Les acheteurs veulent des logements solaires, mais la réalité des revendeurs est tout autre

À l’orée de l’hiver 2025, alors que les feuilles mortes s’amoncellent dans les jardins et que les factures d’électricité s’envolent, une question revient comme un refrain lors des dîners entre voisins : et si la solution se trouvait là-haut, sur le toit ? Le logement équipé de panneaux solaires, longtemps perçu comme un fantasme de baroudeur écolo ou de technophile aisé, est désormais au cœur des préoccupations immobilières. Mais entre le rêve d’une maison autonome et les réalités du marché, le chemin est semé d’illusions. Pourquoi certains vendeurs voient-ils leur bien s’arracher en quelques jours, tandis que d’autres, pourtant équipés du même système, traînent sur les plateformes sans susciter l’enthousiasme ? Loin des discours convenus, plongée dans les nuances d’un marché en pleine mutation.

Le logement solaire est-il vraiment un sésame pour la plus-value ?

Le fantasme est puissant : une toiture tapissée de panneaux, une facture d’électricité qui fond comme neige au soleil, un DPE qui grimpe en flèche, et un prix de vente revalorisé de 10 %. Ce scénario, pourtant, ne se réalise pas pour tous. Il repose sur une condition essentielle : que l’installation soit à la hauteur de ses promesses. Et c’est là que le bât blesse.

Quand le rêve solaire rencontre la réalité du marché

Prenez le cas d’Élodie Ravel, installée depuis cinq ans dans une maison à mi-chemin entre Nîmes et Montpellier. En 2020, elle a investi près de 15 000 euros dans une installation photovoltaïque complète, avec batterie de stockage. À l’époque, on nous disait que c’était l’avenir, que ça allait faire grimper la valeur du bien. Et puis, avec les aides, ça semblait presque gratuit , raconte-t-elle. Aujourd’hui, elle envisage de vendre pour s’agrandir. Son agente immobilière, Camille Ferret, est claire : L’installation est un plus, mais elle ne fait pas tout. Ce qui compte, c’est la date de pose, l’état des onduleurs, et surtout : est-ce que ça produit encore ?

Le constat est partagé par de nombreux professionnels : un panneau, aussi brillant soit-il, ne suffit pas à convaincre. Il faut qu’il soit crédible. Et cette crédibilité passe par la documentation, la maintenance, et surtout, une performance mesurable.

Pourquoi certains logements solaires se vendent-ils plus vite et plus cher ?

Les chiffres de fin 2025 ne mentent pas. Selon une étude menée par un réseau national d’agences indépendantes, les biens équipés d’une installation solaire récente (moins de cinq ans) et performante se vendent en moyenne 8 % au-dessus du prix du marché, et 30 % plus rapidement. Mais ce gain n’est pas distribué équitablement.

Les critères invisibles qui font la différence

À Lyon, Thomas Léger, ingénieur en transition énergétique, a acheté une maison en 2023 avec un système installé deux ans plus tôt. J’ai demandé les relevés de production sur les douze derniers mois. J’ai vu qu’ils autoconsommaient 75 % de l’énergie produite. C’était rassurant. Pour lui, ce n’était pas seulement un équipement, c’était une preuve de sérieux de la part des anciens propriétaires.

En revanche, à Lille, Clara Meunier a visité un bien similaire, mais avec des panneaux datant de 2012. Les vendeurs disaient que c’était “encore très bien”. Mais l’agent nous a prévenus : les onduleurs sont à changer, et il n’y a plus de garantie. On a négocié 12 000 euros en moins. Une négociation courante, selon les notaires : un système vieillissant devient un coût à anticiper, pas un bénéfice à valoriser.

La géographie joue-t-elle un rôle déterminant ?

Évidemment. À Perpignan, où le soleil tape plus de 2 800 heures par an, une installation solaire est presque un standard. Ici, un bien sans panneaux, c’est comme une voiture sans moteur , plaisante Julien Arnaud, agent immobilier local. En revanche, dans les régions du Nord ou en montagne, la rentabilité est plus difficile à démontrer. Les acheteurs calculent. S’ils ne voient pas de retour sur investissement en moins de dix ans, ils n’adhèrent pas , explique Sophie Vasseur, conseillère à Amiens.

Ainsi, la plus-value solaire est fortement géodépendante. Elle existe, mais elle est conditionnelle.

Quels sont les pièges à éviter pour les vendeurs ?

Le premier piège ? Croire que le simple fait d’avoir des panneaux suffit à séduire. On voit des vendeurs qui mettent “maison solaire” en gros dans l’annonce, mais sans aucune donnée chiffrée. C’est du marketing vide , déplore Camille Ferret. Le second ? L’absence de documentation. Pas de certificat QualiPV, pas de contrat de maintenance, pas de relevés de production : autant de points rouges pour un acheteur averti.

