs fluviaux, ont travaillé sans relâche. Equipés de lampes puissantes, de treuils et de canots rapides, ils ont quadrillé le fleuve par secteurs. Des drones ont même été déployés pour repérer les zones d’eau calme où les corps pourraient s’échouer. Sur les berges, des agents de sécurité ont sécurisé les accès, empêchant les curieux de perturber les opérations. « Chaque minute compte », insiste Rodrigue Kossi, chef d’équipe de secours, « mais la nuit, la boue, le courant… tout complique la tâche. »
Quel était l’itinéraire du car et qui était responsable du transport ?
Le car appartenait à la compagnie STM, un acteur majeur des transports interurbains en Afrique de l’Ouest. Ce véhicule assurait la liaison entre Lomé, la capitale du Togo, et Malanville, au nord du Bénin, une route fréquentée par des voyageurs venant pour le commerce, les études ou les réunions familiales. L’itinéraire, long de près de 400 kilomètres, traverse des zones rurales, des ponts vétustes, et des axes routiers souvent mal entretenus.
STM, dans un communiqué, a exprimé « sa profonde tristesse » et présenté ses condoléances aux familles. L’entreprise affirme coopérer pleinement avec les enquêteurs et a mis à disposition son personnel logistique pour aider aux opérations. Pourtant, cette tragédie relance le débat sur la sécurité des transports nocturnes. « On sait tous que voyager la nuit, c’est prendre un risque », confie Élodie Adjovi, une commerçante habituée de cette ligne. « Mais quand on doit rejoindre un marché à l’aube, ou voir un parent malade, on n’a pas le choix. »
Le ministre de l’Intérieur, Alassane Seïdou, a assuré dimanche soir que « tous les moyens sont mobilisés ». Des renforts ont été envoyés, des hélicoptères ont survolé la zone, et un centre de coordination a été installé près du pont. Les autorités appellent à la prudence, notamment en ce qui concerne les attroupements sur les berges, qui peuvent gêner l’action des secours. « Ce n’est pas un spectacle », a-t-il insisté. « C’est un deuil national. »
Le deuil, ici, ne se limite pas aux familles directement touchées. Il s’étend à des villages entiers, à des écoles où des enfants ont perdu leurs parents, à des marchés où des commerçants ne reviendront pas. Dans un petit village près de Cotonou, la famille de Koffi Agban, un père de trois enfants, attend encore des nouvelles. « Il devait rentrer dimanche soir. Il avait acheté des vêtements pour les enfants », raconte sa sœur, Clarisse. « On pensait qu’il avait eu un problème de réseau. Puis on a vu les images à la télé… »
Des cellules psychosociales ont été mises en place pour accompagner les proches. Des bénévoles, des travailleurs sociaux, des prêtres et imams se relaient pour écouter, consoler, guider. Mais la douleur est immense. Pour certains, comme Évariste Houngbédji, un oncle de deux des enfants décédés, la colère monte. « On ne peut pas continuer comme ça. Des bus vieillissants, des routes dangereuses, des ponts qui s’effondrent… Combien de morts encore avant qu’on agisse ? »
Cet accident révèle aussi la solidarité qui émerge dans les drames. Des voisins ont accueilli des familles en deuil, des chauffeurs de taxi ont refusé de facturer les trajets vers les centres d’identification. À l’hôpital de Malanville, des infirmières ont passé des nuits entières à tenir la main des rescapés, même quand elles étaient en dehors de leur service. « Ce n’est pas dans le cahier des charges, mais c’est humain », dit simplement Amélie Dossou, qui a vu des larmes couler sur des visages d’inconnus devenus frères.
Que faut-il retenir de cet accident pour l’avenir ?
Ce drame n’est pas qu’un accident isolé. Il est le symptôme d’un système de transport interurbain trop souvent négligé. Les trajets de nuit, bien que pratiques, sont aussi parmi les plus dangereux : fatigue des conducteurs, routes mal éclairées, véhicules parfois mal entretenus. L’absence de contrôle rigoureux sur les ponts et les infrastructures routières ajoute à la vulnérabilité.
Les autorités devront tirer des leçons de cette catastrophe. Renforcer les inspections techniques, améliorer les infrastructures, mieux former les conducteurs, et surtout, instaurer un système d’alerte rapide en cas d’accident sur les axes isolés. « On ne peut pas perdre autant de vies pour un pont qui cède », affirme Rodrigue Kossi. « La sécurité, ce n’est pas du luxe. C’est un droit. »
En attendant, les familles continuent d’attendre. Chaque heure qui passe est une prière, chaque appel un espoir. Et pour les vivants, il y a cette question silencieuse : comment continuer, quand tout a basculé en une nuit ?
A retenir
Quel est le bilan officiel de l’accident de car ?
Le bilan s’élève à 37 morts, dont trois enfants, et 9 rescapés hospitalisés dans un état stable. Six personnes sont toujours portées disparues selon la protection civile, bien que certaines sources évoquent un chiffre plus élevé.
Où s’est produit l’accident et quel était l’itinéraire du bus ?
L’accident a eu lieu sur la Route nationale inter-États n° 2, entre Lomé, au Togo, et Malanville, au Bénin. Le car traversait le pays du sud au nord, une ligne très fréquentée pour les déplacements commerciaux et familiaux.
Quelles sont les causes présumées de l’accident ?
Le bus a chuté dans un fleuve après avoir emprunté un pont en mauvais état. Il ne s’est pas immergé immédiatement, permettant à certains passagers de s’échapper, mais l’obscurité, la force du courant et l’absence de dispositifs de secours rapides ont aggravé les conséquences.
Quelle est la réaction des autorités après le drame ?
Le ministre de l’Intérieur, Alassane Seïdou, a annoncé la mobilisation de tous les moyens disponibles. Des équipes de secours sont déployées sur le fleuve, des patrouilles fluviales étendent leur rayon, et des cellules d’écoute sont mises en place pour les familles.
Quel rôle joue la compagnie STM dans cet accident ?
STM, propriétaire du car, a présenté ses condoléances et coopère avec les autorités. L’entreprise est l’un des principaux opérateurs de transport dans la sous-région, mais cet accident relance le débat sur la sécurité de ses véhicules et de ses itinéraires.
Comment les familles des victimes sont-elles accompagnées ?
Des cellules psychosociales, composées de travailleurs sociaux, de bénévoles et de professionnels de santé, accompagnent les familles. Des centres d’identification ont été installés, et un soutien psychologique est offert à tous ceux touchés par le drame.