Quand l’installation devient un frein plutôt qu’un atout

Le cas de Marc et Léa Dubreuil, à Rennes, est exemplaire. En 2018, ils ont fait installer des panneaux par un artisan non certifié. Aujourd’hui, leur maison ne trouve pas preneur. Un couple est venu, ils ont tout de suite demandé les papiers. Quand on n’a rien pu leur montrer, ils sont partis. Depuis, on a eu trois visites, toutes bloquées sur le même point , confie Léa. Leur agent leur a suggéré de faire réaliser un audit indépendant. Coût : 600 euros. Mais c’est peut-être le prix à payer pour retrouver de la crédibilité.

En 2025, le marché ne pardonne plus les approximations. L’installation solaire n’est plus un gadget, c’est un équipement technique scruté comme une chaudière ou une toiture.

Quels conseils pour les acheteurs face à un logement solaire ?

La première règle ? Ne pas se laisser séduire par l’esthétique. Les panneaux peuvent briller, mais ce qui compte, c’est ce qu’ils produisent. Et pour le savoir, il faut exiger des preuves.

Les documents indispensables avant de signer

Un acheteur avisé demandera systématiquement :

  • Le certificat de conformité de l’installation (QualiPV, RGE, etc.)
  • Le diagnostic de performance énergétique (DPE) à jour
  • Les relevés de production sur les 12 derniers mois
  • Le contrat de raccordement au réseau et les conditions de revente
  • La garantie des équipements (panneaux, onduleurs, batterie)

Sans ces éléments, on navigue à vue , prévient Thomas Léger. Et dans un marché tendu, personne ne veut d’un bien avec un risque caché.

Et si on fait appel à un expert ?

De plus en plus d’acheteurs optent pour un audit technique indépendant. Coût moyen : entre 300 et 800 euros. Mais ce montant s’amortit vite si l’on découvre un défaut majeur. J’ai refusé un bien après un audit, raconte Aïcha Benmoussa, architecte à Toulouse. Les panneaux étaient mal orientés, l’ombrage important, et l’onduleur en fin de vie. Le vendeur pensait que c’était un atout. Pour moi, c’était un piège.

Que peut-on espérer en termes de plus-value ?

La réponse n’est pas simple. Elle dépend de trois facteurs : la qualité de l’installation, la localisation du bien, et la perception du marché local.

Quand la surcote est réelle… et quand elle disparaît

À Aix-en-Provence, un pavillon avec une installation de 6 kWc, posée en 2023, s’est vendu 315 000 euros, soit 10 % de plus que les biens comparables du quartier. L’acheteur était motivé par les économies d’énergie, mais aussi par la possibilité de revendre l’excédent , explique l’agent. À Bordeaux, une maison similaire, mais avec des panneaux de 2010, n’a pas dépassé le prix du marché. On a même eu une offre à 5 % en dessous, parce que l’acheteur voulait prévoir le remplacement , ajoute son collègue.

La leçon est claire : la plus-value solaire n’est pas automatique. Elle est conditionnelle à la performance réelle, à la transparence, et à la confiance.

A retenir

Le logement solaire est-il un bon investissement ?

Oui, mais uniquement s’il s’agit d’une installation récente, aux normes, bien documentée et située dans une région ensoleillée. Un système obsolète ou mal entretenu peut devenir un frein à la vente.

Les panneaux solaires font-ils grimper le prix de vente ?

En moyenne, oui, de 5 à 10 % pour les installations récentes et performantes. Mais cette surcote disparaît si l’acheteur perçoit un risque technique ou financier.

Faut-il acheter un bien avec panneaux solaires ?

Seulement si l’installation est transparente, documentée, et que sa performance est vérifiée. Un bon dossier technique vaut souvent plus que mille promesses.

Comment valoriser son installation lors de la revente ?

En tenant un dossier complet : relevés de production, contrats de maintenance, garanties, et si possible, un audit récent. La confiance se gagne par la transparence.

Le solaire est-il l’avenir de l’immobilier ?

Il en fait partie, mais il ne suffit pas. Un logement solaire performant, bien intégré et durable, répond aux attentes économiques et écologiques. Mais il ne remplace pas une bonne isolation, une ventilation efficace, ou une localisation attractive.

En 2025, le rêve solaire n’a pas disparu. Il a simplement mûri. Il ne s’agit plus de poser des panneaux pour faire joli, mais de produire de l’énergie de manière fiable, durable, et vérifiable. Ceux qui comprennent cette nuance, qu’ils soient acheteurs ou vendeurs, sont les seuls à pouvoir vraiment en tirer profit.